Le billet d’avion ne sera bientôt plus la recette principale des compagnies aériennes: voici l’envers du décor

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La recette des tickets d’avion pèse de moins en moins lourd dans les ventes des compagnies aériennes. Elles tirent toujours plus d’argent de commissions diverses.

Le défi, pour les compagnies aériennes, n’est plus de faire voler des avions (sauf lors des grèves…). Mais de gonfler les recettes ancillaires, ou ancillary revenues, qui proviennent des services annexes fournis par la compagnie : commissions sur réservation d’hôtels, location d’auto, bus de transfert à l’aéroport, parking, assurance, et divers services à bord comme la vente de repas ou les bagages de soute.

Une étude publiée en 2018 par IdeaWorksCompany et CarTrawler indique que ces recettes hors tickets sont passées de 2,1 à 29,7 milliards de dollars en dix ans, jusqu’en 2017, pour les dix premières compagnies mondiales. En valeur absolue, les champions sont United, Delta et American, trois grands transporteurs américains (Ryanair est numéro 5 mondial avec 2 milliards d’euros pour l’exercice 2017/2018, soit 28% de ses recettes totales). En valeur relative, le low cost d’Europe centrale, Wizz Air, arrive à 42%, le champion est l’américain Spirit avec 46,6%.

Pour garder un prix très bas pour le vol

Gonfler les recettes annexes permet de garder en façade un ticket à très bas prix. Les transporteurs rivalisent d’imagination pour les développer. Le processus pour réserver un ticket sur le site ou une appli d’une compagnie est parsemée d’invitations à acheter des options (siège assigné ? bagage en soute ? hôtel ? assurance ? excursion à la destination ? …) avant de pouvoir clôturer la transaction.

La compagnie peut encore relancer le client avant le départ par mail : “Avez-vous trouvé un endroit pour dormir à Milan? “, “Aucun acompte exigé lorsque vous réservez votre location de voiture avec Ryanair pour votre voyage à Milan “. Wow (long courrier low cost vers l’Amérique, via l’Islande) contacte ses passagers quelques jours avant le vol, en mettant aux enchères le supplément pour les sièges plus espacés encore inoccupés.

Jouer les Amazon.com du voyage

Pour offrir jouer les Amazon du voyage, les compagnies se dotent de plateformes numériques sophistiquées. Ainsi Eurowings, compagnie à petit prix du groupe Lufthansa, dont fait partie Brussels Airlines, prépare le dispositif Eurowings Digital GmbH, pour fidéliser les clients et leur vendre des services annexes, y compris des accès à des événements. Un service de 150 personnes a été mis en place à Cologne. Le lancement est prévu à la fin de l’année.

Pour tenir le vol sous les 100 euros en Europe

Les compagnies low cost ont été les premières à développer les revenus annexes, suivies par les transporteurs réguliers “traditionnels”. L’approche est indispensable pour afficher des tarifs attractifs, car personne n’accepte plus de payer plus de 100 euros par trajet en Europe pour un voyage de loisir. Le dispositif permet aussi d’atténuer l’impact de la concurrence. “Le tarif moyen va baisser si un nouveau transporteur arrive sur un marché. Mais la part des revenus générée par l’activité à la carte va rester stable” observe l’étude d’IdeaWorksCompany et CarTrawler.

Bientôt des tickets gratuits ?

Michael O’Leary a même déclaré qu’un jour les tickets seraient gratuits, les services annexes paieraient le voyage. Cet optimisme est peut-être exagéré. En fait, une bonne partie des recettes ancillaires est liée aux vols eux-mêmes : repas à bord, siège assigné, accès prioritaire à l’avion, et surtout les bagages de soutes, parfois même les bagages de cabine payants. Wow facture le plus grand des bagages à main, Wizz l’a fait mais y a renoncé, face à la grogne de la clientèle. Il s’agit d’une décomposition de plus en plus poussée des éléments d’un vol. Jusqu’au seuil d’intolérance…

La religion du partenariat

Quant aux services externes au vol, liés au voyage -hôtels, location auto, etc.- les compagnies aériennes rêvent d’en devenir l’intermédiaire obligé, en proposant un guichet unique aux voyageurs (marketing du “one stop shopping”). Pour le logement, qui est sans doute le service le plus demandé, elles ne font souvent que dériver leur trafic vers des partenaires (Hotel.com, Booking.com, Expedia,…), moyennant une petite commission. Elles peuvent difficilement développer elles-mêmes un business de réservation de logement en partant de zéro. Tous ces partenaires potentiels ne signent pas avec toutes les compagnies.

Ainsi Airbnb ne figure pas parmi les partenaires de Ryanair, qui additionne une série d’acteurs moyens (Hotels.com, HRS, Hotelopia, B&Bs et hostelsclub) pour son service Ryanair Rooms.

Pas d’Airbnb pour Ryanair

“Airbnb serait un partenaire parfait pour Ryanair, mais ils ne veulent pas” s’était désolé Michael O’Leary, CEO de la compagnie, en mars dernier, lors d’un passage à Bruxelles. Il parvient toutefois à capter une partie du marché. Ryanair Rooms parvient, dit-il, à toucher 10% de la clientèle des voyageurs.

Robert van Apeldoorn

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