“L’Europe doit investir dans les compétences !”

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Le Vieux Continent souffre à la fois du chômage et d’un déficit de compétences, déplorent la FEB et Accenture. Gouvernements et entreprises doivent miser sur la formation.

Lorsque le thème de l’European Business Summit a été fixé, la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) espérait secrètement que les problèmes financiers de l’Europe seraient (enfin !) dans son dos. “Et qu’elle serait concentrée sur le défi de la croissance”, soupire Rudi Thomaes, administrateur délégué de la FEB. On n’en est pas là, mais qu’importe. “Le jour où la relance sera de la partie, le premier défi qu’il faudra affronter, c’est la problématique des compétences !” Voilà pourquoi cette 10e édition de l’Europan Business Summit (EBS), organisée par la FEB et son homologue européenne BusinessEurope, est placée sous le thème des skills, les compétences.

Compétences qui sont au coeur d’une étude réalisée par Accenture. Fin 2011 et début 2012, le cabinet de conseil a mené l’enquête auprès de 500 décideurs européens, chefs d’entreprise ou responsables au sein des pouvoirs publics. En exclusivité pour Trends-Tendances, Rudi Thomaes et Olivier Gillerot, executive director d’Accenture, en commentent les résultats.

L’étude pointe un paradoxe : l’Europe compte 23 millions de chômeurs et est confrontée à un déficit de compétences.

R.T. Pour générer la croissance, il est indispensable d’investir dans les compétences. Or si 72 % des décideurs interrogés avancent que l’Europe doit miser davantage sur la formation, 86 % d’entre eux reconnaissent avoir baissé ou gelé les budgets en la matière durant l’année 2011. La courbe européenne de Beveridge (Ndlr : la représentation de la relation entre le chômage et le taux de vacance d’emploi) est préoccupante : le taux de chômage évolue de pair avec le taux de vacance des emplois ! Cela traduit une inadéquation entre les compétences à disposition et celles qui sont nécessaires. Un travail doit être entrepris au sein des entreprises, afin de favoriser le skill building. Les jeunes doivent être mieux informés du contenu des formations et de leur valeur ajoutée pour la société.

Comment remédier à cette inadéquation entre offre et demande ?

O.G. Notre étude montre qu’en termes de recrutement et de circulation des professionnels, les décideurs ne font pratiquement pas de différences entre l’Europe et le reste du monde.

R.T. Cela démontre un certain degré d’échec de l’Europe et du concept de libre circulation des professionnels. Pour un nombre de qualifications, comme les professions scientifiques et techniques, il faudrait instaurer une sorte d’european license to operate. Je ne parle pas de diplôme mais de la possibilité d’exercer son métier. Nous y sommes arrivés pour les produits de consommation, dotés d’une certification européenne. L’Europe souffre d’un déficit d’image. Elle est en pointe dans de nombreux domaines technologiques mais a du mal à se vendre. Elle doit attirer de nouveaux talents.

Vous pointez également la nécessité d’une flexibilité accrue du marché du travail.

O.G. Actuellement, la politique traite le chômage de manière homogène. Il importe de mieux comprendre où se situent les nécessités en formation ou requalification. Autre aspect important : outre 23 millions de chômeurs, l’Europe compte 15 millions de “travailleurs découragés”. Il s’agit de personnes de plus de 50 ans, de femmes, de pensionnés ou de jeunes qui ne sont pas au chômage et voudraient travailler. Autant de ressources et de skills qu’il faudrait pouvoir activer.

R.T. Prenez les travailleurs plus âgés. L’étude montre que la barrière la plus importante à l’embauche n’est pas le risque de maladie – c’est la dernière – mais la sous-estimation des qualifications du travailleur ! Nous sommes aveugles ! Ces gens peuvent retrouver une place sur le marché à condition de faire preuve de flexibilité et que certaines règles, comme les cadres barémiques ou les limitations relatives à la pension, ne fassent pas obstacle. Les gouvernements ne sont pas les seuls à devoir prendre leurs responsabilités : les entreprises ont du pain sur la planche, notamment en termes de job rotation. Ou de construction de ponts entre les secteurs. Dans cette optique, les chambres de commerce ont lancé une initiative ambitieuse qui démarrera en octobre : huit modules de cours en international business skills donnés par l’ International Business Institute. C’est un vrai métier qui n’est pas appris à l’école !

Benoît Mathieu

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