La capsule de café “low cost” n’ébranlera pas Nespresso !

© Epa

La guerre des dosettes de café est relancée. L’ex-patron de Nespresso se joue des brevets pour lancer des capsules “nespresso-compatibles”, biodégradables et surtout moins chères. Le monopole de Nespresso va-t-il voler en éclats ? A moins que Senseo et Douwe Egberts soient les véritables victimes…

Nespresso est à un tournant de son histoire. La poule aux £ufs d’or – 1,8 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2009, une croissance de 30 % depuis 2000 – est aujourd’hui menacée par Jean-Paul Gaillard, l’homme qui dirigea la marque entre 1988 et 1997. Ce Suisse de 50 ans s’apprête en effet à lancer des capsules de café compatibles avec les machines Nespresso, biodégradables en six semaines (celles de Nespresso ne le sont pas) et moins chères. Et ce malgré les 1.700 brevets censés protéger la capsule et la technologie d’extraction du café jusqu’en 2012 ! “Je connaissais la technique, j’ai vu la faille dans le système de perforation du bas de la capsule”, plaide Jean-Paul Gaillard comme une défense inattaquable sur le plan juridique. Avec deux ans d’avance, celui qui dirige aujourd’hui la PME suisse Ethical Coffee Company (ECC) ébranle donc le géant suisse Nestlé. Sans encore toutefois le faire vaciller. D’autant que la vraie victime pourrait ne pas être celle à qui l’on pense…

Nestlé pourrait laisser faire…

“A première vue, la position de quasi-monopole de Nestlé sur les capsules est mise en danger mais ce segment de marché a progressé de 30 % l’an passé, il y a donc de la place pour un autre acteur”, assure Christophe Laborde, analyste chez Bordier & Cie à Genève. Chez Nestlé, on prétend d’ailleurs ne pas craindre la concurrence. Le groupe ne compte pas non plus adapter ses prix face à la dosette low-cost, préférant mettre en exergue la qualité exceptionnelle de ses capsules : “Nos prix reflètent notre valeur ajoutée car nos produits ne reposent que sur 1 ou 2 % de la production mondiale de café qui répond à nos critères en matière de goût, d’arôme et de qualité”, justifie Daniel Blarer, directeur général de Nespresso Benelux. Nespresso va-t-il rester les bras croisés face à la concurrence ? “Le groupe utilisera tous les moyens pour empêcher ce genre de produits d’arriver dans la grande distribution”, estime Jon Cox, chez Kepler Capital Market, dans une note de recherche. Pas sûr toutefois que le groupe de Vevey y parvienne.

Nestlé pourrait en fait laisser faire son ancien dirigeant durant un certain temps. Car vu les prix cassés des dosettes d’ECC, les consommateurs pourront enfin accéder à la technologie des machines Nespresso. Ce qui devrait ravir les partenaires industriels de la marque qui produisent ces machines brevetées comme Magimix ou Krups. Et par ricochet, cet effet de levier pour les machines Nespresso risque d’avoir un impact direct sur les autres acteurs du café portionné…

Une alliance secrète ?

Alors qu’ils se tournaient naturellement vers les produits Senseo (Philips) et leurs dosettes (Douwe Egberts, etc.) ou encore Kraft et Bosch avec Tassimo, certains consommateurs devraient être tentés par l’expérience café d’ECC (Jean-Paul Gaillard prévoit de produire 450 millions de dosettes et “près de 2 milliards en 2011”). D’autant que ses dosettes low cost rivaliseront directement avec celles de Senseo de Douwe Egberts. Ces dernières coûtent en effet entre 0,16 et 0,39 centime selon l’arôme contre 0,28 centime d’euro pour les capsules génériques de Nespresso.

Dans ce contexte, faut-il considérer que le grand perdant de l’histoire n’est pas Nespresso mais Philips et Douwe Egberts ? D’autant qu’il se dit déjà qu’une reprise d’ECC par Nestlé serait stratégiquement pertinente. En effet, le groupe de Vevey contrôlerait ainsi la distribution des capsules en grande distribution, écraserait la concurrence directe (Senseo ou Tassimo), éviterait que ses brevets tombés dans le domaine public soient exploités par d’autres, donnerait une réponse écologique sans nuire à son image haut de gamme, élitiste et glamour, le tout en ayant considérablement augmenté son parc de machines.

Une question se pose donc : trouvaille miraculeuse d’une faille seulement deux ans avant la fin des premiers brevets ou alliance secrète pour verrouiller le marché du café en capsules ? n

Valéry Halloy

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content