Google Maps, le lucratif “guide touristique” de Google

Guidage en réalité virtuelle - Avec sa fonction "Live View" actuellement en version bêta, Google Maps permet aux touristes de se faire guider en réalité augmentée. Pointez votre smartphone sur ce qui vous entoure : Google identifie précisément votre position et vous dirige avec des indications sur les images elles-mêmes. © PG

Utilisé à tout instant par des millions d’automobilistes qui cherchent leur chemin, le service Google Maps est également devenu un incontournable des voyageurs à la recherche d’hôtels, de lieux touristiques ou même d’une trottinette en libre-service. L’application se transforme progressivement en une “super app” intégrant toujours plus de services.

Avancez 500 mètres “, ” tournez à gauche “, puis ” vous êtes arrivé à destination “. Se laisser guider par la voix d’un GPS n’a, à l’heure actuelle, plus rien d’étonnant. Pas même lorsque la voix émane de son smartphone accroché au tableau de bord de sa voiture plutôt que du GPS intégré dans le véhicule. A part dans certains cas de figure bien spécifiques comme le jogging, cela fait bien longtemps que les initiatives des géants du Net comme Google ont détrôné l’usage des GPS traditionnels. Mais la tendance ne s’est pas arrêtée là et avec 70% de parts de marché aujourd’hui dans le domaine de la cartographie numérique, le spécialiste de la recherche en ligne s’impose de plus en plus comme le compagnon privilégié des voyageurs. Au point qu’il est dorénavant possible de planifier et de réaliser un voyage en s’appuyant uniquement sur les ressources mises à disposition par Google, ce qui ringardise progressivement un nombre toujours plus grand d’acteurs du tourisme qui ne prennent pas le virage du numérique…

Recherche d’un hôtel

Pour planifier un récent voyage en Toscane (Italie), nous avons forcément commencé par chercher un logement au travers de Google Search (le moteur de recherche traditionnel). En-dessous des quelques liens sponsorisés achetés par Booking et quelques organismes locaux, Google présente son volet spécifique aux hôtels, permettant déjà de visualiser les disponibilités aux dates souhaitées. Il s’agit de l’ancien Google Hotel Finder intégré depuis plusieurs années dans le moteur de recherche. Concrètement, on parle d’un comparateur de prix dont les contenus proviennent de différentes sources, en ce compris Booking et des sites comme ZenHotel, FindHotel, etc. Rapidement, le regard se pose sur la carte géographique jointe pour connaître l’emplacement de l’établissement par rapport au centre-ville, à la proximité des attractions touristiques, culturelles ou sportives. Les hôtels s’y affichent par des épingles arborant le prix des nuitées.

Avec 70% de parts de marché dans le domaine de la cartographie numérique, Google s’impose de plus en plus comme le compagnon privilégié des voyageurs.

Mais il est également possible de mener des recherches d’hôtels directement dans Google Maps, sur son PC ou son mobile. L’utilisateur peut entrer sa ville de destination et, via ” explorer les environs “, trouver des hôtels à destination. Il les localise sur la carte géographique et en obtient toutes les infos. Il peut aussi vérifier la disponibilité et réserver, depuis Google Maps, au travers d’un des nombreux partenaires de Google.

Cette recherche localisée explose depuis trois ans. ” Lorsque Google a commencé voici trois ans à partager avec ses partenaires les chiffres des recherches sur Google Maps, 10 à 20 % des recherches liées à des acteurs locaux comme des hôtels, des restaurants ou des enseignes, se passaient sur Google Maps, explique Georges-Alexandre Hanin, CEO de Mobilosoft, firme bruxelloise de marketing digital local. Le reste des recherches était encore réalisé sur le moteur classique. Désormais, on parle de 60 à 70 % (et même 80 % dans certains cas) de recherches sur Google Maps. ”

Le trajet vers la destination

Pour planifier le trajet comme pour le réaliser, Google Maps s’impose toujours un peu plus. Soit 1.214 km et 12h45 de route en passant par la Suisse pour arriver au village de Castellina in Chianti. Avec péages. Ou 1.409 km et 13h42 en passant par la France. En un coup d’oeil, le voyageur sait ce qui l’attend et peut choisir son itinéraire favori. Rien de bien neuf à cela. Reste que cette étape clé du voyageur constitue le point de départ d’autres recherches (hôtels, restaurants, stations-services, etc.) et de business pour le géant du Net. ” Google peut influencer les utilisateurs via la publicité présente dans Maps, observe Annick Vandersmissen, CEO de l’agence Blue2Purple. Le trajet est aujourd’hui optimisé en fonction d’une multitude de critères et, à terme, en fonction de votre profil, Google pourra aller plus loin dans la recommandation de certains types de trajets. ” Est-ce à dire que la firme américaine ” adapte ses trajets en fonction de la publicité ? “. La spécialiste ne va pas jusque-là mais souligne l’existence d’une fonction dans Waze, autre appli propriété de Google, où les annonceurs peuvent ” dérouter ” (avec leur accord) vers un point de vente qui peut les intéresser. Et de préciser que ” Waze fait souvent office de labo pour Maps “.

Maps comme guide touristique

Une fois sur place, le voyageur branché a également vite fait de dégainer son smartphone. Et l’application Google Maps s’impose rapidement puisqu’elle intègre la quasi-totalité des informations liées à la localisation : points d’intérêt, restaurants, boutiques, hôtels, etc. ” Depuis quelque temps, observe Annick Vandersmissen, le bouton ‘Découvrir’de l’appli Google Maps permet aux utilisateurs d’obtenir des tas d’informations sur les alentours. Cela constitue une certaine révolution puisqu’il ne s’agit plus seulement de répondre aux recherches des utilisateurs mais bien de leur faire des suggestions. Compte tenu de la quantité d’informations auxquelles Google à accès, tant en ligne que sur les utilisateurs eux-mêmes, l’outil peut se révéler extrêmement puissant… et conduire à téléguider les utilisateurs. ”

La rubrique de Google Maps baptisée ” Explorer les environs ” suggère en effet des établissements aux alentours, des destinations touristiques comme des monuments, des jardins, etc. Des rubriques sont proposées et parfois des thématiques, adaptées selon les infos dont dispose Google : des ” activités pour enfants ” sont, par exemple, proposées aux jeunes parents tandis que les sportifs verront comment ” se dépenser ” à proximité. Des fiches détaillées sur les lieux sont disponibles. On y trouve des explications (historiques, par exemple), les adresses, les horaires, les prix ou encore des photos. A côté des activités, le surfeur peut également trouver des idées de lieux où se restaurer, où faire ses courses, etc.

Ces informations proviennent de plusieurs sources. Les utilisateurs eux-mêmes peuvent alimenter les contenus de Maps, notamment via leurs commentaires et leurs photos personnelles. Ainsi, il arrive que le menu d’un restaurant n’ayant pas de présence sur le Web ou les réseaux sociaux soit publié via la photo d’un internaute. Pareil pour une photo de plat ou de la salle du restaurant. Mais les pros peuvent néanmoins mettre la main sur les infos de leur établissement via Google My Business, un service gratuit mais à partir duquel il est aussi possible diffuser des annonces de proximité, via un ciblage géographique. En gros : il est évidemment possible de pousser son commerce sur Google Maps quand les utilisateurs dans la zone mènent une recherche particulière. Les performances de ce type de publicité se mesurent de différentes manières, notamment par les clics pour obtenir un itinéraire ou pour appeler l’entreprise. ” C’est assez puissant, observe Georges-Alexandre Hanin (Mobilosoft). Dans certains cas, Google qui mesure les déplacements des gens a aussi la possibilité de vérifier si une personne qui a montré un intérêt envers votre commerce s’y est effectivement rendue. ”

Certains observateurs voient se construire, dans Google Maps, un écosystème proche de WeChat, cette super-application avec laquelle on peut quasi tout faire.

Inutile de préciser qu’avec son audience et sa puissance de frappe publicitaire, Google Maps est particulièrement lucratif. Son chiffre d’affaires, en 2019, atteignait 2,9 milliards de dollars et devrait, selon une étude de Morgan Stanley menée l’an passé, grimper à 11 milliards d’ici trois ans…

Bien sûr, la gestion de leurs informations sur Google Maps constitue un vrai défi pour les commerçants qui, trop souvent, laissent leur présence digitale en friche, en ce compris les grandes chaînes qui peuvent avoir des franchisés et des réseaux d’établissements assez disparates. Aussi, même si des agences comme Mobilosoft s’en font une spécialité, Google prend spontanément l’initiative de faire travailler ses robots et peut adapter les données. Un solide casse-tête pour les commerçants et ceux qui gèrent leurs infos. ” Pendant le confinement, Google mentionnait automatiquement la fermeture de certains lieux, détaille le patron de Mobilosoft, même si ce n’était pas le cas. Ou bien mentionnait une fermeture de resto alors que celui-ci restait disponible pour le take away “. Ennuyeux quand on sait à quel point les utilisateurs se fient aux données partagées par Google.

Un véritable écosystème

Résumer Google Maps à un guide touristique d’un nouveau genre ne serait toutefois pas totalement correct. L’application va bien au-delà via l’intégration de toujours plus de données et de services propres ou émanant de tiers. On l’a vu, plus haut, Google Maps intègre la réservation d’hôtels mais aussi de nombreux autres services. Vous pouvez appeler un corps de métier, prendre un rendez-vous chez le coiffeur, trouver – et utiliser – les services de livraison de repas, commander un Uber, etc. ” Google Maps va aller de plus en plus loin dans l’intégration d’informations et de services, prédit Annick Vandersmissen. Google Maps veut être toujours plus pertinent. Vu la demande croissante au niveau des nouvelles formes de mobilité, par exemple, Maps intègre les informations en temps réel sur la disponibilité de véhicules en free-floating comme les vélos et les trottinettes. Tout comme elle met déjà en avant les pistes cyclables pour lesquelles le nombre de recherches a explosé. ”

Certains observateurs voient se construire, dans Google Maps, un écosystème proche de celui du géant chinois WeChat, cette super-application avec laquelle on peut quasi tout faire, du paiement mobile à la recherche d’informations en passant par du shopping ou de la messagerie. En multipliant les services et les raisons de venir se plonger sur Maps, Google espère probablement renforcer son audience, déjà large puisque plus d’un milliard d’utilisateurs s’y connectent tous les mois. Mais en plus, le géant du Web diversifie potentiellement ses sources de revenus : de la seule publicité, ils peuvent aussi s’étendre à des commissions sur les transactions réalisées par son intermédiaire.

Traducteur de poche

Google Maps, le lucratif
© PG

Si les voyageurs connectés s’appuient toujours plus sur Google Maps pour les aiguiller durant leurs déplacements, une autre application mobile les accompagne toujours davantage : Google Traduction. Cette application permet non seulement de traduire des mots ou des parties de textes. Mais pas que. Grâce à l’appareil photo de leur smartphone, les utilisateurs peuvent obtenir une traduction de panneaux, de messages affichés en rue, dans un musée… ou les menus de restaurants. Si le résultat n’est pas encore totalement parfait, il reste une aide au voyageur et Google promet, bien sûr, de toujours améliorer sa traduction automatique via l’intelligence artificielle.

Google Maps, le lucratif
© PG

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