Jean-Philippe Draye transforme les grillons en caviar

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Unique et 100% belge, local, naturel et écoresponsable. Sous le label WOC (World of Cricket), l’ex-cuisinier veut anoblir les insectes comme solution alimentaire du futur. A savourer les yeux fermés?

Vaincre le blocage psychologique

Jean-Philippe Draye ne prend pas encore sa douche matinale en chantant “Le grillon est mort ce soir”… mais presque! Car depuis trois ans, il n’en a que pour l’Acheta domestica, l’un des trois insectes comestibles autorisés en Europe, et donc en Belgique, dans l’alimentation humaine. L’ex-toque gastro de 37 ans s’est mis en tête de faire de cette bestiole particulièrement riche en protéines, en vitamine B12 et pauvre en lipides, l’outil haut de gamme d’un changement de mentalité. Car chez nous, l’entomophagie, ça coince! “Le consommateur occidental fait un blocage psychologique lié à l’aspect de l’animal, explique-t-il. C’est pourquoi j’ai opté pour une texture de caviar: sous forme de perles, le grillon ‘disparaît’ tout en gardant ses qualités nutritives.”

1.500 euros

Le kilo du caviar de grillons WOC, contre 2.000 euros pour un caviar d’esturgeon entrée de gamme ou 1.700 euros pour un caviar d’escargots.

Un “savoir-sphères” inédit

Encore fallait-il trouver comment “caviarder” l’animal. Le jeune entrepreneur a consacré deux ans à mettre au point son procédé unique au monde, aujourd’hui breveté et gardé secret. “Les grillons arrivent frais ou congelés d’un éleveur bruxellois, précise Jean-Philippe Draye. Après décongélation, je les cuis dans un bouillon de légumes, puis je les décortique comme des crevettes grises. Je garde d’un côté la chair, de l’autre, les carcasses (carapaces, têtes et pattes). Aucune machine n’existe encore pour ce tri, tout doit donc se faire à la main. Je m’y colle et quelques proches m’aident. Pour obtenir mes sphères, la solution était la chitine, une molécule contenue dans l’exosquelette de l’insecte. Pour avoir assez de chitine afin d’obtenir un kilo de caviar, c’est deux jours de travail. Je transforme les carcasses en poudre que j’ajoute dans la préparation avec le jus d’insecte. Après six heures de travail et un tamisage minutieux, j’obtiens un kilo de petites sphères, de 1 à 3 mm, bourrées de protéines et minéraux.” Nous avons goûté ce nouvel or beige et belge, posé sur un blini: fin, un peu malté, fumé, au léger goût champignon-noisette.

Jean-Philippe Draye
Jean-Philippe Draye© FERNAND LETIST

DLC à trois mois

Lancée fin 2019, la commercialisation du caviar de grillon de WOC a été doublement parasitée. D’une part à cause de l’irruption du covid qui a gelé l’arrivée du nouveau produit en magasins spécialisés et dans l’horeca haut de gamme. D’autre part, sa certification “Date limite de consommation à trois mois” vient seulement de lui être octroyée. En dépit de ces freins et grâce à sa vente en ligne couplée au bouche à bouche, la société de Meux (Namurois) table déjà sur 100.000 euros de chiffre d’affaires cette année! Le secteur insectivore est en effet porteur et promis à des lendemains bondissants.

Tous entomophages?

En Belgique, bien d’autres que Jean- Philippe Draye travaillent comme des fourmis à ce secteur, tels

LittleFood, Bugood Food, Goffard Sisters, Kriket, etc. Avec quelques chiffres en tête. Comme le fait que 34% des Belges auraient déjà goûté des insectes et que plus de 75% se disent ouverts à ce genre de denrée alimentaire… Mais ce qui fait encore plus saliver les entomo- entrepreneurs, c’est que le marché des insectes comestibles devrait peser, au niveau mondial, 7,2 milliards d’euros de revenus dès 2030. De quoi souhaiter avec le sourire que s’abattent sur nos assiettes des nuages de sauterelles? “Les insectes sont indispensables à notre futur alimentaire, souligne Jean-Philippe Draye. Ils sont la source de protéines la plus écoresponsable au monde. J’ai inventé mon caviar pour, à mon modeste niveau, contribuer à sauver cette planète.”

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