Le burn out au masculin: “le syndrome John Wayne”?

Ne plus parvenir à se lever et devoir admettre qu’on est “défaillant” : amplifié par la crise sanitaire, le burn out touche davantage les femmes mais les hommes aussi sont concernés et peuvent être “moins enclins à rechercher de l’aide”.

“De manière générale, dans la vie, quand on est un homme, on sait qu’il ne faut pas montrer ses émotions. On est censé être solide”, témoigne en France, auprès de l’AFP, Melvin, 26 ans, qui n’a pas souhaité donner son nom de famille. Créateur d’entreprise dans l’événementiel (“pas le bon filon en ce moment”), il “met les bouchées doubles” dans sa seconde activité, le développement informatique, pour financer sa création d’entreprise et… craque. “Bloqué”, incapable de “lire une ligne de code”, voire de “sortir du lit”.

Les femmes sont “davantage touchées par le burn out”, indique le psychiatre Patrick Légeron, co-auteur d’un rapport sur le sujet pour l’Académie de médecine française en 2016. Les raisons ? Des métiers qui sont davantage facteurs d’épuisement et la gestion de la vie domestique. “La double peine”, souligne-t-il. Mais “les hommes ont beaucoup plus de difficultés” que les femmes, lorsque le burn out s’installe, “à reconnaître ces signes pour eux-mêmes”. Ils sont parfois “dans le déni” et “moins enclins à rechercher de l’aide”.

“Les femmes ont plus de facilités à dire leurs émotions. Ce n’est pas lié à des caractéristiques liées au genre mais à des caractéristiques socio-culturelles puisque l’homme doit être courageux et ne pas montrer de signes de faiblesse”, dit le psychiatre. C’est “le syndrome John Wayne: celui qui reçoit une flèche et l’enlève en disant ‘même pas mal!'”.

“Pour un homme, avouer que ‘là, on est un peu défaillant’, ça ne correspond pas à l’image qu’on attend de lui”, déclare ainsi Baptiste Herlin, 44 ans, victime d’un burn out en 2008, même si lui assure n’avoir “pas de mal à communiquer”. Assistant manager dans une boutique de vêtements à Paris, il cumule les heures, intègre un magasin dans un quartier branché de la capitale. Et puis, “tout à coup, pour moi qui avais toujours eu à coeur de bien faire, les conséquences n’avaient plus d’importance”. Un “mardi”, se souvient-il encore, il ne peut plus se lever.

– “Problématique de la virilité” –

Dans une contribution au quotidien américain New York Times, l’ex-enseignant Jonathan Malesic raconte (d’après sa propre expérience): “Quand les hommes rencontrent des difficultés, au travail ou ailleurs, ils ont moins tendance à en parler”, en public ou en privé. “Nous sommes encore dans une société où les hommes cherchent à prouver leur masculinité à travers leurs compétences au travail”, ajoute-t-il dans un article intitulé “How men burn out” (Comment les hommes se crament).

“Sans verser dans des clichés sexistes, il y a souvent avec les hommes cette problématique de la virilité, là où les femmes vont accepter plus facilement” ce qui peut être perçu comme “un échec”, note Théo, 24 ans, qui a traversé un burn out il y a un an.

Cet épuisement professionnel est décrit par l’OMS comme “un syndrome (…) résultant d’un stress chronique au travail qui n’a pas été géré avec succès”. Il s’accompagne d’une forme de distance (gérer les choses comme des robots) et d’une perte d’efficacité professionnelle. Avec la pandémie, le cabinet Empreinte Humaine, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux, a mesuré à l’automne en France “quasiment trois fois plus” de burn out par rapport au début de la crise, explique à l’AFP son président Christophe Nguyen.

Une enquête récente montrait des femmes “plus épuisées que les hommes” mais aussi des managers (plutôt des hommes) plus épuisés et plus souvent en burn out, dit M. Nguyen.

Selon M. Légeron, “environ deux tiers des burn out sont liés aux conditions de travail et un tiers à la personnalité”, avec un surinvestissement des personnes dans leur travail, un trait plus fréquent chez les hommes et qui “les fragilise”.

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