La France suspend ses écotaxes: pourquoi les routiers belges s’en félicitent

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Le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, a suspendu la mise en oeuvre des écotaxes, ce péage au km des poids lourds. Il espère ainsi stopper l’escalade des manifestations violentes en Bretagne. L’UPTR (fédération des routiers belge) se félicite de cette décision qui concerne aussi les camions belges.

La pugnacité des agriculteurs bretons pourrait aider les routiers belges. Les premiers ont obtenu la suspension d’une taxe kilométrique pour les poids lourds, appelée écotaxe, qui frappera à partir de 2014 les camions circulant sur les grands axes, hors des autoroutes à péage. Minés par une crise aiguë, en particulier dans l’élevage, les agriculteurs bretons ont estimé que cette taxe allait encore plomber leur activité. Ils combattent la mesure avec de violents affrontements avec les forces de l’ordre.

“Les inquiétudes des Bretons sont les nôtres”

Face à ces échauffourées, le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, a suspendu la mise en application de l’écotaxe. La nouvelle est accueillie avec intérêt par les routiers belges, qui sont concernés par cette taxe. Elle s’appliquera à tous les camions parcourant l’Hexagone, et représentera environ 15 cents par km. “Les inquiétudes des Bretons sont les nôtres” dit Michael Reul, secrétaire général de l’UPTR, la fédération belge des transporteurs routiers. “Avant d’imposer ce type de taxe, il faut en mesurer l’impact économique.”

La Belgique, elle aussi, va adopter une taxe similaire au km, qui remplacera l’Eurovignette (1250 euros par camion), à partir de 2016, pour l’usage des autoroutes. “Si l’on prend les tarifs pratiqués dans les pays voisins, le coût du péage pourrait passer à 12.000 euros par camion”, estime Michael Reul. Les entreprises de transport routier encaissent mal l’accumulation des péages routiers au km, qui s’ajoutent au système de péage existant pour les autoroutes dans certains pays (France, Italie, Espagne,…). L’objectif est pourtant légitime : il s’agit de mieux couvrir les frais d’entretien des voies empruntées. L’Allemagne a mis en place un péage au km électronique depuis 2005, basé sur un boîtier embarqué dans chaque camion, doté d’un GPS, qui comptabilise les km parcouru sur les axes taxés.

Qui payera le surcoût ?

La France, qui fait déjà payer ses autoroutes, souhaite utiliser la même méthode électronique pour faire payer les grands axes hors concessions autoroutières, pour éviter que des camions n’augmentent la congestion sur les nationales pour ne pas payer les péages autoroutiers. En Belgique, les Régions espèrent tirer davantage de recettes pour financer les routes avec un nouveau mécanisme de péage électronique au km. Les transporteurs ne sont évidemment pas enthousiastes. “Le souci est le surcoût que cette taxe va occasionner” dit Michael Reul, “il n’est pas toujours possible de le répercuter sur les clients, qui pourraient être tenté de recourir à des transporteurs roumains ou bulgares, moins chers.” Il pourrait aussi toucher des secteurs très sensibles au coût du transport comme les carrières, les sucreries.

Cet avis est du reste reflété par la position du Conseil Economique et Social wallon du 17 octobre dernier. Le CESW “déplore vivement l’absence complète de prise en compte des impacts socio-économiques du prélèvement kilométrique sur les entreprises de transports wallonnes”.

Pas encore de tarif en Belgique

Le péage kilométrique belge est une compétence régionale, chaque Région peut utiliser le système qu’elle entend adopter, mais les trois Régions se sont accordées pour utiliser le même mécanisme et les mêmes technologies. Chacune garde la faculté d’adopter un tarif différent. La Flandre pourrait être tentée de taxer moins cher par km que la Wallonie, pour ne pas handicaper le port d’Anvers, qui est concurrencé par Rotterdam, en plein pays sans taxe au km.

La pugnacité des agriculteurs bretons arrange bien les routiers belges. L’écotaxe n’est certes pas supprimée, comme le demandent les manifestants, juste suspendue. Mais elle pourrait s’appliquer plus tard que janvier 2014.

Robert van Apeldoorn

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