L’aide belge s’envole vers les paradis fiscaux

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La Société belge d’investissement pour les pays en développement (BIO S.A.), dont l’Etat belge est actionnaire à 84%, a placé plus de 150 millions d’euros dans des fonds d’investissement situés aux Bahamas, à Guernesey et dans d’autres paradis fiscaux, peut-on lire mardi dans Le Soir.

Depuis 2002, BIO a engagé pas moins de 151,7 millions d’euros dans 36 fonds d’investissement domiciliés dans 11 juridictions. L’île Maurice est la destination privilégiée de BIO avec 11 fonds totalisant 42,7 millions d’euros. Viennent ensuite le Luxembourg et les îles Caïmans.

L’essentiel de ces fonds spécule sur des PME à forte croissance dans les pays émergents. Ces fonds achètent des participations dans des entreprises non cotées qu’ils revendent quelques années plus tard, quand ces sociétés ont pris de la valeur. Par ces investissements légaux, l’argent du contribuable belge emprunte les mêmes circuits financiers que l’argent du crime organisé, de la fraude et de la corruption, explique Le Soir.

La directrice du secteur financier chez BIO, Carole Maman, justifie l’installation de fonds dans ces territoires en invoquant “la sécurité et la stabilité politique, la sécurité juridique et l’environnement réglementaire propice, et une fiscalité favorable”.

Paul Magnette demande des explications

Le ministre de la Coopération au Développement, Paul Magnette a demandé au commissaire du gouvernement auprès de la société belge d’investissement pour les pays en développement (BIO) et au président de BIO, Michel Van der Strichelen, de lui fournir “dans les meilleurs délais” un rapport complet et circonstancié sur d’éventuels placements dans des fonds d’investissements situés dans des paradis fiscaux. Il a aussi confirmé, dans un communiqué, sa volonté de mettre en oeuvre une réforme de BIO, considérant que la croissance des moyens financiers “n’avait jamais été accompagnée par des adaptations structurelles et organisationnelles de cette société – dont l’Etat belge est actionnaire à 84% – ni de la redéfinition des stratégies opérationnelles et financières”. M. Magnette (PS) ajoute qu’il travaille aux développements législatifs qui devront interdire in fine à BIO de procéder à des placements financiers dans des fonds d’investissements off-shore.

Le cdH veut des explications, le CNCD un gel
Le député Georges Dallemagne (cdH) a demandé mardi que les responsables de la société belge d’investissement pour les pays en développement (BIO) viennent s’expliquer au parlement à propos des révélations sur l’aide publique belge au développement qui y transite s’envole dans les paradis fiscaux. “Les révélations du Soir de ce mardi 28 février confirment l’urgence de procéder à une évaluation en profondeur de BIO, la Société Belge d’Investissement pour les pays en développement, censée promouvoir le développement dans les pays les plus pauvres par des investissements dans le secteur privé, essentiels au développement social de ces pays”, a indiqué mardi M. Dallemagne.

Ce dernier a rappelé qu’il avait “fait inscrire dans la déclaration de politique générale du gouvernement la nécessaire ‘évaluation de BIO, de ses activités et de ses investissements'”. Lors de la discussion de politique générale en décembre, M. Dallemagne avait rappelé cette urgence, soulignant que les prestations de BIO “n’étaient pas convaincantes”. Il demande que ses responsables viennent s’expliquer devant la Commission des Relations extérieures de la Chambre. Dans un communiqué, le CNCD-11.11.11, la coupole d’ONG actives en matière de coopération au développement, a demandé mardi “le gel” du budget et “une réforme profonde” de BIO. L’enquête confirme les craintes évoquées ces derniers mois par les ONG.

BIO assure respecter les normes de l’OCDE

La société belge d’investissement pour les pays en développement (BIO) a indiqué mardi s'”étonner” de la perception de son activité induite par un article du journal ‘Le Soir’. “BIO soutient les PME dans les pays en développement, dans une multitude de secteurs créateurs d’emplois et de valeur ajoutée locale. Afin de se donner les moyens de ses ambitions, BIO investit dans des institutions financières et des PME locales et via des fonds d’investissement dédiés aux micros, petits et moyens entrepreneurs locaux”, a indiqué BIO, dont l’État belge est actionnaire à 84%, dans un communiqué.

Par souci d’efficacité, le législateur a prévu à la création de BIO que ses investissements devaient privilégier les interventions indirectes et allouer une part importante de ses moyens à des structures financières intermédiaires. Ces fonds sont structurés dans différentes juridictions qui ont, selon les normes de l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE), un degré de transparence comparable à celui de la Belgique, ce qui est le cas pour les Iles Cayman, l’île Maurice et le Luxembourg, ajoute cette Institution financière de Développement (IFD).

À l’instar de la Banque mondiale, de la Banque européenne d’Investissement et d’autres institutions, BIO s’inscrit ainsi dans les pratiques de marché de la finance du développement, assure cet organisme. BIO a pour mission de “soutenir le secteur privé dans les pays en développement et émergents pour leur permettre d’accéder à une croissance et à un développement durables”, selon son site internet.


Trends.be avec Belga

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