Formation: quelle vie après Euroskills ?

LOÏC FORTHOMME "Un véritable coup de pied aux fesses." © PG

Budapest accueillait la semaine dernière l’édition 2018 d’Euroskills, compétition où les meilleurs jeunes travailleurs de métier technique défendent les couleurs de leur pays. Un bon tremplin pour l’avenir ? D’anciens participants belges témoignent. Et leur avis est unanime.

Au fil des éditions, Euroskills et World-skills sont devenus les grands rendez-vous des métiers techniques. Tous les ans, de jeunes compétiteurs de maximum 25 ans s’y disputent le titre du meilleur professionnel de leur discipline, au niveau européen les années paires, et mondial les impaires. En 2018, l’événement continental se déroulait à Budapest. Une grosse vingtaine de Belges y défendaient nos couleurs. Considérés comme les ” Jeux olympiques ” des métiers techniques, Euroskills et Worldskills n’ont pas comme seul intérêt d’y décrocher éventuellement une jolie médaille. Participer à une telle compétition, c’est aussi un excellent moyen de s’assurer un bel avenir professionnel. Les anciens participants en savent quelque chose.

Deux jours après le début des épreuves, un chasseur de têtes est venu me voir. C’était lui-même un ancien candidat et il appréciait ma manière de travailler. ” Barthélémy, engagé depuis au Ritz

A commencer par Barthélemy Deutsch, qui fut de l’aventure à l’Euroskills de Göteborg en 2016. A l’époque, il y défendait les couleurs de la Belgique dans la compétition ” service en salle “. Il remporta un médaillon d’excellence, une reconnaissance décernée au candidat au-dessus de la moyenne européenne. Deux ans plus tard, le jeune homme travaille désormais au Ritz, à Paris, l’un des hôtels les plus prestigieux au monde. Il vient d’y être engagé en CDI, à seulement 25 ans. ” Certains travaillent toute leur vie pour venir ici. J’ai une chance incroyable mais je m’en rendrai vraiment compte probablement plus tard “, sourit le jeune homme. S’il a pu dénicher l’emploi dont il rêvait, c’est en bonne partie grâce à la fameuse compétition. ” Deux jours après le début des épreuves, un chasseur de têtes est venu me voir. C’était lui-même un ancien candidat et il appréciait ma manière de travailler “, se souvient Barthélémy. Le chasseur de têtes lui propose alors un stage à Londres, qu’il ne peut refuser. L’homme en question travaille en effet pour le Fat Duck, tout simplement l’un des meilleurs restaurants de la planète, et qui compte trois étoiles au guide Michelin. De quoi terminer ses études de la meilleure des façons. ” La plupart des étudiants trouvent des stages dans des grands hôtels et restaurants. Je n’aurais pas eu trop de difficultés à trouver un emploi par la suite, mais pas à ce niveau-là. Les stages à l’étranger sont beaucoup plus rares, sourit Barthélémy Deutsch. C’est d’ailleurs essentiellement grâce à celui-ci que j’ai pu ensuite rejoindre le Ritz. ”

JULIEN NEULENS
JULIEN NEULENS “J’estime avoir gagné deux ans.”© PG

Carnet de commandes rempli

Comme Barthélémy, ils sont plusieurs à avoir profité de la compétition pour dénicher un emploi de rêve. Et lorsque ce ne sont pas les employeurs qui se manifestent, ce sont directement les clients. Egalement de l’aventure en 2016 à Göteborg puis lors des Worldskills à Abou Dhabi l’an dernier, Julien Neulens était candidat en menuiserie. Il travaille aujourd’hui comme indépendant dans la province du Luxembourg. A la suite de sa deuxième participation, il a vu son carnet de commandes se remplir à vue d’oeil. ” J’avais commencé à travailler essentiellement pour mon père, lui aussi menuisier, explique le jeune homme. Il est assez connu dans notre région et il me confiait des chantiers quand il en avait trop. Après mon passage à Worldskills, ce fut le plus souvent l’inverse. Aujourd’hui encore, je décroche des contrats grâce à cette participation.” En plus des chantiers dans sa région, Julien a également pu répondre à des commandes hors du commun. ” J’ai par exemple travaillé sur le toit de la tour Montparnasse à Paris, raconte encore le jeune homme. Il y a là un bar en bois ouvert l’été que j’ai aménagé en chalet. J’estime avoir au moins gagné deux ans en termes de notoriété et de publicité en ayant participé à ce concours. ”

Mais si l’effet est visiblement positif, la participation à un tel concours demande un investissement important, et les participants sont invités à suivre un véritable entraînement, long de plusieurs mois. La plupart étant encore étudiants lorsqu’ils se lancent dans l’aventure, ils doivent se préparer durant leur temps libre, le plus souvent en soirée ou durant les week-ends. ” J’étais à l’internat à l’école hôtelière. Je passais la plupart de mes moments de détente à continuer à travailler plutôt que de les passer avec les autres étudiants “, explique Barthélémy.

Cinq ans de gagnés

La compétition est en effet très exigeante. Un constat qu’a pu faire Loïc Forthomme. En 2015, il participe aux Worldskills de São Paulo en dessin industriel. Il y finira à la 23e place sur 27. ” Je ne m’étais pas assez entraîné “, reconnaît-il. Mais là encore, la compétition se révèle bénéfique. ” Elle m’a donné un véritable coup de pied aux fesses. A mon retour, j’ai directement voulu retenter l’expérience car je savais que je pouvais faire mieux “. Le règlement permettant au candidat de participer à un euro et un mondial, Loïc se remet au travail, avec comme objectif le rendez-vous 2016… qu’il remportera. ” Je me suis énormément entraîné. Tous les temps de midi pendant des mois avec mon coach, qui était un de mes professeurs. J’ai renoncé à voir mes amis, limité mes entraînements de football… Mais c’est une chance incroyable de défendre la Belgique. ”

L’intérêt du concours, Loïc a pu l’apprécier en voyant la vitesse à laquelle sa technique a évolué. ” Même s’il y a des différences avec le monde professionnel, j’estime avoir gagné environ cinq ans d’expérience en me préparant et en participant à ces concours. Et puis en plus des compétences à maîtriser, on apprend également d’autres aspects comme la gestion du stress ou l’obligation de travailler avec un timing précis. ”

BARTHÉLÉMY DEUTSCH
BARTHÉLÉMY DEUTSCH “J’ai une chance incroyable.”© PG

Excellente base

Des compétences et une manière de travailler dont les effets positifs se ressentent encore des années après. Candidate il y a huit ans en infographie, Sophie Bernes fut aussi championne d’Europe. ” J’y suis d’abord allée pour le challenge car j’avais déjà un métier. Mais les compétences qu’on apprend sont vraiment un plus, confirme la Liégeoise. Mon métier évolue assez vite mais aujourd’hui encore, je me réjouis de ce que m’a apporté le concours, qui m’a permis d’acquérir une excellente base technique. ” Autant d’expériences dont devraient sans doute aussi profiter les 27 candidats belges de cette année, parmi lesquels l’un a décroché une médaille d’argent (en Hotel Reception) et 11 autres une médaille d’excellence.

Par Arnaud Martin.

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