La bulle de la pub en ligne

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De la folle entrée en Bourse de Twitter aux cours à quatre chiffres de Google, l’avenir de la publicité en ligne est plébiscité par les investisseurs qui ne semblent nullement craindre une quelconque forme de déception malgré la concurrence grandissante.

Twitter est sans aucun doute le meilleur exemple de la confiance des marchés envers le modèle de la publicité en ligne. Le réseau des gazouillis devrait dépasser le cap du milliard de dollars de chiffre d’affaires l’année prochaine après avoir lancé ses messages sponsorisés en 2010.

Bien que la firme à l’oiseau bleu demeure sans doute déficitaire au moins encore en 2014, les marchés lui ont octroyé une valorisation de 25 milliards de dollars, ce qui représente près de 110 dollars par utilisateur. Afin de justifier un tel prix, le réseau de micro-blogging devra multiplier ses revenus publicitaires qui plafonnent actuellement à un peu plus de 2 dollars par utilisateur. Selon les analystes, Twitter générera en 2018 un chiffre d’affaires de 6,3 milliards de dollars, soit exactement 10 fois le consensus pour cette année. Cela signifie donc que le groupe devra conjuguer hausse du nombre d’utilisateurs (Facebook en compte cinq fois plus) et accroissement des revenus publicitaires par utilisateur de façon notamment à se rapprocher des 6 dollars par an de revenus publicitaires par appareil Android.

Marché plus mature Le système d’exploitation pour appareils mobiles (smartphones, tablettes) a en effet largement contribué à la croissance de Google ces dernières années. Le groupe américain s’est ainsi hissé parmi les 10 plus grosses capitalisations boursières mondiales avec un cours de plus de 1.000 dollars grâce uniquement à la publicité en ligne (sur ordinateur et appareils mobiles) dont il détient une part de marché mondiale estimée à 33 % pour cette année.

De méfiants il y a un an, les marchés sont ainsi devenus optimistes pour Google qui affiche un ratio cours/bénéfice prévu de 23 pour 2013. Outre Facebook, la publicité en ligne est également venue au secours de Zynga dont la perte de popularité des jeux en ligne comme Farmville a plombé les revenus de souscription.

Au niveau mondial, le marché de la publicité en ligne devrait à nouveau croître de 13 % cette année pour atteindre près de 110 milliards de dollars, en hausse de 81 % depuis 2009 et presque autant que l’ensemble de la presse écrite (journaux et magazines). Il représente également plus de la moitié du budget télé alors que les spots TV demeurent plus efficaces que les campagnes en ligne pour 89 % des managers dans la publicité selon un sondage de placemedia.

Par ailleurs, l’essence même des réseaux sociaux risque également d’affecter le potentiel publicitaire. Les annonceurs peuvent en effet exploiter les réseaux pour faire connaître leurs produits et/ou promotion auprès de leurs nombreuses connaissances sans devoir débourser le moindre centime. Les budgets pourraient donc de plus en plus être consacrés à l’élargissement des cercles de connaissances sur les différents réseaux. Ou à la création de buzz qui est l’autre moyen à la mode de se faire connaître sur la Toile sans dépenser de fortunes en coûts de communication.

Un gâteau de plus en plus convoité Il y a malgré tout un consensus sur la poursuite de la croissance de la publicité en ligne (recherches sponsorisées, encarts publicitaires, Internet mobile, spots dans les vidéos) mais à un rythme moins soutenu que les 15 % des dernières années, l’essoufflement étant prioritairement attendu aux Etats-Unis. Ces derniers resteront certes leaders dans les années à venir, mais leur part diminuera au profit notamment des pays émergents où les fournisseurs ne sont pas les mêmes. Le moteur de recherche de Google est ainsi largement supplanté par Baidu en Chine et Yandex en Russie. Renren est loin devant Facebook dans l’empire du Milieu.

Outre cette concurrence “géographique”, le gâteau de la publicité en ligne est également de plus en plus convoité dans les pays occidentaux. Google est certes parvenu à y rester omnipotent mais il a dû largement étoffer ses services à côté de son moteur de recherche : Android, YouTube, Gmail, Google+, Chrome, les encarts publicitaires sur sites partenaires, etc.

Les plus gourmands actuellement en matière de développement publicitaire sont sans conteste les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, LinkedIn, Instagram, Tumblr, etc. avant sans doute de nouveaux venus sur la Toile.

D’anciennes gloires comme AOL (Huffington Post, TechCrunch) ont également amélioré leur offre en ligne afin d’attirer les annonceurs tandis que les médias traditionnels profitent de leur audience pour soutenir le développement de leur plateforme publicitaire numérique passant généralement par leur site web.

Marchés trop optimistes En conclusion, la croissance de la publicité en ligne devrait se poursuivre, continuant sans doute à gagner des parts de marché par rapport aux médias traditionnels mais le gâteau sera à partager entre de plus en plus d’acteurs (spécialistes des pays émergents, réseaux sociaux, groupe médias…). La rentabilité risque également d’être affectée comme pour chaque marché qui arrive à maturité. Comme on peut le constater chaque trimestre avec Google, le revenu par clic (sur une publicité) ne cesse de baisser obligeant les sociétés technologiques à augmenter les volumes, ce qui suppose également davantage de données traitées (et donc de centres de données) pour un même revenu.

En Bourse, les investisseurs ne tiennent toutefois pas compte de ces risques, Google présentant la valorisation la moins élevée à près de six fois son chiffre d’affaires prévu pour cette année, un rapport qui demeure élevé et impliquant toujours une croissance soutenue avec maintien de ses marges bénéficiaires. Twitter cote pour sa part 38 fois ses revenus prévus pour cette année, un ratio digne de la fin des années 1990 en pleine bulle dotcom. Par comparaison, le S&P 500, l’indice élargi américain, affiche en effet un rapport cours/chiffre d’affaires d’à peine 1,6.

Nous vous conseillons donc de revendre vos valeurs technologiques directement liées à la publicité en ligne comme Google, Facebook, LinkedIn, Twitter ou le français Criteo récemment introduit sur le Nasdaq.

CÉDRIC BOITTE

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