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La mobilité, bien plus qu’un problème syndical

Certes, le droit de grève est devenu une entrave à ce que d’aucuns voudraient voir consacré “droit au travail”. Mais il en est une autre, plus persistante et du coup bien plus pénible : l’engorgement des villes et des principales artères qui y mènent, rendant le trajet des travailleurs vers leur lieu de travail de plus en plus contraignant.

Les 66% de Belges qui ont pointé le déplacement domicile-lieu de travail comme le premier motif qui les pousserait à changer d’emploi l’ont-ils fait avant ou après la grève du lundi 19 octobre dernier ? Probablement avant, mais finalement, tant l’enquête menée par le bureau de conseil Robert Half que l’indignation qu’a suscitée la mort d’une patiente qui n’avait pu être prise en charge par son médecin, bloqué à cause d’un barrage de la FGTB, mettent en lumière un souhait légitime de la population : pouvoir se rendre au travail en toute sérénité, et en toute sécurité.

Certes, le droit de grève est devenu une entrave à ce que d’aucuns voudraient voir consacré “droit au travail”. Mais il en est une autre, plus persistante et du coup bien plus pénible : l’engorgement des villes et des principales artères qui y mènent, rendant le trajet des travailleurs vers leur lieu de travail de plus en plus contraignant. Au point que deux Belges sur trois placent ce problème en tête des raisons qui les feraient changer de boulot, devant les perspectives de carrière, le salaire et la culture d’entreprise !

Le droit de grève est devenu une entrave au sacro-saint “droit au travail”. Mais il en est une autre bien plus pénible : l’engorgement des villes !

Un tel constat ne mériterait-il pas d’élever la problématique de la mobilité au rang de priorité politique, bien avant celle de la révision du droit de grève ? Car l’enjeu est multiple : économique (les heures passées dans les embouteillages ou à attendre un train en retard pèsent évidemment sur la productivité de nos entreprises), environnemental, mais aussi de l’ordre de la santé publique, si l’on considère le stress engendré par cette lancinante question : “À quelle heure vais-je arriver au boulot ?” (sans parler de ses multiples corollaires : “Vais-je être sanctionné ?”, “Comment vais-je pouvoir compenser ce retard ?”, “Cais-je arriver à temps à l’école, à la crèche ?”, etc.)

Au coeur de ce fléau, il y a bien entendu un point ultra-sensible : la voiture – symbole de liberté et de puissance, dont le nombre (plus d’un milliard) a augmenté trois fois plus vite que la population mondiale entre 1955 et 2005 – et en particulier la voiture de société, une petite entourloupe bien belge qui ajoute encore un parfum de réussite sociale à son détenteur. Défiscalisé dans le chef des entreprises et des travailleurs, ce complément de salaire a entraîné une cascade de dérives : usage intensif et souvent irrationnel de la voiture, préférée aux transports en commun en raison de sa quasi-gratuité pour l’usager, exode des villes du fait de cette même gratuité, créant congestion en périphérie, et en définitive, hausse de la pollution, du stress, et probablement aussi, des accidents de la route. À tel point que certains citadins chanceux bénéficiant aujourd’hui dudit “avantage” préfèrent le laisser dans leur garage et enfourcher leur vélo – plus écolo, meilleur pour la santé et surtout plus rapide en ville – mais ô combien dangereux compte tenu de la faiblesse des infrastructures qui lui sont consacrées.

Soyons de bon compte : nos sociétés modernes ne se passeront pas de la voiture, qui reste un outil de travail et un moyen de transport indispensables, en particulier en province. Mais elle est au coeur de la transition énergétique, et les déboires récents de l’industrie automobile le confirment : il faut changer de modèle. Jouer à plein la carte de la complémentarité des moyens de transport. Synchroniser le développement des transports et des parcs d’activité économique. Et rendre au transport en général son juste prix. “Ce n’est pas parce que l’on a une protection juridique que l’on peut faire tout et n’importe quoi”, a reconnu devant les caméras Francis Gomez, président du bureau liégeois de la FGTB. Ajoutons : “Ce n’est pas parce que l’on a un électorat à chouchouter que l’on peut lui donner tout et n’importe quoi.”

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