La Belgique part à la conquête des réseaux sociaux

Bulbme, plateforme "inspirante" 100% belge lancée il y a quelques semaines. © PG

Depuis peu, des réseaux sociaux issus d’initiatives belges tentent d’émerger sur un marché archi-dominé par un petit groupe de géants. Pas de quoi effrayer ces initiateurs, persuadés que leur offre est différente et trouvera donc son public. Un défi audacieux que se sont fixé les fondateurs de Stent.care, Bulbme et Moonpeel.

Lorsque l’on parle de réseaux sociaux, ce sont bien souvent les ogres du Net comme Facebook, Twitter et autre Instagram qui nous viennent directement à l’esprit. Forts de leurs milliards d’utilisateurs, ils semblent incontournables quand il s’agit d’associer communauté et digital. Pourtant, ces géants ne sont pas les seuls à avoir pour objectif de connecter les gens.

En Belgique, plusieurs initiatives ont également vu le jour ou sont en train de naître. C’est par exemple le cas de Bulbme. Lancée il y a à peine quelques semaines, cette nouvelle plateforme 100 % belge est sortie de l’imagination de Jean-Charles della Faille. ” L’objectif est de rassembler sur un même site du contenu inspirant. C’est donc très large, ça peut concerner le dépassement de soi, comme l’engagement, l’éthique, etc. “, explique le fondateur, qui souhaite se différencier de ce que proposent déjà les géants du Net. ” Facebook est évidemment un réseau génial. Mais je trouve que c’est devenu un véritable fourre-tout. Dans le même fil, je retrouve des photos de mes amis à un barbecue, puis un commentaire sur l’actualité, une vidéo de chat, etc. On ne s’y retrouve plus. ” Le responsable de Bulbme est persuadé de pouvoir rapidement trouver son public. ” Le fait d’être dans une niche particulière nous permet d’être différents, estime-t-il. C’est un peu comparable avec la vidéo. Sur Facebook, il y en a des tas mais, en général, lorsqu’on en cherche une précise, on va sur le réseau spécialisé qui est YouTube. On souhaiterait donc avoir le même rôle mais au niveau du contenu inspirant. ”

Devenir le réseau social de référence dans une niche précise. Voilà probablement la seule solution, pour exister face aux géants.

La valeur du nombre

Devenir le réseau social de référence dans une niche précise. Voilà probablement la seule solution pour exister face aux géants. C’est du moins l’avis de Damien Renard, professeur de communication à l’UCL et membre du centre de recherche Social Media Lab. ” Le plus grand défi pour un nouveau réseau social, c’est de prouver qu’il est plus intéressant que ce qui existe déjà, explique-t-il. Il doit convaincre la communauté de migrer de ses habitudes vers la nouvelle offre, ce qui est très compliqué. ” Car l’enjeu est évidemment d’attirer le plus de personnes. ” C’est ce qu’on appelle l’effet de réseau, précise Damien Renard. La valeur d’une plateforme communautaire ne se définit que par la quantité des membres qu’elle parvient à attirer. Autrement dit Facebook vaut autant, uniquement parce que tout le monde l’utilise. ” Un aspect qu’ont parfois tendance à négliger les créateurs de réseaux sociaux. ” On constate souvent que les fondateurs accordent énormément d’importance à la mise en place de la plateforme et se soucient trop peu des utilisateurs, qui sont véritablement la clé pour réussir “, explique Damien Renard.

 Lucio Scanu, cofondateur de Stent.Care:
Lucio Scanu, cofondateur de Stent.Care: “L’objectif premier de Facebook est commercial et il n’y a donc aucune garantie que ce qui y est publié ne sera pas réutilisé, contrairement à notre plateforme.” © PG

L’importance des leaders d’opinion

Face à cette difficulté de convaincre, les projets à tenir la route sur du long terme sont l’exception. Pour obtenir ” une masse ” critique d’utilisateurs, il est indispensable, selon Damien Renard, de s’appuyer sur un noyau très actif de membres qui attirera ensuite d’autres personnes dans un processus de cercle vertueux. ” Pour Facebook, on dit souvent que pour 100 utilisateurs, un sera très actif, quelques-uns un peu moins et les 90 % restants ne font que regarder, explique le professeur. C’est donc ce membre actif qu’il faut rapidement trouver. ” Blogueurs et autres personnes influentes sur la toile sont donc souvent essentiels pour lancer une communauté. Un aspect que Bulbme a visiblement bien cerné. ” L’intérêt de notre plateforme dépendra vraiment de son contenu inspirant. Pour en avoir assez et pour qu’il soit de qualité, on pense à rémunérer les personnes les plus influentes sur notre réseau “, précise le responsable du site. Et si les réussites sont rares, tout peut aller très vite sur le Net. ” Il suffit de regarder les exemples comme LinkedIn ou Blablacar qui, en se focalisant sur un sujet précis (le marché du travail et le covoiturage, Ndlr), sont devenus rapidement des références, illustre l’expert de Social Media Lab. Il serait très compliqué aujourd’hui de vouloir lancer un autre site de covoiturage. ” Une évolution fulgurante qui peut également aller dans l’autre sens, en témoigne l’exemple de Myspace. Déserté par ses utilisateurs, ce dernier est désormais totalement dépassé.

S’il est difficile de se faire une place, les exemples de réussite existent aussi en Belgique. Depuis trois ans, un réseau social y prend doucement sa place. Moonpeel est une plateforme spécialisée dans le monde de l’art et a pour objectif de mettre en relation tous les professionnels du domaine. ” On a constaté que les artistes, au sens large, avaient souvent du mal à se connecter avec les autres personnes actives dans le secteur, détaille Gaëtan Lerminiaux, l’un des fondateurs. On a donc décidé de lancer Moonpeel pour permettre à l’offre et la demande de matcher plus facilement. ” Aujourd’hui, Moonpeel compte environ 8.000 utilisateurs. ” Notre objectif est de doubler ce nombre en trois mois, dès que nous aurons reçu l’investissement que nous recherchons actuellement “, explique le responsable. Essentiellement actif sur les marchés belge et français, le site ne souhaite que grandir et est désormais disponible en anglais et en espagnol afin de faciliter sa croissance à l’international. Et pourquoi pas devenir le LinkedIn du secteur ?

Par Arnaud Martin.

Le réseau au service du social

Comme leur nom l’indique, les réseaux sociaux peuvent également parfois servir une cause sociétale, voire presque médicale. C’est du moins ce qu’espèrent trois Montois qui ont récemment décidé de lancer la plateforme baptisée Stent.care. Elle sera destinée aux personnes malades chroniques ou souffrantes d’un handicap. Son atout majeur sera sa sécurisation. “Il existe actuellement beaucoup de groupes de discussion, notamment sur Facebook, explique Lucio Scanu, cofondateur. C’est indispensable pour eux de pouvoir partager autour de leur maladie. Mais l’objectif premier de Facebook est commercial et il n’y a donc aucune garantie que ce qui y est publié ne sera pas réutilisé, contrairement à notre plateforme.” Des mesures comme l’utilisation de pseudonymes ou la modération seront ainsi mises en place. “Il est très facile de repérer une personne se faisant passer pour malade mais qui ne l’est pas, explique le responsable. Les membres devront être actifs et ne pourront pas simplement ‘observer’. Cela évitera tout risque d’imposture.”

Pour lancer son réseau, Stent.care a lancé mi-septembre une opération de crowdfunding visant à récolter 300.000 euros. “Nous avons spécialement conçu une plateforme à cet effet. Nous aurions pu passer par Ulule par exemple. Mais il aurait été alors facile de voir qui sont les contributeurs qui s’intéressent à ces questions. Un phénomène que nous souhaitons justement éviter en lançant notre réseau”, détaille le fondateur, qui semble visiblement avoir pensé à tout. Si les débuts sont plutôt timides, ce dernier ne s’en inquiète pas. “On voulait justement démarrer en douceur, dit-il. Puis, quoi qu’il arrive, le réseau social verra le jour. Les 300.000 euros correspondent au projet le plus abouti.” Une fois la levée de fonds terminée, le réseau se reposera sur des partenariats avec des centres de recherche et des hôpitaux pour se financer. “On pourra mettre en place des enquêtes en ligne anonymes qui sont essentielles pour faire avancer la recherche et qui permettront au site de vivre”, détaille Lucio Scanu. Les objectifs sont assez ambitieux puisque les responsables espèrent atteindre les 500.000 utilisateurs dans les trois ans. “Effectivement, atteindre un nombre critique est la question principale lorsqu’on lance une telle initiative, poursuit-il. Mais je suis assez confiant car on s’est rendu compte qu’il y avait une véritable demande.” En Belgique, selon le fondateur, 28 % des Belges souffrent d’une pathologie, soit autant d’utilisateurs potentiels. “Et il ne faut pas croire que les personnes plus âgées ne sont pas intéressées, souligne Lucio Scanu. En Belgique, nous avons une population très informatisée et je ne pense pas qu’il y ait forcément une limite.”

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