Le boom des investissements hospitaliers: 5 milliards d’euros en 4 ans

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En quatre ans, les hôpitaux belges ont investi 5 milliards d’euros, essentiellement dans la construction de bâtiments, chiffre une étude de Belfius sur l’ensemble des hôpitaux généraux du pays, présentée ce jeudi. Mais leur santé financière se fragilise dangereusement : le résultat d’exploitation a chuté de 26% l’an dernier, en raison notamment de la forte croissance des dépenses de personnel.

“En cette période de très faible croissance, les effets directs et indirects des investissements hospitaliers sur l’économie ne sont pas négligeables”, résume Arnaud Dessoy, le spécialiste Finances publiques de Belfius et coauteur de l’étude sur la santé financière des hôpitaux belges. Par million d’euros investi, on crée ou soutient de 10 à 20 emplois dans toute la chaîne de la construction et des services annexes. En l’occurrence, les cinq milliards investis par les hôpitaux depuis 2010 auraient contribué à la création de 50 à 100.000 emplois.

Ces investissements ont augmenté de… 29,5% sur l’exercice 2013 pour atteindre 1,6 milliard d’euros. Et d’autres suivront puisque les immobilisations en cours s’élèvent à 1,1 milliard. Le ratio investissements/amortissements est également très favorable (2,3). Ces investissements concernent essentiellement les bâtiments. C’est sans doute là que l’on retrouve l’effet multiplicateur le plus important pour l’économie. D’où les 550 millions d’euros de subsides débloqués par les pouvoirs régionaux. En revanche, si l’on regarde les seuls équipements médicaux, on observe un tassement de la valeur des actifs et de l’indice de vétusté (valeur comptable/valeur d’acquisition). La poursuite d’une telle tendance pourrait s’avérer négative à terme pour la qualité des soins.

Les hôpitaux auront-ils les moyens de poursuivre leur politique d’investissement ? L’étude de Belfius n’incite pas à l’optimisme à cet égard. En effet, le résultat d’exploitation est en chute libre (-26%) : les institutions ne dégagent plus qu’un modeste 66 millions sur un chiffre d’affaires de 14,2 milliards (+2,2%, soit la plus faible progression en vingt ans). Quarante hôpitaux généraux sur 92 ont terminé l’exercice 2013 en déficit (28 seulement en 2012) et une dizaine d’entre eux accusent même une perte supérieure à 5% de leur chiffre d’affaires.

Si l’endettement reste globalement maîtrisé, Belfius constate que 17 hôpitaux n’ont pas un cash-flow suffisant pour assumer leurs dettes à moins d’un an. Cela peut être une situation passagère mais si elle devait perdurer, les conséquences pourraient s’avérer dramatiques. En 2012, seuls 11 hôpitaux étaient dans cette situation.

D’où provient cette forte dégradation des résultats hospitaliers ? Il y a d’une part l’évolution structurelle vers la diminution des durées de séjours et des taux d’occupation (sauf en gériatrie et en revalidation, en raison du vieillissement de la population), qui affecte bien entendu les recettes.

L’analyse des bilans pointe surtout la progression des rémunérations : + 3,6%, alors que les subsides liés à l’activité hospitalière n’ont augmenté que de 2,4%. Les autres importantes sources de recettes évoluent aussi moins vite : +2,7% pour les honoraires (qui sont rétrocédés à 60% en moyenne) et + 0,9% pour les produits pharmaceutiques, désormais forfaitarisés. Pour tenter d’équilibrer leurs comptes, les hôpitaux activent alors d’autres leviers : les suppléments hospitaliers ont augmenté de 7% en 2013. Ils ne représentent toutefois que 0,6% du chiffre d’affaires. En valeur absolue, la hausse n’est donc que de 5 millions.

La hausse des dépenses de rémunération provient des règles d’ancienneté, de l’exécution de l’accord social et du coût des pensions. L’emploi n’a progressé que de 0,98% en 2012, pour atteindre les 92.535 ETP.

Les représentants des différentes fédérations hospitalières présents à la présentation de l’étude de Belfius ont réclamé une plus grande liberté de gestion pour répondre à ces défis. Les syndicats négocient les revalorisations directement avec le ministre des Affaires sociales et les hôpitaux doivent ensuite se débrouiller avec les décisions.

La hausse du coût salarial provient surtout du personnel non-médical. Pour les médecins, en effet, le coût par équivalent temps-plein (ETP) aurait au contraire baissé en 2013. Avec un coût salarial moyen de 91.000 euros/ETP, les médecins restent très largement mieux payés que les paramédicaux (65.000/ETP) et les non-soignants (54.000). Attention, il s’agit d’une moyenne: dans plus d’un hôpital sur deux, le coût moyen du personnel médical est en réalité inférieur à celui du personnel non-médical. Mais dans les institutions les plus riches, les médecins explosent tous les plafonds…

L’étude de Belfius met encore en lumière le fait que les hôpitaux implantés sur un site unique obtiennent un résultat d’exploitation trois à quatre fois supérieur aux autres. Les nécessités budgétaires pourraient donc inciter à renforcer encore la concentration. Du moins dans certaines limites géographiques (veiller à l’accessibilité dans les zones moins peuplées) et thématiques, notamment pour les maladies chroniques.

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