Kristof De Roeck

La “voiture-salaire” ne disparaîtra jamais. Voici pourquoi…

Kristof De Roeck Directeur général de l’agence de communications All Colors of Communication

Un rapport du Service Public Fédéral Mobilité et Transports indique que les voitures de société représentent à peine 8% du parc automobile total. Toutefois, lorsque le problème de la mobilité, que connaît notre pays, est mis sur la table, les voitures de société essuient systématiquement le feu des critiques. A tort…

Je dirige un jeune bureau de communications qui emploie 22 personnes et, à ce titre, je demeure partisan de la voiture de société. Je dirais même plus: chez nous, tout le monde peut avoir une voiture de société. C’est logique pour des personnes qui doivent souvent prendre la route, même si ce n’est pas toujours la principale raison. La plupart de nos collaborateurs ont une famille et constatent tôt ou tard qu’ils ne peuvent se passer d’un véhicule. Il n’aura pas échappé, même au partisan le plus inconditionnel des transports en commun, qu’enchaîner transport des enfants à l’école, trajet vers le boulot, virée achats, récupération des enfants à l’école et, après le repas, expédition vers le cours de musique ou l’entraînement sportif n’est pas vraiment possible si on ne peut compter que sur le bus ou le train.

Je continue de supporter la voiture de société parce que, dans bien des situations, il n’y a tout simplement pas de bonne solution de remplacement, que ce soit pour des déplacements professionnels ou privés. Et pourtant, la voiture de société est dépeinte comme le carrosse du diable dont personne ne veut réellement.

Mieux que l’autre option

Les entreprises ont heureusement la possibilité de procurer à leurs employés une voiture sûre, moderne, respectueuse de l’environnement, en bénéficiant de conditions financières avantageuses. Imaginez qu’elles soient privées de cette possibilité. Nombre de salariés achèteraient alors une voiture qui serait généralement moins chère et sensiblement plus nocive pour l’environnement. Ce véhicule revendiquera alors son propre espace dans la circulation et contribuera, lui aussi, à la congestion générale.

Tel que je vois les choses, nous avons, en tant qu’employeur, un rôle important à jouer pour faire face au problème du trafic et de l’écologie. Les employés de l’agence peuvent uniquement opter pour un véhicule respectueux de l’environnement. Nous avons par ailleurs choisi de nous installer, en toute connaissance de cause, à Kobbegem (dans la périphérie bruxelloise) parce que nos collaborateurs habitent dans la région avoisinante et peuvent ainsi éviter les grands axes routiers qui posent problème. De même, nos clients n’éprouvent aucune difficulté lorsqu’ils nous rejoignent en voiture. Nombre d’entre eux n’ont pas la possibilité d’opter pour les transports publics.

Nous encourageons également le travail à domicile, pour autant qu’il n’influence pas négativement les activités quotidiennes. Cette possibilité contribue à réduire le nombre de kilomètres parcourus par les voitures de société. Le service Mobilité estime le gain à 6%, ce qui, selon moi, est en partie dû à une changement de mentalité, en particulier du côté des “millennials”.

La cause et le syndrome

Le fait est que les gens ont besoin d’une voiture et l’utilisent. Le problème actuel de la mobilité n’en est pas une conséquence. Il naît par contre du fait que tout le monde doit pratiquement se rendre au même endroit au même moment. Toutes les classes commencent entre 8 h et 9 h, la plupart des entreprises attendent de leurs collaborateurs qu’ils soient à pied d’oeuvre dans la même fourchette horaire. Bien souvent, le lieu de travail est éloigné du domicile, ce qui explique que tout le monde emprunte la E40, la E411, la E42, la E19 et la E25 au même moment. Avec toutes les conséquences que cela implique…

Une option, selon moi, consiste à attirer des personnes travaillant dans la région ou à espérer qu’ils déménagent. Mais cela n’est évidemment pas toujours simple. Je crois que les bureaux-satellite sont appelés à jouer un rôle important à l’avenir, qu’il s’agisse ou non d’espaces de coworking. Ils évitent aux collaborateurs qui habitent loin d’être systématiquement forcés de se rendre au bureau. Chacun de nous doit se livrer à un exercice de réflexion sérieuse afin de déterminer qui doit se trouver à quel endroit à quel moment. Il y a certainement là quelques effets rapides à glaner. Quiconque dispose d’une voiture (de société) mais ne l’utilise pas tous les jours allège le phénomène de congestion sur nos routes. Le fait de posséder un véhicule n’est donc pas le facteur déterminant.

Une autre mesure certes plus difficile mais tout aussi nécessaire consiste à adapter l’infrastructure. Une surabondance d’entrées et de sorties d’autoroutes contribue à rendre le trafic inutilement complexe. Fort heureusement, une prise de conscience est en train de prendre forme. Elle aura notamment pour conséquence un réaménagement de la A12.

La tarification routière pénalise la mauvaise cible

Puis vint la décision du gouvernement flamand d’appliquer la tarification routière, un système qui consiste à faire payer en fonction des kilomètres parcourus. Un principe qui est d’ailleurs déjà, selon moi, une réalité compte tenu des prix élevés de l’essence et du diesel. De même, le leasing s’avère plus onéreux pour les voitures qui parcourent davantage kilomètres. Une entreprise a dès lors tout intérêt à encourager les salariés disposant d’une voiture de société à rouler moins. Si la tarification routière entre en application, ce ne seront pas les conducteurs de voitures-salaire qui en paieront le prix. Ceux et celles qui seront le plus touché(e)s seront les travailleurs ne bénéficiant pas d’un véhicule de société qui ne peuvent pas choisir leurs horaires de déplacement mais qui n’ont d’autre choix que de prendre la route. Ils ou elles devront y aller de leur poche.

Bien entendu, tout le monde évoque la perspective d’une utilisation massive de véhicules électriques à partir de 2025. Sur base des prix actuels de l’électricité, les coûts de consommation par kilomètre parcouru diminueront certes d’environ 50% – ce qui annulera potentiellement l’effet de l’opération de tarification routière – mais, une fois encore, ce seront les voitures-salaire qui montreront l’exemple. Ceux et celles qui ne disposent pas d’une voiture de société continueront d’opter pour un véhicule (en partie) alimenté en carburant étant donné que ce type de modèle demeurera sensiblement moins cher à l’achat.

Les voitures de société? Un instrument positif

Personne ne prétend d’ailleurs qu’une voiture de société doive nécessairement être une imposante voiture allemande. Si le gouvernement devait aujourd’hui décider que seules les voitures hybrides ou électriques pourront encore entrer en ligne de compte, d’ici cinq ans, pour un avantage fiscal sous forme de voiture de société, la transition vers un parc automobile plus écologique se ferait à la vitesse de l’éclair. Patientez cinq ans de plus et vous verrez ces mêmes voitures écologiques débarquer sur le marché d’occasion et se retrouver finalement entre les mains de particuliers qui doivent financer eux-mêmes leur véhicule. Vu sous cet angle, la voiture de société peut servir de catalyseur pour un parc automobile plus frugal et contribuer à favoriser le passage à la tarification routière.

Nous considérons dès lors davantage les voitures-salaire comme un symptôme d’un besoin de voiture. Besoin ressenti par la plupart des ménages, plus particulièrement lorsque leur quotidien ne se joue pas uniquement dans l’enceinte d’une ville. Combattre ce symptôme n’en fera pas disparaître la cause mais a par contre de quoi entraver sérieusement les déplacements des personnes concernées.

Je considère dès lors qu’il est grand temps d’arrêter de stigmatiser les voitures-salaire. Nous pourrons bientôt enfin les utiliser pour une bonne cause. A savoir, améliorer le cadre de vie sans affecter la mobilité des usagers.

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