La flotte fantôme de Poutine
La Russie serait à la tête d’une armada fantôme de vieux tankers remplis de pétrole qu’elle voudrait soutirer aux restrictions occidentales. Quels risques représentent de tels bateaux vieillissants et sans assurance ?
Selon les calculs de Braemer (un courtier maritime) et Rystad (un cabinet de conseil en énergie) repris par le Financial Times, la Russie s’est constitué une flotte fantôme de plus de 100 pétroliers qui échappent à tout contrôle. Une mystérieuse flotte parallèle qui permettrait de contourner les restrictions occidentales sur les ventes de pétrole russe après l’invasion de l’Ukraine. Si cette armada de l’ombre passe sous les radars, c’est parce que les capitaines n’hésitent pas à éteindre leur système de navigation et leur système de suivi. Le nom des bateaux est aussi régulièrement masqué, les papiers sont falsifiés, ils naviguent sous un faux pavillon où le pétrole est pompé d’un autre navire en haute mer. Plus inquiétants encore, certains de ces navires ne sont même pas assurés alors que l’assurance responsabilité civile est obligatoire pour chaque propriétaire de bateau et qu’en cas de marée noire il n’y a personne contre qui se retourner.
Un secteur en pleine expansion
Un tel genre de flotte aurait déjà été utilisée par l’Iran et le Venezuela pour offrir un débouché à leur production de pétrole, mais son ampleur aurait connu un boost sans précédent depuis le début de la guerre en Ukraine et le durcissement des sanctions envers la Russie. Le nombre de navires n’était que de 70 il y a deux ans et atteindrait aujourd’hui les 300 selon une estimation récente. En conséquence, le prix des vieux pétroliers a grimpé en flèche. Ainsi, le prix moyen des navires de 15 ans d’âge a augmenté de 37 % au cours des six derniers mois pour atteindre 52 millions de dollars selon le Wall Street Journal. Cette année, c’est pas moins de 109 pétroliers dont l’achat pourrait être attribué à des acheteurs ayant des liens avec la Russie. Et parmi eux, il y aurait 29 pétroliers géants capables de transporter plus de deux millions de barils de pétrole brut chacun.
Pourquoi un tel mystère ?
Contrairement à l’Iran, la Russie ne doit pourtant pas se cacher puisque son brut, même plafonné, peut encore être vendu et acheter officiellement partout dans le monde. Mais cela n’empêche pas que la Russie ne peut plus transporter facilement son pétrole et doit trouver des destinations alternatives si elle veut maintenir ses exportations. Suite aux restrictions imposées par l’Europe, elle n’arrive pas à trouver assez de pétroliers assurés (les assureurs ne pourront plus couvrir les navires transportant du pétrole russe, quelle que soit leur destination sauf s’il est vendu en dessous du prix maximum de 60 dollars par baril) et le marché européen lui est désormais fermé. L’Union européenne depuis le début de la semaine interdit l’importation de pétrole brut russe dans l’Union européenne par bateau. On estime que c’est de 200 000 à un million et demi de barils de pétrole par jour qui ne seront pas transportés. Et le problème pourrait devenir encore plus aigu après le 5 février, lorsque l’interdiction de l’UE sera étendue aux carburants raffinés russes dit De Standaard.
Tout cela l’oblige également à aller chercher plus loin sa clientèle et à compter principalement sur les pays qui ne souscrivent pas aux sanctions pétrolières, comme l’Inde et la Chine. Elle se voit aussi contrainte d’offrir son pétrole à un prix inférieur aux prix de référence tels que le Brent, si elle ne veut pas trop réduire sa production de pétrole en raison d’un manque de clients.
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