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Festival de Cannes, TikTok et l’opium des jeunes

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Si vous êtes amoureux de cinéma, je suis certain que vous aurez regardé en direct l’arrivée des stars américaines sur les marches du Festival de Cannes durant ce weekend.

Mais, ce que vous aurez sans doute aussi remarqué, c’est une foule de nouvelles têtes inconnues du grand public, des têtes inconnues foulant le même tapis rouge que Tom Cruise ou Julia Roberts.

Enfin quand je dis “inconnues”, je parle évidemment de la génération des “boomers” comme on dit aujourd’hui. Ces têtes inconnues sont paradoxalement des influenceurs ou influenceuses très connus auprès des jeunes.

Notamment ceux qui sont scotchés à l’application TikTok. De fait, TikTok est partenaire officiel du Festival de Cannes. Alors qu’Amazon et Netflix ont eu toutes les peines du monde à se faire accepter à Cannes, pour TikTok, ça été très rapide en somme.

L’arrivée des réseaux sociaux à Cannes, c’est l’invasion des barbares, saison 2 comme l’écrit joliment Le Figaro. Et si TikTok, YouTube et Meta se livrent une bataille pour attirer le regard à Cannes, ce n’est pas par hasard, c’est aussi pour décrocher les budgets marketing de l’industrie du cinéma.

Avant de hausser les épaules, sur l’air du “y en a plus que pour ces applis débiles”, je rappelle que TikTok compte 1.6 milliard d’utilisateurs actifs par mois, c’est plus que Twitter, Snapchat et LinkedIn réunis.

D’ailleurs, les financiers ne s’y trompent pas, si il y a quelques mois encore Netflix valait plus de 300 milliards de dollars, sa valeur en Bourse n’est plus que de 80 milliards aujourd’hui.

Alors que la maison-mère chinoise de TikTok est évaluée aujourd’hui à 360 milliards de dollars. Ce qui est dingue, c’est que cette somme phénoménale a été financée par une seule monnaie : notre attention ou celle de nos enfants, mieux encore, alors que Cannes est la vitrine du savoir-faire mondial de réalisateurs, ingénieurs du son, cameramen, acteurs, maquilleuse, spécialistes des effets spéciaux et j’en passe,…

TikTok se fait de l’argent en employant un minimum de personnes. En effet, 55% des utilisateurs de TikTok créent leurs propres-vidéos sur cette plate-forme, comme le précise Scott Galloway, professeur de marketing digital à l’université de New York.

TikTok peut compter sur un réservoir de “talents” de 870 millions de personnes, soit plus de 1000 fois le nombre de personnes employées par la totalité de l’industrie du cinéma et de la télévision dans le monde.

Cette réserve de talent ne coûte rien. Scott Galloway a fait le calcul : les 8 principales entreprises de médias américaines dépenseront 115 milliards de dollars en contenu original cette année. La plate-forme sociale TikTok, produit, elle, son contenu pour quasi rien ou presque !

En résumé, si sur Netflix, il y a des consommateurs et des créateurs, sur TikTok, les créateurs et les consommateurs sont la même personne. Le seul problème, mais il est de taille, c’est que le carburant de TikTok – comme des autres réseaux asociaux – c’est qu’il capte notre bien le plus précieux, notre attention, donc notre temps.

C’est assez ironique. Du fait de leur politique zéro-covid, le gouvernement chinois empêche l’exportation d’énormément de produits Made in China sauf un seul : l’opium. Ce nouvel opium du peuple s’appelle TikTok. Chaque fois que vous verrez un jeune, les yeux ouverts, dans un état semi-comateux et qui ne donne aucune signe de vie, si ce n’est un balayage des doigts sur son écran, pensez à l’opium et aux 360 milliards de dollars de valorisation de TikTok.

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