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Kanye West, l’éthique du capitalisme et la bataille des coeurs

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Je ne pensais pas qu’un jour, je serais amené à évoquer l’ex-mari de Kim Kardashian dans cette chronique. Comme vous le savez, le rappeur Kanye West s’est fait flinguer par les réseaux sociaux et les médias pour ses propos antisémites.

Au point que des marques aussi importantes qu’Adidas ont rompu leur contrat avec ce proche de Donald Trump dont les positions politiques flirtent souvent avec celles de l’extrême droite américaine.

Comme le faisait remarquer mon confrère Jean-Marc Sylvestre, l’ancien patron de l’information économique de TF1 (il officie aujourd’hui sur le site atlantico.fr), on dit souvent “qu’il ne faut jamais diner avec le diable ou alors avec une très longue cuillère”.

Or, Adidas a décidé de ne plus diner avec le diable Kanye West. L’arrêt en question va coûter à Adidas 8% de ses revenus, ce qui n’est pas négligeable. La griffe Yeezi lancée par le rappeur et commercialisée par Adidas avait une valeur estimée de 4.7 milliards en 2021.

Il faudra bien entendu voir ce qu’elle vaudra encore après cet immense clash entre le rappeur américain et le premier équipementier sportif de la planète. Peut-être plus grand-chose. “Who Knows ?”, comme on dit là-bas. D’ailleurs, les ONG et autres associations antiracistes ne lâchent plus Kanye West.

Le rappeur n’est déjà plus milliardaire. Suite à la rupture du contrat avec Adidas et Balenciaga, le “pauvre” Kanye ne pèse plus que 400 millions de dollars grâce à ses droits musicaux. Résultat ? Les associations antiracistes mettent maintenant la pression sur l’industrie musicale (Universal Music et Sony Music), mais sans oublier l’industrie du streaming (Spotify) pour qu’ils cessent de diffuser les oeuvres musicales de Kanye West. A la lecture de ces lignes, vous penserez que c’est une triste histoire, mais davantage destinée aux tabloïds qu’à un magazine aussi sérieux que Trends-Tendances. Puis-je ne pas être d’accord ? A l’instar de mon confrère Jean-Marc Sylvestre, je pense que cette histoire est plus qu’une anecdote : elle montre que le capitalisme s’adapte. Il devient plus moral, plus vertueux, car le capitalisme intègre les attentes des clients, des consommateurs, des employés et des actionnaires.

Or, la lutte contre le racisme et l’antisémitisme font partie des valeurs partagées par tous aujourd’hui. Des doutes ? Regardez les appels au boycott pour la coupe du monde au Qatar. Bien sûr, c’est vrai que ces appels arrivent en retard, c’est vrai qu’ils sont en partie hypocrites. Sinon, comment expliquer qu’on n’ait rien fait contre la Russie lorsqu’elle a annexé la Crimée en 2014, annexion qui n’a pas empêché notre “ami” Poutine d’accueillir sa “coupe du monde 4 ans plus tard”.

Oui, tout cela est vrai, mais il n’empêche, cette pression médiatique récente aura un effet sur les annonceurs et donc sur la gestion interne du Qatar. Qu’ils le veuillent ou non, les dirigeants du Qatar devront rapprocher l’image qu’ils veulent donner au monde de la réalité parfois sordide du terrain.

Là encore, c’est un rappel que l’argent, le gaz ne peuvent pas tout acheter. Même la guerre en Ukraine a montré aux pays dictatoriaux que l’Europe peut parler d’une seule voix et mettre en place des sanctions économiques très fortes, que des entreprises par milliers peuvent boycotter – spontanément ou sous l’effet de la pression médiatique – un pays comme la Russie et le transformer en paria du jour au lendemain.

C’est ça aussi le capitalisme. Les entreprises ont compris qu’elles ne peuvent plus faire des affaires avec n’importe quel pays, car elles risquent des sanctions. La première, plus importante, est la désaffection de leurs clients ou l’incapacité à attirer de nouveaux talents. D’ailleurs, toutes les multinationales sont en train de revoir leurs chaines d’approvisionnement. Plus aucune ne veut dépendre à 100% de la Chine par exemple.

Toutes ces entreprises cherchent de nouveaux pays, plus stables et plus proches pour fabriquer ce qu’elles fabriquaient à l’aveugle en Chine. De même, l’échéance climatique force toutes les entreprises sans exception à se réinventer et à modifier leur mode de production et de consommation.

Donc, oui, tout comme le serpent est aveugle lorsqu’il mue, le capitalisme est en train d’effectuer sa mue devant nous, il devient plus moral et plus éthique. Nous l’oublions parce que nous sommes bombardés d’informations souvent accessoires et anecdotiques qui détournent notre regard des véritables tendances. Bref, nous sommes aveugles aux vrais changements. Pourtant, malgré ces changements, le capitalisme reste et restera le mal-aimé de l’Occident. Comme me le disait un ami, on n’y peut rien, mais c’est ainsi depuis le début : le capitalisme remporte toutes les batailles sauf celle des coeurs.

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