Faut-il assujettir les avocats à la TVA ?

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Le dernier conclave budgétaire n’a pas mis les avocats à contribution. Les uns s’en plaignent, les autres s’en défendent. Explications.

Selon que le conseil fiscal est facturé par un professionnel du chiffre ou un avocat, la note d’honoraires est ou non grevée de 21 % de TVA. Aux yeux de l’IPCF, l’Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes agréés, il s’agit là d’une distorsion de concurrence qui ne dit pas son nom et qui, de surcroît, coûte à l’Etat fédéral. En effet, dans la mesure où une partie des recettes TVA est reversée à l’Europe, il revient logiquement à l’Etat qui exonère certaines activités du champ de la TVA d’indemniser l’Europe de son manque à gagner.

En l’espèce, selon l’IPCF, pour la seule TVA sur les honoraires d’avocats, cela représente environ 80 millions d’euros par an. Last but not least, cette situation serait d’autant plus ubuesque que la Belgique est aujourd’hui le dernier pays de l’Union européenne à encore exonérer les prestations des avocats de la TVA.

“Et alors ? La Belgique est quand même aussi un des derniers -sinon le dernier – pays d’Europe à encore indexer les salaires sur le coût de la vie. Ce n’est pas pour autant que cette singularité va passer à la trappe !”, commente Jean-Pierre Buyle, bâtonnier de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles.

Plaidoyer “pro domo”

Dans les coulisses de la formation du gouvernement, la question de l’assujettissement des avocats à la TVA semblait pourtant avoir fait consensus. Pourtant, au final, il n’en a rien été. Idem lors du dernier conclave budgétaire.

A l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles, on souligne que l’assujettissement des avocats à la TVA représenterait non seulement un frein (21 % de surcoût) à l’accès à la justice pour les classes moyennes mais aussi une hausse singulière du coût de revient de l’aide aux justiciables (procédures pro deo) à charge du SPF Justice ainsi qu’une augmentation des frais de défense d’un certain nombre d’acteurs tels que les autorités publiques et le secteur non marchand de manière générale, qui n’ont pas le droit de déduire la TVA. De plus, si les honoraires d’avocats étaient soumis à la TVA, ce n’est évidemment pas l’équivalent de 21 % de leurs honoraires qui rentreraient dans les caisses de l’Etat. Il faudrait défalquer de ce montant les TVA déductibles qui leur sont portées en compte sur leurs frais généraux et sur leurs investissements.

“Sans même tenir compte de la récupération de la TVA dite “historique” (Ndlr, celle payée par les avocats dans le passé sur tous leurs investissements), les recettes engrangées par l’Etat seraient en conséquence très faibles, voire négatives les premières années, poursuit Jean-Pierre Buyle. Ajoutez à cela le coût des contrôles fiscaux de près de 16.000 nouveaux assujettis et vous comprendrez mieux pourquoi le gouvernement a finalement choisi de ne pas soumettre les honoraires d’avocats à la TVA.”

Jean-Marc Damry

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