L’Inde, le dernier eldorado de l’e-commerce
Avec une centaine de millions de nouveaux internautes chaque année, l’Inde offre un eldorado prometteur au e-commerce. Un marché sur lequel mise gros Amazon mais pour lequel il doit ferrailler dur face au champion national Flipkart.
Pionnier en Inde à sa naissance en 2007, Flipkart a annoncé la semaine dernière avoir récolté 1,4 milliard de dollars auprès de poids lourds de l’internet et de l’informatique comme le chinois Tencent, les américains Microsoft et eBay. Cette levée de fonds est l’une des plus grosses de la jeune histoire des start-ups indiennes.
L’entreprise de Bangalore aura bien besoin de cet oxygène pour tenir la distance face à l’hercule Amazon. La multinationale basée à Seattle a fait de l’Inde et son 1,25 milliard d’habitants une de ses priorités stratégiques mondiales, et a réservé à cet effet cinq milliards de dollars.
Flipkart “a besoin d’énormément d’argent pour combattre Amazon sur le marché, qui est un rival aux poches profondes”, explique Jaideep Mehta, directeur Asie du Sud de l’International Data Corporation (IDC).
Si la bataille est féroce, c’est que la croissance du e-commerce indien ne fait que débuter. Ce marché devrait représenter entre 50 et 120 milliards de dollars d’ici 2020 – les études divergent nettement sur ce point – contre environ 15 milliards actuellement.
Les raisons? Une population jeune aux nouveaux usages, une classe moyenne en expansion et surtout une pénétration toujours plus grande d’internet dans la société indienne.
Propagation des smartphones
Actuellement, seul un tiers des Indiens surfe sur la toile, mais d’ici 2020 le pays comptera 300 millions d’internautes supplémentaires, notamment grâce à la propagation des smartphones. Toutes les trois secondes, selon Google, un Indien se connecte pour le première fois à internet.
Dans l’e-commerce indien, “environ 70% des achats en ligne se font via un smartphone. C’est un marché tiré par le téléphone portable”, décrypte Ashish Tuteja du cabinet McKinsey.
Amazon n’a ouvert ses portes dans ce pays d’Asie du Sud qu’en 2013 mais, fort de sa puissance de feu et son expérience, la firme de Jeff Bezos a rapidement pris de l’envergure au point de surpasser l’Indien Snapdeal à la deuxième place du secteur.
Pour sa conquête de l’Inde, le mastodonte américain a labouré physiquement le terrain. Ses “chariots à thé” ont écumé des marchés à travers tout le pays pour prêcher aux petits commerçants, autour d’un gobelet de chaï, les vertus du e-commerce.
Une autre initiative appelé “Feet-on-Street” leur proposait d’envoyer un employé d’Amazon photographier leurs produits et les aider à s’inscrire en ligne.
Pour Amazon, “l’Inde est la dernière grande frontière. Le groupe pèse plus de 100 milliards de dollars. Pour soutenir sa croissance, il doit dominer de grands marchés en dehors des États-Unis”, décrypte M. Mehta.
Alibaba en embuscade
Pour grignoter des parts de marché, Flipkart, Amazon et Snapdeal se livrent une agressive guerre des prix. Chaque festival religieux ou fête populaire est l’occasion de faramineuses campagnes de réductions. Mais “à un moment il va falloir qu’ils commencent à gagner de l’argent”, dit l’expert d’IDC.
Dans ce contexte, “une consolidation du secteur est inévitable”, note pour sa part M. Tuteja.
Celle-ci a déjà commencé. Les portails Myntra et Jabong sont d’ors et déjà passés sous pavillon Flipkart. De plus, la presse spécialisée indienne se fait régulièrement l’écho de bruits de rachat de Snapdeal par Flipkart.
L’Inde pourrait bien être le théâtre d’un match retour pour Amazon après sa défaite face au chinois Alibaba dans l’Empire du Milieu. S’il est pour l’instant plus concentré sur son expansion en Asie Sud-Est, le groupe du milliardaire Jack Ma ne cache pas son intérêt pour la patrie de Gandhi.
Le géant chinois du e-commerce a pris une part significative du capital de l’entreprise de paiements en ligne Paytm et affiche l’ambition de la développer comme une plateforme de vente en ligne à part entière.
Si l’e-commerce reste encore marginal en Inde, son expansion pourrait bien à terme bouleverser le paysage économique du pays et avoir des répercussions sociales dans cette économie où des dizaines de millions de personnes vivent de leur boutique.
“Dans dix ans, l’e-commerce sera devenu une vraie question”, prévient M. Tuteja.
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