L’Eldorado mexicain est loin d’être gagné pour AB Inbev

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Les autorités américaines de la concurrence ont bloqué le rachat du mexicain Grupo Modelo (Corona). Le géant belgo-brésilien va devoir faire des concessions pour convaincre l’administration Obama qui, pas de chance pour AB InBev, conteste de plus en plus les fusions. Le début d’un long bras de fer ?

2013 devait être l’année mexicaine d’AB InBev (ABI). Le groupe belgo-brésilien espérait, en effet, finaliser le rachat de la moitié des parts du mexicain Grupo Modelo qu’il ne possédait pas encore au cours du premier trimestre. Cette transaction, chiffrée à 20,1 milliards de dollars, devrait lui permettre de contrôler la marque Corona et de renforcer sa présence sur les marchés émergents — en particulier au Mexique — où la croissance est plus forte. Mais le ministère américain de la Justice en a décidé autrement. Le 17 août, son département antitrust avait adressé à ABI une demande d’informations supplémentaires concernant ce rapprochement. Les réponses du n°1 mondial ne l’ont visiblement pas convaincu puisqu’il vient de bloquer l’opération.

“Si ABI rachetait le solde de Modelo, argumente-t-il, cela réduirait de manière substantielle la concurrence sur le marché de la bière avec pour effet que les consommateurs devraient payer plus et auraient moins de nouveautés.” ABI et Modelo, respectivement n°1 et n°3, contrôlent ensemble 46 % du marché américain, le deuxième acteur, MillerCoors, représentant 29 % des ventes nationales. A la lecture de la plainte introduite par l’antitrust, on apprend qu’en ne suivant pas les hausses des tarifs d’ABI, Modelo met la pression sur le leader et lui taille des croupières notamment en Californie, au Texas et dans la ville de New York.

La “bête noire” des autorités de la concurrence

Ce n’est pas la première fois que le n°1 mondial de la bière se heurte au veto des autorités de la concurrence. Début 2001, un mois après son introduction en Bourse, le ministre du Commerce britannique avait refusé le rachat de Bass par l’ex-Interbrew. A l’issue d’un long bras de fer, ce dernier se voyait contraint de revendre la Carling, l’une des marques préférées des Anglais. Quand le brasseur, marié avec le brésilien Ambev, avait mis la main sur Anheuser-Busch en 2008, il avait dû, sur ordre cette fois des autorités chinoises, se défaire de sa participation dans Tsingtao, du nom de la plus célèbre des marques chinoises et renoncer à augmenter ses parts dans la brasserie de Zhu Jiang.

Quels sont à présent les risques qu’encourt ABI ? Même si, comme le relève l’agence Bloomberg, l’administration Obama conteste plus qu’avant les fusions et acquisitions en examinant dans le détail le réel bien-fondé de ces opérations, les observateurs ne croient pas en une annulation pure et simple de la transaction. Mais bien à un retard certain. Parmi les nouvelles concessions que le régulateur pourrait imposer à ABI, on parle de céder à un tiers une brasserie de Modelo qui serait spécifiquement dédiée au marché américain ou de revendre certaines marques. Nul doute que Carlos Brito, son CEO, va tout faire pour éviter un long procès devant les tribunaux et ainsi risquer de connaître un premier échec depuis son arrivée à la barre du groupe en 2006.

Se rabattre sur la Corée ? Dans le pire des cas, AB InBev, toujours en quête de nouveaux relais de croissance, pourrait, estiment certains observateurs, jeter à nouveau son dévolu sur la Corée du Sud. En 2009, pour financer le coûteux rachat d’Anheuser-Busch, le groupe avait en effet revendu sa filiale Oriental Brewery au fonds KKR tout en gardant une option de rachat. Celle-ci vient à échéance en 2014.

SANDRINE VANDENDOOREN

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