Fabrice Enderlin (ancien DRH d’UCB) livre ses réflexions sur l’humain dans l’entreprise

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“Au revoir ‘WorldCompany'”, c’est sous ce titre que Fabrice Enderlin, qui a occupé le poste de directeur des ressources humaines dans de grandes entreprises comme UCB, GSK, Novartis ou GSK Bio, livre les réflexions de 33 années de carrière.

WorldCompany. Immédiatement, ces mots font naître, aux plus anciens d’entre nous, l’image de Monsieur Sylvestre. La marionnette des Guignols de Canal + aux traits de Sylvester Stallone, représentant d’une multinationale américaine imaginaire dont le but est de faire de l’argent sans tenir compte des conséquences. Lancée par ces trublions du PAF français, cette expression est rentrée dans le langage courant pour désigner une multinationale quelle qu’elle soit. Ces multinationales, Fabrice Enderlin les connaît bien puisqu’elles ont marqué l’ensemble de son parcours : McDonald’s (quand il était étudiant), ArcelorMittal, Novartis, GSK, GSK Biologicals et, enfin, UCB. Après 33 ans de carrière, le Strasbourgeois, élu HR Manager of The Year 2016 par les magazines Trends-Tendances et Trends, a décidé de quitter le monde de la grande entreprise. Il a choisi de fermer la porte en écrivant un livre de partage d’expériences sous forme de 15 maximes et adages associés à des leçons de management. Un livre enthousiasmant où l’on découvre toute la passion de l’auteur pour la philosophie, les belles lettres et le talent de son épouse pour la peinture.

” J’ai trois vies aujourd’hui, sourit Fabrice Enderlin. Je rends à ma famille le temps qu’elle n’a pas eu quand j’étais par monts et par vaux pour une WorldCompany. Je fais un peu d’agriculture dans le Ventoux, notamment avec mes oliviers. Enfin, pour ne pas complètement sortir du milieu, j’ai lancé, avec DiscernYard, une activité de consultance. Il s’agit principalement d’accompagnement de dirigeants ou de comités de direction dans le domaine de la culture d’entreprise. Mais aussi un accompagnement plus individuel de responsables arrivés à un moment charnière de leur carrière. Ce sont des sessions qui peuvent devenir très intimes et qui supposent de la confiance. Clairement, ce sont des missions décrochées grâce à des références. Mes expériences professionnelles chez UCB avec Evelyn Dumonceau, Roch Doliveux et Jean-Christophe Tellier ouvrent clairement des portes. ”

Ce livre, écrit initialement lors des trajets en TGV vers le sud de la France, est basé sur des maximes que les collaborateurs de Fabrice Enderlin ont appris à connaître pour leur bénéfice ou à leurs dépens. ” Ces maximes ont été un moyen efficace de communiquer avec mes équipes, explique l’auteur. Elles permettaient soit de gagner du temps, soit de susciter des questionnements par rapport à une situation donnée. Comme, par exemple, “faire et laisser braire”. Un adage que j’ai appris très tôt et qui m’a accompagné dans chacun de mes comités de direction. A un moment, le participatif a des limites, comme, d’ailleurs, le consensus mou. On peut parfois avoir raison contre ce qui semble être l’avis de tous. L’avènement des nouvelles façons de travailler avec de nouveaux espaces de travail et l’absence de bureaux personnels fut, sans doute, le sommet du braire en entreprise. Mes collaborateurs ont appris à vivre avec ces maximes. Elles les ont tellement marqués que, lors de mon pot de départ d’UCB, ils m’ont joué une petite pièce de théâtre où elles avaient le rôle principal… ”

Trop tôt, t’es un salaud… trop tard, t’es un connard

De toutes les maximes du livre, la préférée de Fabrice Enderlin date du début de sa carrière chez ArcelorMittal. Elle est sortie de la bouche d’un ingénieur des mines en plein laminoir à chaud dans la fameuse Vallée de la Fensch : ” Trop tôt, t’es un salaud, trop tard, t’es un connard “. Son côté graveleux a permis, au cours des années, à de nombreux collaborateurs et employés de bien saisir l’art du bon timing. ” Il y a peu, un ancien CEO m’en a expliqué son fondement philosophique. La différence entre le chronos et le kairos. L’art du timing et du discernement. Choisir le bon moment est crucial en entreprise et dans bien des domaines. Agir quand il le faut. Ni trop tôt, ni trop tard. Quand annoncer une nomination ? Ou un changement dans le comité de direction ? Quand lancer un plan social ? Dans tous ces cas, le timing est crucial et cette thématique du timing a pris beaucoup de temps dans mes réunions d’équipe au cours des années. ”

Fabrice Enderlin,
Fabrice Enderlin, “Au revoir ‘WorldCompany'”, DiscernYard, 174 pages, 19,95 euros. Disponible sur Amazon.fr© pg

Un cheval à Longchamp

La richesse du livre tient dans l’alternance de sujets plus classiques comme le travail et sa place dans la société d’aujourd’hui (” Tu gagneras ton salut par la peine “), l’ambition (avec une maxime de Mao : ” Même quand on a très soif, il faut boire un premier verre, un deuxième, puis un troisième “) ou la patience (” Ton tour viendra, petit Padawan “), et de thématiques (re)devenues brûlantes. A l’instar de la diversité (” On est toujours l’étranger de quelqu’un “) et la formation. AndouilleLynx, contraction d’andouille et d’oeil de Lynx, le surnom dont l’avaient affublé les syndicalistes d’ArcelorMittal, parle de cette dernière au départ d’un adage éclairant : ” Ce n’est pas en emmenant un cheval de trait à Longchamp qu’on en fait un cheval de course “.

” Elle exprime à merveille ce qui est devenu aujourd’hui la gestion des talents, souligne Fabrice Enderlin. Un cheval de trait et un cheval de course ont des talents distincts mais ont chacun de la valeur. Dans “développement personnel”, il y a le mot personnel et il appartient à chacun de vivre sa singularité et aux entreprises de faire ressortir ces talents. J’ai passé ma vie à expliquer aux entreprises que la formation n’est pas un coût mais un investissement. Dans des phases de restructuration, beaucoup de managers coupent dans leur budget de formation. C’est une grave erreur. La formation doit être continue tout au long de la carrière et, vu les défis du digital, c’est plus que jamais d’actualité. ”

L’art du questionnement

Enfin, impossible de parler d’ Au revoir ” WorldCompany “, sans évoquer l’un des dadas de l’auteur : le questionnement. Sous l’adage ” J’ai des questions pour vos réponses “, Fabrice Enderlin raconte, entre autres, des sessions de co-développement en comité de direction où le gestionnaire d’un projet est bombardé pendant 25 minutes de questions et uniquement de questions. Une manière efficace, mais pas simple à vivre, d’aborder les problèmes ou une décision de façon différente en fonction de la qualité des questions posées.

” Le questionnement permet d’avancer, conclut Fabrice Enderlin. Les gens qui rentrent dans le bureau d’un DRH avec un problème l’évoquent souvent par la conclusion. Une demande d’augmentation cache souvent autre chose. A travers le questionnement, on épluche l’oignon et on trouve la source du problème. Avoir des questions, c’est aider les gens. Le questionnement, c’est aussi ne pas tout prendre pour argent comptant et découvrir d’autres perspectives. Ces sessions de co-développement, nous les tenions lors de chaque comité de direction chez UCB. C’est très riche et cela fait gagner un temps fou, puisque la plupart des problèmes potentiels sont évoqués. C’est très puissant et nécessite de la discipline. C’est aussi très éclairant sur la personnalité des uns et des autres en fonction des questions posées. ”

Enfin, les RH n’ayant pas pour vocation d’être une tour d’ivoire, le livre explique aussi pourquoi elles devraient systématiquement être situées au rez-de-chaussée de l’entreprise. Et de préférence en face de l’entrée…

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