En visite chez les ballons Libert, les derniers maîtres de l’air

© RAPHAËL DEMARET

C’est un petit bâtiment comme tant d’autres, en plein centre de Court-Saint-Etienne. Pourtant, l’activité qui s’y loge n’a, elle, rien de classique. L’entreprise Ballons Libert est la dernière du Benelux à encore concevoir des enveloppes de montgolfières. Une produit taille XXL fabriqué dans la tradition par une petite équipe de trois passionnés. Rencontre entre des machines à coudre “old school” et des dizaines de mètres carrés de tissu.

1. Les plans

L’entreprise propose trois modèles de ballons qui diffèrent par leur taille et leur forme. ” Ce sont deux critères qui joueront notamment sur le confort, explique Patrick Libert, le propriétaire de la société. Plus le ballon sera gros et sphérique et plus il sera stable, et donc idéal pour le transport de passagers. On réalise également des ballons de compétition qui sont plus allongés. Ils sont capables de monter et descendre très rapidement mais sont bien moins confortables. ” Les plans du graphisme sont réalisés sur ordinateur et reprennent le détail de l’illustration qui sera appliquée sur le ballon.

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2. Le patron

Les plans des patrons qui serviront à la découpe des différentes parties du ballon sont les mêmes depuis la création de la société. L’entreprise en compte 12 différents, qui permettent de réaliser toutes les parties des ballons développés par la société. Ils sont réalisés simplement en papier, directement au sein de l’entreprise. ” Ils s’usent forcément très vite, ce qui nous oblige à les renouveler régulièrement “, explique encore Patrick Libert.

3. Le découpage

Chaque ballon est composé de 12 ou 24 fuseaux, ces bandes de tissu verticales, s’étalant sur toute la longueur de l’enveloppe du ballon. Chaque fuseau est lui-même composé de panneaux de tissu spécialement adaptés aux montgolfières, découpés puis cousus un à un. ” On utilise du tissu en nylon qui vient d’Angleterre, d’Allemagne et d’Autriche. Sa résistance est certifiée en laboratoire “, explique encore le propriétaire. Environ deux journées de travail sont nécessaires pour réaliser l’ensemble des découpes.

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4. L’assemblage

Une fois l’ensemble des panneaux découpés, ils sont d’abord assemblés par fuseau, à l’aide d’une machine à coudre spécifique à double aiguille et double entraînement. Les longues bandes de 24 mètres de long sont ensuite assemblées entre elles pour former l’enveloppe. ” Plus on avance et plus le volume de tissu à manipuler est important. Lorsqu’il faut réaliser les dernières coutures pour fermer le ballon, c’est plutôt sportif “, sourit le responsable de la marque.

5. La mise en place des sangles

Outre les coutures, des sangles verticales et horizontales sont ajoutées sur l’enveloppe afin d’en assurer la stabilité et la résistance. Une sangle verticale est cousue un fuseau sur deux. Le nombre de sangles à l’horizontale varie, lui, selon la taille et l’utilisation de la montgolfière. ” Elles sont plus nombreuses sur les ballons de compétition et ballons de taille importante car elles permettent de limiter la propagation des déchirures éventuelles “, précise encore Patrick Libert.

6. Le Câblage

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Une fois l’enveloppe refermée et sanglée, les câbles qui la relient à la nacelle sont ajoutés. ” On en met un par fuseau. Ce sont des câbles en inox avec un coefficient de sécurité supérieur à 10. Autrement dit, chacun peut supporter une force 10 fois plus importante que celle subie lors d’une utilisation normale. Un câble ne cassera donc jamais “, assure le chef d’entreprise. Si la nacelle est rectangulaire, la gueule du ballon est ronde. Les câbles sont donc de longueurs différentes afin d’assurer une répartition parfaite des forces. ” C’est une de nos spécificités, pensée pour allonger la durée de vie du ballon “, lance Patrick Libert.

7. La pose de la jupe

Afin de protéger le brûleur, une bande de tissu supplémentaire, appelée la jupe, est ajoutée. ” Elle permet de limiter les pertes de chaleur mais aussi d’éviter que la flamme ne s’éteigne “. Assemblée de la même façon que l’enveloppe, elle est néanmoins simplement attachée par de longs velcros. ” Comme elle ne porte rien, il n’est pas nécessaire d’en faire davantage. Et vous pouvez déjà y aller franchement pour la détacher “, sourit le responsable.

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8. La soupape

La soupape, l’élément supérieur du ballon, est la dernière pièce à être mise en place. Elle permet, en fonction de sa position, d’évacuer l’air chaud présent dans le ballon et ainsi de faire descendre la montgolfière. Les cordelettes utilisées pour maintenir la soupape et l’actionner sont en kevlar. ” Il s’agit d’un matériau qui ne brûle pas. C’est indispensable car au sommet du ballon, la température peut monter jusqu’à 120 degrés. “

Par Arnaud Martin.

Législation de plomb et rafales de vent

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L’art de faire un ballon est devenu une activité rare. Aujourd’hui, il n’existe plus qu’une petite dizaine d’entreprises en Europe disposant de l’indispensable certificat de l’EASA, autorisant la production de ballons. Une législation a été mise en place pour toute l’Europe et a fortement impacté le secteur. ” Les règles sont très strictes, explique Patrick Libert. Nous sommes soumis, toutes proportions gardées, aux mêmes textes réglementaires que des fabricants d’avions ou d’hélicoptères, alors que nous fabriquons des montgolfières, aéronefs dits non-complexes. ” Les normes sont parfois plutôt surprenantes. ” Les lattes pour mesurer le tissu ont une date de péremption. Chaque année, elles doivent être étalonnées. Si ce n’est pas fait dans les temps, elles ne sont plus utilisables “, explique le responsable qui hésite entre sourire et soupir. La réglementation rend le secteur très peu accessible : ” D’ailleurs, ceux qui ne s’étaient pas préparés en 2007, lors de la mise en place de la norme, ont jeté l’éponge. Plus personne aujourd’hui ne souhaiterait se lancer “.

Les difficultés du métier ne se limitent pas à la législation. Le vol est également devenu plus difficile, notamment en raison de l’espace aérien qui se réduit mais aussi de conditions de moins en moins favorables. ” Ce n’est pas spécialement lié au réchauffement climatique mais il y a de plus en plus de vent. Dans les années 1970, on pouvait encore réaliser jusqu’à 150 vols sur l’année. Aujourd’hui, on atteint seulement les 80 “, précise le responsable. Chaque année, la petite entreprise produit entre deux et huit ballons. Une production limitée qui permet à la marque belge d’assurer le suivi de tous ses produits. ” Il y a régulièrement des entretiens à faire ou des petites opérations à effectuer. Cela nous permet de maintenir l’activité toute l’année. ” La durée de vie d’un ballon est estimée à environ 500 heures de vol. ” Un pilote vole environ 40 heures par an. Il est donc possible de conserver un ballon durant 12 ans. Tout dépend de son utilisation et de son entretien “, précise le responsable. Comptez 25.000 euros au moins pour vous envoyer en l’air.

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