Jannie Haek: “Si la Loterie nationale était une source d’addiction, je n’en serais plus le CEO”

Jannie Haek veut augmenter le nombre de personnes qui jouent des petits montants. © belgaimage
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le CEO de le Loterie nationale a rejeté la responsabilité des maux à la privatisation du marché. En marge, le débat sur l’interdiction de la publicité pour les jeux de hasard.

Jannie Haek, CEO de la loterie nationale, a longtemps fait la pluie et le beau temps des socialistes flamands en tant que chef de cabinet des ministres Louis Tobback ou Johan Vande Lanotte. “Formé à cette école, je suis sans doute plus libéral que les libéraux francophones”, s’amuse-t-il.

Invité du Cercle de Wallonie, ce mardi midi à Seraing, il a donné une conférence insistant sur l’importance du hasard dans les jeux, du rôle du pouvoir public visant à redistribuer la richesse auprès des bonnes oeuvres et, somme toute, livré un plaidoyer pour dédouaner son entreprise du fléau de l’addiction aux jeux et plaider en faveur d’une régularisation de ce marché. Le tout alors que le gouvernement fédéral planche sur une interdiction de la publicité des jeux de hasard.

Un peu de contexte. Le marché des jeux de hasard a longtemps donné une exception aux Loteries contrôlées par l’Etat, en vertu d’une régulation européenne interdisant, a priori, cette pratique menaçant les consommateurs d’addiction. En 2011-12, le secteur est ouvert aux casinos, jeux de poker et autres initiatives privées. Une Commission des jeux de hasard doit contrôler l’ensemble, mais elle manque de moyens humains et financiers. Le résultat est palpable et inquiétant.

Le secteur privé explose

La Loterie nationale représente un chiffre d’affaires d’un milliard et demi d’euros, rappelle Jannie Haek. 350 millions d’euros sont redistribués chaque année à des associations comme la Croix-Rouge, Child Focus ou d’autres. “Mais la loterie ne représente plus que 7% du marché”, regrette-t-il. Le marché dans son ensemble est en constante progression. Mais là où la Loterie croît de 1 à 2% par an, les autres offres explosent. L’ensemble du marché représentait 18,5 milliards en 2020, a dépassé les 21 milliards en 2021 et fonce vers les 25 milliards.

Un chiffre est édifiant : il y a désormais 40 000 personnes exclues des jeux pour cause d’addiction. Un autre vaut plus qu’un grand discours : le milliard et demi de chiffres d’affaires de la Loterie repose sur les mises de sept millions de Belges, tandis que l’énorme marché des jeux de hasard au sens large, qui concerne donc près de 20 milliards, est basé sur des mises de quelque 150 000 personnes. C’est dire les drames humains possibles, en cascade.

“Dites-moi un nom, un seul, de quelqu’un souffrant d’une addiction aux jeux à cause de la Loterie de recueillir des personnes interdites de jeux en ligne, souligne Jannie Haek en réponse à un libraire qui l’accuse de recueillir des personnes interdites de jeux en ligne. Il y a peut-être des cas individuels. Mais jamais, depuis la création de la Loterie nationale, cela n’avait été un problème sociétal.” Cela l’est devenu…

Oui à la régulation de la publicité

Tout le discours du CEO de la Loterie nationale sur le hasard et la fin du déterminisme, invoquant les prix Nobel des années 1020 dont Einstein, repose sur cette ligne de force : la Loterie offre une chance de gagner, mais les joueurs n’ont aucun mérite, leur gain éventuel repose uniquement sur le hasard. Cette thèse rejoint, en toile de fond, la volonté du gouvernement fédéral d’Alexander De Croo (Open VLD) et de son ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, libéral lui aussi, d’interdire la publicité sur les jeux de hasard.

“Nous y sommes favorables, souligne Joker Vermoere, porte-parole de la Loterie nationale. Ou du moins à une régulation tenant compte du risque d’addiction. Depuis le début, nous avons été en permanence en contact avec le Jury d’éthique publicitaire pour évaluer notre communication et l’adapter si besoin. Nous vendons du rêve, la possibilité très hypothétique de gagner aux jeux, mais jamais une garantie que l’on peut gagner en persévérant ou d’avoir le contrôle de ce qui se passe.” C’est précisément ce que font les opérateurs privés.

“Et le moment le plus fort de mon travail, c’est quand nous tournons des films au sujet des oeuvres sociales que nous soutenons. Alors, je pleure. Mais j’ai envie de leur dire: c’est grâce à l’argent de ceux qui jouent.” De façon “raisonnable” : selon la Loterie, plus de 99% des joueurs restent dans les limites ne menant pas à l’addiction.

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