L’utilisation de méthaniseurs par les agriculteurs fait débat en France

L'usine de méthanisation installée à Ribeauville, près de Colmar, est au coeur de nombreux débats. © reuters

Près de 180 millions de tonnes de lisier seraient produites en France chaque année. Un terrain propice donc au développement de la méthanisation dans les fermes. Mais ces exploitation nouvelle génération ne font pas l’unanimité.

Du côté d’Angers, à Saint-Lambert-La-Potherie, les vaches de l’exploitation du GAEC des Buissons ont eu récemment une drôle de surprise. Un méthaniseur a élu domicile juste à côté de leur hangar. Bien plus petit que ceux que l’on a l’habitude de voir, l’engin n’en reste pas moins impressionnant.

Un investissement rentable

Les 115 vaches de l’exploitation produisent chaque année 7000 mètres cube de lisier. Celui-ci sera désormais transporté automatiquement dans le micro-méthaniseur, qui transformera la matière en gaz, en électricité, ou encore en chaleur. Cela permettrait de produire 400 000 kilowatts d’électricité par an, revendue ensuite à l’entreprise EDF, à hauteur de 17,45 centimes d’euros par kilowatt, mais aussi, de chauffer les bâtiments de l’exploitation, grâce aux 250 kilowatts annuels de chaleur produits. Grâce à ces bénéfices énergétiques, la machine serait rentabilisée en seulement sept ans. La facture annuelle du fioul auparavant utilisé pour le chauffage devrait par exemple rapporter aux agriculteurs 5000€ par an.

La machine, elle, ne coûte que 610 000€ à l’achat, un prix relativement abordable, en comparaison des grands méthaniseurs. Le GAEC des Buissons, lui, a pu se l’offrir grâce aux subventions de l’Adame, et celles du Conseil Régional des Pays de la Loire. A eux deux, ces soutiens ont rassemblé la somme de 255 000 €. Le coût des transports est nul, puisque seul le lisier produit sur les terres est utilisé : un système économique, et écologique.

Mille méthanisateurs d’ici 2020

A terme, le projet est de multiplier ces unités de micro-méthanisation. Le ministère de l’agriculture, révèle le site Actu Environnement, a d’ores et déjà prévu d’en installer plus d’un millier, d’ici 2020. Ségolène Royal, ministre de l’écologie, expliquait en juin dernier que cela s’inscrivait dans son projet de loi sur la transition énergétique.

L’appareil installé sur l’exploitation de Saint-Lambert-La-Potherie a été imaginé par une société néerlandaise. Son crédo ? Fournir des outils standardisés, faciles à installer, peu chers, et surtout, de taille proportionnelle à l’exploitation. Ce dernier critère soulève en effet régulièrement des débats.

La ferme aux 1000 vaches

De précédents projets, plus massifs, avaient ainsi fait l’objet d’un accueil plutôt mitigé. En témoigne la dite “Ferme des 1000 vaches”. Cette immense exploitation avait décidé elle aussi de s’équiper d’un méthaniseur. Seulement, son propriétaire, Michel Ramery, avait vu grand, et s’était offert l’une des machines les plus puissantes du secteur agricole, de 1,3 mégawatt. Le gaz produit à partir du lisier, d’herbe, de fumier et de résidus de céréales devait être transformé en électricité, elle-même revendue à EDF.

Des manifestants protestent contre le projet de la ferme aux 1000 vaches.
Des manifestants protestent contre le projet de la ferme aux 1000 vaches.© reuters

Là où le projet posait problème c’était d’abord dans la matière nécessaire au fonctionnement du méthaniseur. Le lisier n’en aurait constitué que 50%, le reste provenant de déchets, ordures et boues d’épuration, venues tout droit des autres activités de Michel Ramery, comme les travaux publics et la gestion de bâtiments. Certaines associations craignaient que cela ne pollue les environs. Parmi les sceptiques, la Confédération Paysanne avait aussi exprimé ses doutes sur le projet. Elle avait notamment pointé du doigt l’industrialisation de l’agriculture française, où les exploitants deviendraient peu à peu des “énergiculteurs”. Une mutation qui se ferait, selon le groupement, aux dépends des professionnels, mais aussi des consommateurs. Les associations qui avaient lancé l’alerte sur le projet avaient confié à l’AFP que la technologie de la méthanisation n’était pas mauvaise en soi, mais que son utilisation se devait d’être mieux encadrée.

Michel Ramery avait obtenu l’autorisation préfectorale, à condition de limiter son exploitation à 500 vaches laitières. Seulement les associations ont assuré que ni la taille de l’exploitation, ni celle du méthaniseur, n’avaient été revues à la baisse.

La méthanisation est toujours loin de faire l’unanimité

D’autres projets de méthanisation, moins colossaux, ont soulevé l’indignation. Ce fut le cas à Ouroux, dans le Rhône, où dix éleveurs prévoyaient d’installer une machine. Les habitants s’y étaient vivement opposés, trouvant son emplacement bien trop proche de leurs habitations. Selon Gérard Gauthier, un riverain interrogé par Rue 89, estimait alors que cela allait à l’encontre du “confort” et le calme que les riverains étaient venus chercher à Ouroux. Les deux camps n’étaient pas parvenus à se mettre d’accord sur les nuisances “odorantes et visuelles”. Depuis, l’unité a bel et bien été installée.

Ces soulèvements locaux fréquents freinent la généralisation des méthaniseurs. La France compte ainsi un peu plus de 200 unités, un score qui semble bien faible comparé aux 7000 et quelques machines installées en Allemagne.

Perrine Signoret

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