La chronique “expérience client” de Dr Sales: le poids des maux
Les paroles s’envolent, les écrits restent. C’est encore plus vrai dans le monde numérique. Vous craignez les avis négatifs à propos de votre activité? Voici huit conseils pour les gérer au mieux et y répondre avec pertinence.
La crainte de s’exposer et de faire l’objet de commentaires négatifs est sans conteste l’un des freins les plus classiques à la présence en ligne des entrepreneurs. On peut le comprendre quand on réalise qu’en moins de 20 ans, l’absolue majorité des consommateurs a pris l’habitude de s’informer sur le web avant d’acheter, même hors ligne. Pour peu que cet achat paraisse important ou risqué, la consultation deviendra un réflexe pour plus de 90% des clients. Et 94% d’entre eux déclarent qu’un avis négatif en ligne les a déjà détournés d’un commerce ou d’un achat.
Les paroles s’envolent, les écrits restent. C’est encore plus vrai dans ce monde numérique où les écrits se partagent, se copient et se diffusent à la vitesse de l’électron. Il est donc sensé d’être terrorisé à l’idée de se faire descendre en flammes par un client insatisfait, malveillant ou, pire, par un concurrent peu scrupuleux.
La vie d’entrepreneur est déjà tellement empreinte de risques, pourquoi vouloir encore y ajouter la crainte de faire du bad buzz? D’une part, parce que nous n’avons plus le choix. De l’autre, parce que notre peur d’agir pourrait bien nous priver de nombreux bénéfices: un consommateur sur deux affirme en effet qu’il est plus susceptible de faire confiance à un établissement qui répond aux commentaires.Nous sommes conditionnés par notre biais de négativité et par notre appétit de preuve sociale. Ces deux réflexes se mélangent en ligne dans un cocktail détonant. Le client prête une attention proportionnellement démesurée à l’avis négatif, perpétuant ainsi un instinct hérité qui nous a permis jadis d’éviter de nombreux périls mortels. Depuis, nous avons fait disparaître nos prédateurs, et nos risques de mourir par empoisonnement ou par blessures se sont réduits à l’extrême. Mais tel un suricate paranoïaque, nous conservons cette manie de capter et relayer tout stimulus négatif parce que nos systèmes archaïques continuent de récompenser la répétition de ces comportements survivalistes à coups de dopamine.
Cherchez à coopérer, pas à avoir raison à tout prix. Le motif principal d’un commentaire négatif en ligne est d’exprimer une frustration, pas forcément d’en résoudre la cause.
Nous pouvons même nous prendre la main dans notre propre sac, par exemple quand on veut réserver un hôtel ou un restaurant inconnu et que nous nous retrouvons à lire en premier, avec attention, les avis les plus négatifs. Des travaux existent sur ce “poids des maux”. Les psychologues Marcial Losada et Barbara Fredrickson ont souligné l’impact de la proportion de réflexions positives et négatives en management sur l’engagement des équipes. Leur première étude, menée dans plus de 60 entreprises, a démontré qu’un ratio de trois commentaires positifs pour un négatif était nécessaire pour conserver une motivation adéquate au travail. Amené sur le terrain de jeu du couple, ce ratio a été revu à la hausse. Les couples qui durent semblent appliquer au quotidien un “ratio de Losada” de cinq stimuli positifs pour compenser un négatif. Appliqué à l’effet des avis critiques des clients sur les intentions d’achat, ce ratio passerait à sept pour un. Il faut donc aujourd’hui, pour maintenir une perception globalement positive d’un produit ou d’une entreprise, diluer un commentaire négatif parmi sept avis positifs. Comment transposer ces vérités? Comment gérer au mieux d’éventuels avis négatifs à propos de votre activité? Voici huit conseils pour y parvenir.
- Faites s’exprimer les avis positifs! Si le ratio de sept pour un est assez terrifiant, il recèle justement un premier conseil d’excellence numérique: pour ne pas subir les commentaires négatifs, vous allez devoir apprendre à récolter et stimuler un maximum commentaires positifs – sujet que nous développerons d’ailleurs dans une prochaine chronique.
- Répondez à TOUS les commentaires, faites-en une routine, une discipline! La croissance harmonieuse de votre réputation en ligne se cultive comme une plante d’ornement, avec soin et vigilance. Soutenez et remerciez toute personne qui aura fait vos louanges avant de répondre à ceux qui vous fustigent. Ne laissez aucun commentaire suspendu. En ligne, ayez le dernier mot, précisément parce que c’est la dernière chose qu’un prospect curieux retiendra.
- Prenez contact directement avec l’émetteur avant de répondre. Dans de nombreux cas, avec un peu de tact et d’empathie, le client détracteur se sentira entendu et pris en compte, ce qui l’amènera souvent à retirer simplement son avis. Et dans les rares cas où ce premier échange tournerait mal ou n’aurait pas lieu, vous pourrez toujours mentionner, dans votre réponse publique, votre tentative d’apaisement.
- Répondez vite, mais pas trop! Selon une étude de VOOBusiness et Trends-Tendances, 38% des TPE répondent immédiatement à des commentaires négatifs (mais seulement 9% des entreprises de plus de 50 personnes). Un bon réflexe? Pas forcément. La moitié des commentateurs attendent une réponse à leur avis négatif dans les 48 heures, pas dans les 4,8 minutes! Le commentaire à chaud offre la possibilité à l’émotion d’un client de s’exprimer trop facilement. Ne tombez pas vous-même dans ce piège! Oui, la critique vous blessera, surtout si elle est injuste! Mais répondre du tac au tac n’est pas la meilleure solution. Prenez le temps de réfléchir et préparez déjà, à froid, des bases de réponses que vous utiliserez facilement au bon moment. A l’inverse, si vous faites l’objet d’un commentaire négatif dans un post sur un réseau social, réagissez rapidement. Tentez une prise de contact directe ou, si elle est impossible, répondez sobrement sans prêter le flanc à la polémique! Car si vous entamez un débat réactif sous la publication, les algorithmes démultiplieront l’audience potentielle du billet original, ce qui ne fera pas votre affaire!
- Cherchez à coopérer, pas à avoir raison à tout prix. Le motif principal d’un commentaire négatif est d’exprimer une frustration, pas forcément d’en résoudre la cause. S’il s’agit d’une déficience réelle du service, exprimez votre regret et remerciez votre détracteur d’avoir attiré votre attention. Montrez que vous prenez au sérieux son avis et que vous en tirez des actions et des leçons. Il ne sert à rien de vous excuser à outrance: vous n’avez plus de prise sur le passé. Tout l’art de traiter une plainte (digitale ou pas) consiste à faire passer le client de la rage justificatrice du “pourquoi” à l’action corrective du “comment”. Ne vous étendez donc pas trop sur les raisons qui ont conduit à l’insatisfaction dénoncée mais à partir de celle-ci, montrez les actions mises en place pour rétablir la situation. Le lecteur suivant conclura, lui, que la mésaventure évoquée a peu de risques de se reproduire. Dans la mesure du possible, invitez votre client insatisfait à réitérer son expérience avec vous.
- Si un commentaire vous paraît de mauvaise foi, tentez d’abord de rejoindre son auteur dans son intention avant de mettre en joue son comportement. La plupart des gens sont mus par des intentions positives et défendent leur propre vision du “bien” et du “bon”. Vous pouvez commencer par “Nous comprenons votre exigence professionnelle et nous ambitionnons de toujours améliorer la qualité de nos services” avant de continuer “il est dommage pour nous de voir ramenée toute la qualité de l’établissement à la simple présence d’un verre ébréché”.
- Si les propos sont outrageux, insultants ou totalement infondés, signalez-les au plus vite à la plateforme responsable et n’hésitez pas, pour ceux-là, à dénoncer publiquement leur caractère calomnieux dans une réponse courte et sans ambages.
- Enfin, si vos activités s’étendent, envisagez de faire appel à des professionnels de l’e-réputation qui pourront prendre en charge le filtrage et les réponses à vos commentaires.
Retrouvez toutes les deux semaines la chronique Expérience Client de Dr Sales à l’occasion du Trophée de l’Indépendant de l’Année organisé par VOObusiness. www.trophee.business.voo.be
Un article de Laurent HJ De Smet #DrSales
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