La sécurité est un business

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En voiture, au centre commercial, au bureau, en boîte ou dans la rue, partout où nous allons, nous nous trouvons dans des endroits surveillés, sécurisés, contrôlés. Sécurité vs insécurité, c’est le paradigme moderne… qui permet à de nombreuses entreprises d’en tirer profit.

Pour le citoyen, le sentiment d’insécurité n’a jamais été aussi grand que ces dernières années. Il craint le cambriolage jour et nuit, ferme les portes de son véhicule dès qu’il monte dedans… Les commerçants ou les entreprises n’hésitent pas affecter un budget important à un système de gardiennage ou d’alarme perfectionné. Et au vu des statistiques de criminalité, ils ont raison. Du côté flamand, le taux de criminalité a augmenté de 6 % en 10 ans, à Bruxelles, il stagne et en Wallonie, il a diminué de 3 %. Grâce aux systèmes de sécurité de plus en plus perfectionnés ? En tout cas, une chose est sûre : le domaine de la protection privée ne connaît pas la crise.

En Belgique, il y aurait 82.000 cambriolages par an, soit un cambriolage toutes les six minutes. En 2011, 69.568 effractions ont été commises dans des habitations, soit une augmentation de 9,83 % par rapport à 2010, selon les données communiquées par la police fédérale. Les chiffres ont commencé à fortement augmenter à partir de sep-tembre 2011 et les premières données de 2012 confirment cette tendance. Selon la police fédérale, la plupart des cambriolages se déroulent dans les arrondissements de Bruxelles, Anvers, Liège, Charleroi et Asse. Les arrondissements d’Eupen, Ypres et Furnes comptent à l’inverse parmi les moins touchés.

Le gardiennage : la protection la plus demandée

En Belgique, toutes les entreprises de sécurité doivent être agréées par le ministère de l’Intérieur. Leur agrément est délivré pour cinq ans, renouvelables. Les sociétés qui ont besoin d’un tel sésame sont actives dans les domaines du gardiennage, de la sécurité, de la consul-tance en sécurité et de la formation. Les détectives privés ont également besoin d’une autorisation d’exercer. En 2011, 190 entreprises de gardiennage, 846 entreprises de sécurité, 898 détectives privés, 36 organismes de formation et 355 consultants en sécurité détenaient leur agrément. Et 11.463 cartes individuelles d’identification ont été distribuées aux agents de gardiennage.

Pour les entreprises de sécurité, le gardiennage reste le service le plus demandé, qu’il soit statique ou mobile. Les ports, les aéroports, les commerces, les industries, les services publics, les institutions bancaires, la chimie et les événements, entre autres, ont besoin d’une protection accrue. Souvent, un système de surveillance par caméra est inclus. Les patrouilles constituent aussi un élément dissuasif important.

Beaucoup de sociétés assurent également la sécurité lors des grands événements ou dans les lieux récréatifs mais la législation est très stricte. Le ministère de l’Intérieur a ainsi clarifié les règles relatives à l’utilisation de la convention de gardiennage, l’assurance, la vidéosurveillance et le signalement d’incidents. De même, l’utilisation obligatoire de listes et de registres de gardiennage entend éviter des situations peu claires. Un frein est ainsi mis au travail au noir et les services de police savent par qui, où et quand, des missions de gardiennage sont effectuées. En 2011, plus de 900 registres (détenus par les discothèques et les cafés) et 10.500 listes (confectionnées lors d’événements exceptionnels) ont été transmis au ministère.

Un secteur qui a la forme

Malgré la crise, la sécurité reste un poste de dépense important pour les entreprises. Même si elles ont tout de même dû adapter leurs budgets. “La crise a frappé nos clients et nous avons dû rechercher des solutions innovantes moins chères tout en leur garantissant le même niveau de sécurité, explique Régis Gaspar, CEO de Securitas. Nous avons aussi de nouveaux acteurs qui nous ont contactés. Leur assurance leur demande un service de gardiennage ou elles enregistrent de nouveaux soucis. Le retail connaît de plus en plus de vols, les hôpitaux également. Par ailleurs, des acteurs publics, comme la SNCB qui doit faire face à une augmentation du vol de cuivre, nous appellent. A présent, certaines sociétés externalisent leur service de sécurité. Entre 2011 et 2012, notre chiffre d’affaires a ainsi augmenté de 7 à 8 %.”

De manière générale, ces dernières années, la croissance s’est essentiellement développée au niveau des institutions gouvernementales et dans le domaine du com-merce de détail. L’inté-gration de systèmes en combinaison avec la sécurité du personnel connaît une augmentation plus importante pour faire pression sur les coûts du personnel et ainsi augmenter l’efficacité.

Les sociétés de gardiennage mettent également leur expé-rience à profit en réalisant des audits de sécurité. Elles tentent de répondre de manière spécifique à chaque client car les besoins ne sont évidemment pas les mêmes.

Dès lors, la formation est un élément essentiel. Quelque 3.000 personnes passent sur les bancs de l’école de Securitas chaque année. “Nous engageons environ 1.000 personnes par an, explique Régis Gaspar. Il s’agit souvent de personnes peu qualifiées. Elles apprennent un métier dans lequel elles peuvent progresser.”

Les particuliers : un marché à chouchouter

Chaque année, les policiers communaux rappellent l’importance d’une habitation bien protégée pour dissuader les voleurs. Des opérations dites “Rosace” sont mises en place dans de nombreuses communes bruxelloises. Sur demande du citoyen, un policier conseiller en prévention passe en revue toute l’habitation. Souvent, quelques petits aménagements suffisent.

Les particuliers s’équipent aussi de caméra de surveillance, de système d’alarme mais cela ne les rassure pas complètement. Sans faire trop de bruit, la sécurité privée se développe dans nos sociétés au point que, dans certains pays, le nombre de personnes engagées dans ces organisations dépasse déjà le nombre de policiers publics. Ainsi, aux Etats-Unis, il y aurait 2 millions de policiers privés pour 650.000 policiers assermentés et, au niveau mondial, ce rapport serait de deux à trois agents privés pour un agent public ! En Belgique, le nom-bre de policiers par habitant reste plus élevé que celui des agents privés. Pour-tant, les entreprises privées sentent une demande grandissante. “Nous avons de plus en plus de particuliers qui nous demandent d’effectuer une surveillance mobile et d’intervenir quand une alarme retentit, précise Alain D’Haese, porte-parole de G4S. Les particuliers sont demandeurs de solutions de sécurité où les frais sont à diviser entre les habitants du quartier. Nous remarquons que les services de police sont de plus en plus ouverts à ce genre de collaborations car nous constatons des transactions suspectes.” Mais ces quartiers résidentiels sécurisés restent pour le moment assez rares en Belgique.

Sur le domaine public, les rondes préventives ne sont toujours pas légales. “Nous devons faire face à un frein législatif important, commente Régis Gaspar (Securitas). L’Etat dispose d’un budget limité et nous manquons de policiers. Nous pourrions donc les aider. Nous engagerions du personnel que nous formerions et qui reprendrait une partie des tâches policières. Cela coûterait moins cher. Mais nous sommes devant un problème idéologique. Pourtant, aux Pays-Bas par exemple, cela se fait sans aucun souci.”

VANESSA LHUILLIER

>>> Retrouvez le dossier completLe business de la sécurité ne connaît pas la crisedans le Trends Tendances du 2 août 2012

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