La mode africaine chic et durable
Novateurs, orientés durable et lauréats de prix prestigieux, les stylistes africains se retrouveront sous les feux des projecteurs.
En juin 2022, le Victoria and Albert Museum à Londres organisera une exposition sur l’histoire de la mode africaine, depuis les années 1960 jusqu’à nos jours. C’est une tâche ambitieuse: aucune exposition ne pourra jamais rendre justice à la mode de tout un continent. Mais avec 250 pièces, les conservateurs espèrent prouver qu’il y a bien plus à montrer que des franges, des perles et des pagnes.
Cette exposition mettra en lumière des stylistes africains, comme Lagos Space Programme qui est de plus en plus apprécié dans les capitales internationales de la mode. Les talents africains se disputent d’ailleurs désormais les récompenses les plus prestigieuses du secteur, comme le prix LVMH pour les jeunes artistes, que le Sud-Africain Thebe Magugu a remporté récemment.
Nouvelle génération plus persévérante
Pour ses techniques de tissage d’Afrique de l’Ouest, Emmanuel Okoro a remporté l’édition inaugurale de l’exposition Africa Fashion Up organisée à Paris au mois de septembre sur les stylistes africains. Balenciaga, une maison de haute couture espagnole, était l’un des commanditaires. Et si l’on se fie à la capsule du styliste nigérian Kenneth Izepour Karl Lagerfeld, 2022 promet d’autres collaborations avec des stylistes africains.
De nombreuses villes africaines jouissent de leur propre centre de mode, florissant et diversifié. Chaque année, en automne, les Fashion Week de Dakar, Johannesbourg et Lagos sont attendues avec impatience. De riches sous-cultures, allant des sapeurs dandys de Kinshasa au mouvement Afropunk à Johannesbourg, continueront de s’épanouir. Mais en Amérique, les stylistes trouveront des adeptes en habillant des stars africaines, en s’occupant de la tenue d’un chanteur d’afrobeat aux Grammy Awards, par exemple, ou en dessinant la robe que Chimamanda Ngozi Adichieportera lors de la publication de son nouveau livre. Et quand la suite de Black Panther, blockbuster hollywoodien qui se déroule dans un royaume africain fictif, sortira cet été, il sera sans doute accompagné d’un tourbillon de défilés de mode inspirés de l’Afrique, ainsi que de sa cohorte de protestations relatives à cette réappropriation culturelle.
Il n’a jamais été si facile pour les stylistes d’entrer en contact avec les globe-trotteurs de la génération Y, avec un pouvoir d’achat conséquent et une conscience sociale engagée.
La mode africaine a trop longtemps été réduite à de brefs “moments de gloire” ou des phénomènes de mode. Mais la nouvelle génération de stylistes est plus persévérante. Leurs points de vue novateurs sur les tenues traditionnelles africaines conviennent parfaitement à une époque qui célèbre l’authenticité. Le développement durable (avec des tissus provenant d’artisans locaux, des bijoux fabriqués avec des matériaux recyclés) s’inscrit parfaitement dans la demande croissante de slow fashion qui définira les 10 prochaines années.
Un fonds de 100 millions d’euros
De plus en plus de stylistes sont soutenus par des entrepreneurs africains. En octobre 2021, Roberta Annan, une femme d’affaires ghanéenne, a lancé un fonds de 100 millions d’euros au Luxembourg pour octroyer des subventions à de petites et moyennes entreprises africaines de mode et de création. Internet leur fournit aussi une vitrine internationale. Industrie Africa, un catalogue en ligne de stylistes émergents basé en Tanzanie, a récemment ajouté une plateforme de commerce en ligne sur son site. Il n’a jamais été si facile pour les stylistes d’entrer en contact avec les globe-trotteurs de la génération Y, avec un pouvoir d’achat conséquent et une conscience sociale engagée.
Toutefois, des obstacles subsistent. La plupart des stylistes ont encore du mal à surmonter les entraves logistiques et financières qui paralysent le commerce africain. Malgré les tentatives d’élargir l’influence de la mode à une plus large audience, les dernières tendances resteront largement cantonnées au domaine d’une élite éduquée qui voyage. Mais cette petite bande s’étoffera certainement. La mode africaine prend son envol, et certaines des plus grandes maisons de couture au monde ne manqueront pas de les suivre de près.
Un article de Georgia Banjo, correspondante “Affaires Étrangères”, The Economist.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici