“Escape Games” d’entreprise, du team building en 60 minutes chrono

Escape Hunt. © LAURENT DE BROCA

Les jeux d’évasion ou “escape games” se multiplient en Belgique. Basés sur la collaboration et la résolution d’énigmes en un temps limité, ils séduisent de plus en plus d’équipes et d’entreprises.

V ous avez une heure pour sortir d’ici ! ” La lumière s’allume, le décompte se met en route. L’équipe peut commencer à fouiller la pièce, retourner les tiroirs, rassembler les éléments, tenter d’ouvrir les cadenas, assembler cartes et puzzles, trouver les codes, résoudre les énigmes. En plus des familles et groupes d’amis, les jeux d’évasion grandeur nature ou escape games attirent de nombreuses équipes des secteurs privés et publics, dans le cadre de team buildings. Ils comptent notamment parmi leurs clients des groupes pharmaceutiques, des compagnies d’assurances, des entreprises pétrolières, des cabinets d’avocats, des banques, des universités, des bureaux de consultance, des PME et des ministères.

“Doubler notre chiffre d’affaires”

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Et la demande grandit, favorisée par le bouche à oreille. ” Nous constatons une augmentation des demandes d’entreprises depuis septembre, précise Yves Smal, gérant de Escape the room in 60 minutes, qui a ouvert mi-2015 à Bruxelles. Nous avons entre deux et quatre gros team buildings par semaine. Les entreprises nous ont permis de doubler notre chiffre d’affaires. ” L’automne 2016 a également été synonyme d’augmentation des team buildings pour Quarantine, qui a ouvert ses portes en décembre 2014 : ” Cela représente 35 à 40 % des réservations sur l’année. Une proportion qui est en augmentation “, constate Attila Vad, fondateur du lieu. Chez Escape Hunt, franchise d’un groupe basé en Thaïlande et présent dans 26 pays, les réservations d’entreprises représentent au moins 50 % du chiffre d’affaires durant les périodes les plus demandées : d’avril à juin et d’octobre à décembre. ” La proportion redescend à 25-30 % durant les périodes plus calmes “, estime Maxime Vandaële, manager du centre Escape Hunt de Bruxelles.

Esprit d’équipe et accessibilité

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Si les concepts, les thèmes et le type d’énigmes varient d’un lieu à l’autre, le principe des escape games qui ont ouvert en Belgique et dans le monde est le même : une équipe de deux à six personnes environ est enfermée dans une pièce et doit se débrouiller pour en sortir en 60 minutes en accumulant les indices qui lui permettront de résoudre des énigmes et d’ouvrir la porte. Quand c’est nécessaire, un ” maître du jeu ” donne des indices à l’équipe via un écran, un téléphone ou un talkie-walkie. ” Ce qui séduit les entreprises, c’est l’aspect fédérateur, la possibilité de resserer les liens, estime Maxime Vandaële, manager d’Escape Hunt. C’est une activité assez calme et accessible pour convenir à tout le monde, par tous les temps. ” L’accessibilité et l’esprit d’équipe sont également pointés par les entreprises participantes. ” L’avantage de la formule escape game est qu’elle ne demande pas d’aptitude particulière, ce n’est pas sportif, pas trop long, chacun va à sa vitesse et on peut former de petits groupes “, explique le responsable du recrutement dans les universités francophones d’une société de consultance (lire l’encadré ” Une partie de notre processus de recrutement “). Les différentes escape rooms proposent des formules à destination des entreprises, comprenant généralement la privatisation du lieu pour permettre un mot d’introduction du manager ou une discussion en équipe à l’issue des 60 minutes. Certains proposent de boire un verre, d’organiser un petit déjeuner ou un lunch sur place.

Evaluation de groupe ?

Les équipes peuvent être observées par un coach, qui donne un feed-back à l’issue de la partie.

Pour pouvoir donner des indices aux détectives en herbe, le maître du jeu observe chaque salle sur un écran et, quand c’est nécessaire, écoute les réponses suggérées par les participants. Dans certains lieux, un débriefing est proposé à l’issue des 60 minutes. Chez Enygma, à Bruxelles, une heure est prévue entre les équipes pour permettre au maître du jeu de passer en revue les différents éléments avec les participants, dans la pièce. ” Parfois, la discussion avec les joueurs se poursuit autour d’un café “, ajoute Julien Vandenitte, cofondateur d’Enygma. Chaque équipe a des forces et faiblesses et joue à sa manière. ” C’est révélateur de la dynamique d’un groupe, estime Yves Smal, gérant de Escape the room in 60 minutes. Quand il y a du stress, on le voit. Notre rôle est de les relancer par des indices au bon moment, de s’adapter aux joueurs. ”

La plupart des managers jouent avec leurs équipes, précisent les gestionnaires d’escape games interrogés. C’est d’ailleurs conseillé. Mais certains managers souhaitent évaluer la dynamique de groupe et rester aux côtés du maître du jeu. Dans certains cas, les équipes sont observées par un coach, qui prend des notes et donne un feed-back aux équipes à l’issue de la partie. ” Il est déjà arrivé qu’une équipe soit surveillée par un coach, dans le cadre d’un recrutement, explique Maxime Vandaële. L’objectif était d’observer les comportements et de tester l’entente de l’équipe, de vérifier s’ils pourraient travailler ensemble. ”

LES CONSEILS DE JULIEN VANDENITTE, COFONDATEUR DE ENYGMA

– Ouvrir son esprit à l’impossible

– Tout essayer, continuer de chercher, ne jamais baisser les bras

– Communiquer efficacement avec son équipe

Accueillir des groupes importants

Enygma.
Enygma.© ENYGMA/PG

A Bruxelles, la rue Saint-Jean, à côté de la gare Centrale, est devenue ” la rue des escape games “. En remontant la rue vers la place de l’Albertine, on passe devant Quarantine, Escape the room in 60 minutes et Enygma. Si le principe est le même dans les différents lieux, les univers développés varient : ” Ce sont des concurrents comme le seraient des films de différents réalisateurs, explique Julien Vandenitte. On peut aller de l’un à l’autre et chacun a son style. ” L’univers développé chez Enygma est celui de la fin du 19e siècle, décliné en trois jeux : Sherlock Holmes, un temple Maya et la résidence de Phileas Fogg. L’accent est mis sur les décors, très soignés, les nouvelles technologies et l’accueil du client. Les énigmes ont la particularité de ne pas être linéaires, de pouvoir être résolues dans le désordre. Les cofondateurs insistent sur les partenariats développés avec des artisans locaux et avec une équipe d’ingénieurs de la VUB pour la réalisation des décors et des énigmes. Beaucoup plus petit, Escape the room in 60 minutes propose une seule salle pour partir à la recherche du Manneken Pis. ” Notre jeu est moins cérébral, moins prise de tête que les autres et permet de faire davantage de choses manuelles. Nous visons un public plus large “, explique Yves Smal. Quarantine a été mis sur pied par le Hongrois Attila Vad, qui a importé le concept de son pays d’origine. Il propose deux salles : la première emmène les joueurs sur les traces d’un serial killer et la deuxième, plus effrayante, est une cave plongée dans le noir du début à la fin.

La proximité de la concurrence ne semble pas inquiéter les gérants des trois établissements, qui disent se réjouir que l’on identifie la rue à leur activité et insistent sur l’équilibre entre concurrence et émulation. Ils expliquent qu’ils se partagent des groupes plus nombreux, qu’ils ne pourraient pas accueillir sans la présence des autres salles à proximité. En combinant les trois établissements, une entreprise peut faire jouer 35 personnes simultanément. Davantage, si les groupes se succèdent. ” Même s’il y a de plus en plus d’escape rooms, il y a également de plus en plus de joueurs et cela renforce encore davantage le bouche-à-oreille “, estime Attila Vad.

De son côté, la franchise bruxelloise d’Escape Hunt a misé directement sur un espace suffisamment grand pour accueillir de grands groupes d’une quarantaine de personnes à la fois. Elle a développé des formules destinées aux entreprises, à partir de 20 joueurs : créneaux horaires plus larges, flexibilité, privatisation et possibilité d’organiser un apéritif ou de faire venir un traiteur. Les plus petites équipes, quant à elles, réservent un créneau ” normal ” d’une heure et demie, comme le font les particuliers et peuvent bénéficier d’un partenariat avec un restaurant voisin. Trois jeux sont proposés et l’un d’entre eux est renouvelé chaque année, afin de permettre aux joueurs de revenir.

Par Lara Van Dievoet.

“Le jeu rassemble plus que le cuisine ou le sport”, Adeline Barras, ingénieure en R&D chez Procter et Gamble.

“Il y a un an, j’ai organisé un team building chez Escape Hunt pour mon département. Nous étions 15, divisés en trois équipes, dans trois salles, avec la même énigme : retrouver le Manneken Pis. Les premiers à sortir gagnaient la partie. Le jeu convenait bien à la diversité des profils, puisqu’il permet la collaboration de gens qui vont assez vite avec d’autres qui vont réfléchir calmement, analyser la situation. Cela rassemble davantage que la cuisine ou le sport, qui ne sont pas adaptés à tout le monde. Les managers et les équipes ont adoré. Nous faisons des team buildings deux ou trois fois par an, mais là c’était un peu spécifique : nous avions des choses à annoncer, des bonnes et des moins bonnes nouvelles. Nous voulions pouvoir en parler librement tous ensemble après le jeu et que chacun puisse poser ses questions et avons donc privatisé les lieux pour un lunch à l’issue du jeu.”

“On a la gagne en nous”, Marine Cool, assistante administrative chez Litis S

“Nous sommes une petite association d’avocats qui réunit huit personnes. Cette année, nous avons ajouté un escape game à notre restaurant d’équipe annuel, un vendredi soir. Jouer nous a permis de déconnecter complètement après une grosse journée. On sort du monde réel. Un seul d’entre nous n’a pas adoré. Ce qui en ressort, c’est un bon esprit d’équipe et une envie commune de résolution de problèmes. Ce type de jeu correspond bien au milieu du droit : on a ‘la gagne’, l’envie de trouver la solution. En cherchant parfois beaucoup trop loin… ”

“Une partie de notre processus de recrutement”

“Cet automne, nous avons invité les recrues potentielles des universités à participer à un escape game avec nous. Nous l’avions déjà fait l’année précédente et nous recommencerons, explique le responsable du recrutement dans les universités francophones d’une société de consultance.Nous ne le voyons pas comme un assessment. C’est trop court et cela gâcherait le plaisir du jeu. Il s’agit d’inviter ces étudiants à rencontrer les consultants dans un cadre plus cool, hors business, avant le démarrage du processus de recrutement. L’objectif est de les motiver à postuler chez nous. Participer au jeu avec eux, se creuser les méninges ensemble, permet de leur donner une image plus conviviale du monde des consultants. On organise un drink sur place, après le jeu, pour discuter et répondre à leurs questions. Après un mois, nous avions déjà huit postulants, 40 % des étudiants invités, alors que c’était organisé assez tôt dans l’année.”

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