L’Alliance For Youth a engagé 10 000 jeunes en trois et demi

© PG

Créée en 2015 en Belgique à l’initiative de Nestlé, l’Alliance for Youth associe huit sociétés de renom dans le but de stimuler l’emploi des jeunes et leur ouvrir les portes des entreprises. Et par un effet miroir, ce programme permet aussi aux boîtes de découvrir les raisons de leur moindre attirance ou d’adapter certaines de leurs pratiques.

C’est en janvier 2015, sous l’impulsion d’Alexandre von Maillot, le CEO de Nestlé Belgilux de l’époque, qu’a été lancée l’Alliance for Youth (AFY) belge. la transposition dans notre pays d’une initiative européenne lancée six mois plus tôt par le groupe Nestlé. L’objectif était de créer des centaines d’opportunités de stages et d’emplois pour des jeunes de moins de 30 ans. Il faut dire qu’à l’époque, les chiffres du chômage des jeunes étaient catastrophiques : 26,3 % en Belgique en 2014, selon le SPF Economie. Trois ans et demi plus tard, le contexte a changé. Sous l’effet de la croissance et d’une reprise économique certaine, le marché de l’emploi s’est tendu et certains profils sont clairement en pénurie. Le chômage des jeunes s’est, lui, considérablement contracté (à 17,7 %), ce qui est évidemment encore beaucoup trop si on le compare au taux de chômage national (6,7 %). La tâche n’est donc pas terminée, loin s’en faut. Il n’empêche, en trois ans et demi, l’AFY aura offert 9.943 jobs à des jeunes de moins de 30 ans ainsi que 2.451 stages. Pas mal quand on sait qu’elle ne comporte que huit entreprises. A savoir en 2018 : Sodexo, Nestlé, Axa, G4S, Adecco, IBM, Nielsen et Solvay.

Triple action

L’AFY entend agir à trois niveaux : des emplois, des stages mais aussi du conseil. Ainsi, début novembre, les huit entreprises ont accueilli, dans le cadre du nouveau siège d’Axa, place du Trône à Bruxelles, une centaine d’étudiants équitablement répartis entre secondaires, bacheliers et masters. Au programme : des ateliers pratiques animés par des responsables RH des huit entreprises et dont le thème tournait autour du C.V., de l’entretien d’embauche, de la réputation digitale et de la mise en avant des compétences.

Si les jeunes apprennent beaucoup lors de tels événements ou pendant leurs stages, ils donnent aussi beaucoup d’informations en retour aux entreprises.

” Une première expérience professionnelle, c’est toujours un défi, confie Michel Mersch, CEO de Nestlé Belgilux. Déjà de mon temps, c’était compliqué. Je postulais même pour des jobs qui ne m’intéressaient pas. Juste pour apprendre à me vendre. Me vendre sans me survendre. Avec l’AFY dont nous avons été le moteur, nous voulons justement donner la possibilité aux jeunes de s’accrocher au monde du travail. L’avantage d’une alliance, c’est qu’elle permet d’élargir la palette des profils. Beaucoup plus large que ce que nous seuls serions capables d’offrir. A voir les participants à nos activités, il faut constater que l’AFY aide les jeunes à se faire connaître, singulièrement ceux qui n’ont pas de réseau ou dont les parents ne connaissent pas, ou peu, le monde de l’entreprise. ”

Si de tels événements ne servent pas de foires à l’emploi, ils permettent néanmoins aux entreprises de se positionner sur le marché. Tant pour attirer du sang neuf que pour dire aux jeunes qu’ils sont désirés et attendus, même par des grandes entreprises.

” Depuis sa création, Sodexo se veut le reflet de la société civile dans la composition de son personnel, explique Michel Croisé, président de Sodexo Benelux. Nous avons des programmes spécifiques pour l’équilibre des genres, le maintien des plus de 50 ans au travail, les personnes porteuses d’un handicap, etc. Participer à l’AFY coulait de source pour nous. Il est extrêmement difficile de quantifier les effets de la diversité. Mais nous avons la preuve chiffrée qu’une équipe bien équilibrée au niveau du genre travaille mieux. Cela se voit clairement dans les indicateurs de performance, d’engagement ou d’absentéisme. Il paraît donc logique d’extrapoler. La diversité augmente l’engagement du personnel car celui-ci se rend compte que son entreprise ne porte aucun jugement en matière de sexe, de religion, d’apparence, de race, etc. C’est un message fort. Comme de dire, via l’AFY, aux jeunes que nous avons envie qu’ils viennent. Quels qu’ils soient. C’est important, je pense, vu le contexte particulier d’une jeunesse qui peut se penser perdue. ”

L'Alliance For Youth a engagé 10 000 jeunes en trois et demi
© PG

Effet miroir

Si les jeunes apprennent beaucoup lors de tels événements ou pendant leurs stages, ils donnent aussi beaucoup d’informations en retour aux entreprises. C’est un effet miroir qui pousse les dirigeants à revoir certaines de leurs politiques ou pratiques. Ou à se poser des questions.

” A tout moment, j’ai une centaine d’offres d’emploi vacantes, poursuit Michel Croisé. Il faut donc donner le goût aux jeunes de venir chez nous. A nous d’être sexy. Car si une entreprise ne parvient plus à attirer des jeunes, il faut qu’elle se demande pourquoi elle ne fait plus rêver… Nos collaborateurs restent longtemps chez Sodexo parce que nous avons des valeurs qui plaisent. A nous de le faire savoir. ”

” Me confronter à des jeunes, comme lors de cet événement, est aussi une façon de voir si mes pratiques professionnelles sont bonnes, renchérit Olivier Blanc, head of HR chez Nestlé Belgilux. Si je suis capable de répondre à leurs attentes. En fait, l’AFY nous permet d’approcher des jeunes qui ont des profils que nous ne nous recrutions pas forcément. Ils viennent d’endroits ou d’institutions où nous n’allions pas les chercher. L’AFY sert aussi d’accélérateur à notre politique de diversité mais pas forcément dans les directions habituelles comme l’ethnicité ou le genre. Avant, nous n’engagions que des universitaires. Avec l’expérience d’AFY, nous souhaitons ouvrir nos emplois à des non-universitaires aussi et leur offrir les mêmes perspectives de carrière. ”

Nestlé va ainsi modifier les conditions d’accès à son programme Young Talents qui permet à des jeunes diplômés d’exercer différentes fonctions pendant quatre ans et de choisir leur voie. Axa fait de même avec son programme Graduates, un parcours de trois ans où des jeunes diplômés issus de filières différentes (droit, commerce, actuariat, etc.) peuvent découvrir plusieurs positions et métiers. Depuis deux ans, le pourcentage des moins de 30 ans est en constante augmentation au sein de la compagnie d’assurances : 7 % de tous les employés en 2016, 11 % en 2017 et 13 % en 2018.

” Avant, Axa recrutait surtout des gens expérimentés, confie Els Jans, la DRH. Pour ne pas prendre de risques et les risques, nous en sommes des experts ! Nous avons pris conscience qu’un mix diversifié était préférable, d’autant que notre moyenne d’âge devenait très élevée. Du sang neuf est crucial pour une entreprise si elle ne veut pas se scléroser. Rejoindre l’AFY faisait donc sens dans ce contexte. Ce n’est pas une machine à recruter, non plus. Mais une situation gagnant-gagnant qui nous permet d’aider les jeunes et de comprendre comment être attirant. Par exemple, la transformation culturelle qui a accompagné notre déménagement fait beaucoup parler d’elle dans les écoles et universités. Ceci dit, nous ne pensons pas qu’aux jeunes. Tout personne a des talents. Il faut arriver à la placer dans de bonnes conditions pour qu’elle les exprime. C’était le sens de notre Talent Day, organisé pour notre personnel sur le développement et la mobilité interne. ”

Apprentissage

La forte augmentation des métiers en pénurie et la rareté de certains profils poussent aussi les entreprises à se positionner sur la formation en alternance. Un domaine où ” les sociétés doivent être beaucoup plus actives “, souligne Michel Croisé. Il est aussi beaucoup question de l’adéquation entre la formation et les métiers disponibles. Sous l’impulsion de Nico Reeskens, country manager d’Adecco Group en Belgique, le Global Apprenticeship Network (GAN) a ainsi vu le jour au mois de juin dernier.

Le GAN regroupe 19 entreprises belges dont Colruyt, G4S, IBM, Microsoft, Nestlé, ISS, ABB, Zürich, etc. L’idée est de booster les opportunités d’emploi pour les jeunes en leur permettant d’apprendre leur métier sur le lieu de travail et en réduisant l’écart qui existe entre les compétences obtenues à l’école et les besoins réels des entreprises. Le GAN entend peser sur les gouvernements et le secteur éducatif pour mettre sur pied des programmes efficaces qui vont bien au-delà des habituels stages de quelques semaines.

Par Xavier Beghin.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content