Emploi-énergie-relance, le triptyque qui inquiète les entreprises wallonnes
Une entreprise sur cinq considère que la hausse des prix de l’énergie est actuellement le principal handicap de l’économie wallonne, selon le baromètre conjoncturel de l’UWE.
Depuis des années, les industriels wallons se plaignent de subir des tarifs énergétiques supérieurs de 15% à ceux des pays voisins et de la Flandre. Sans beaucoup d’effet. L’enjeu est brusquement remonté en haut de l’agenda des préoccupations, avec l’envolée des prix de ces derniers mois. Dans le dernier baromètre conjoncturel de l’Union wallonne des entreprises, le prix de l’énergie est placé comme le premier facteur qui handicape la compétitivité par 19% des entreprises (contre à peine 4%, il y a deux ans !). “C’est un facteur de compétitivité mais aussi un élément d’attractivité pour les investissements étrangers, précise Olivier de Wasseige, CEO de l’UWE. Le prix de l’énergie pèse dans les décisions d’implantation des groupes internationaux.” Sans se prononcer sur le mix énergétique belge et l’éventuelle prolongation de réacteurs nucléaires, il insiste sur la nécessité de garantir l’approvisionnement à un prix abordable. “Moins nous serons dépendants de l’étranger, plus nous serons maîtres des prix énergétiques”, résume Olivier de Wasseige.
La politique de l’emploi demeure cependant le premier handicap de l’économie wallonne, selon le baromètre conjoncturel. Et quand on parle emploi, on se préoccupe désormais plus du manque de main d’oeuvre qualifiée que du niveau des coûts salariaux. La tendance pourrait peut-être s’inverser à l’avenir, si le retour de l’inflation devait conduire à deux ou trois indexations des salaires en 2022. En attendant, les intentions des entreprises donnent des perspectives d’embauches “encourageantes” pour les six prochains mois, prolongeant un mouvement qui a déjà réduit le nombre de demandeurs d’emploi de 18.500 unités depuis le début de l’année. L’écueil, c’est donc de trouver la main d’oeuvre nécessaire. Au second trimestre, on recensait 37.000 emplois vacants en Wallonie, soit une hausse de 5.800 unités par rapport au trimestre précédent.
La réforme de l’emploi initiée par la ministre Christie Morreale et qui doit être implémentée l’an prochain vise justement à renforcer l’activation des demandeurs d’emploi. Cette réforme affiche, selon Olivier de Wasseige, “un potentiel positif important”. Le CEO de l’UWE insiste toutefois sur deux points d’attention. D’une part, la réalisation de bilan de compétences externalisé et objectivé pour chaque demandeur d’emploi. Actuellement, c’est le cas pour à peine 10.000 personnes sur les 400.000 qui sont en contact avec le Forem au cours d’une année. D’autre part, l’UWE aimerait un suivi plus rigoureux de “la ligne de vie” d’un demandeur d’emploi. A la fois pour éviter les éventuelles redondances entre les formations suivies auprès des multiples organismes officiels, pour s’assurer de la présence effective de la personne aux entretiens d’embauche et pour améliorer “le matching entre les aspirations individuelles et le potentiel de carrière”.
Le triptyque des inquiétudes patronales se complète avec les incertitudes qui entourent le plan de relance. “Nous ne tirons pas la quintessence de ces milliards d’euros qui vont être investis, estime en effet Olivier de Wasseige. Une série de dépenses nous paraissent relever plus du “business as usual” que d’un véritable redéploiement de la Wallonie. Il faudrait plus de vraies mesures structurantes pour réussir à changer de braquet.” On peut certes se réjouir de voir les perspectives de croissance pour l’an prochain (4% pour la Wallonie, ce qui serait au-dessus de la moyenne belge) mais ce chiffre est gonflé par un effet de rattrapage et par les dépenses liées aux inondations qui n’auront qu’un impact limité sur le long terme. “Nous sommes face à une situation économique inconfortable, analyse Jean-Christophe Dehalu, économiste à l’UWE. Le PIB/hab reste trop faible et nous avons toujours trop peu d’activité économique privée. Les fondamentaux sont très fragiles. Si un nouveau choc devait se produire, je ne suis pas certain que la Wallonie puisse encore réagir fortement.” En cas de durcissement des conditions de refinancement de la dette (qui dépasse les 30 milliards et pourrait frôler les 50 milliards à la fin de la décennie), le gouvernement devrait sans doute se résoudre à faire le tri dans ses politiques et à arrêter certaines dépenses.
L’UWE et la FGTB avaient récemment critiqué de concert “le saupoudrage” des moyens du plan de relance. Les partenaires sociaux sont-ils mieux à même de cibler les mesures et feront-ils des propositions communes, comme le leur a suggéré le ministre-président Elio Di Rupo ? “Nous y réfléchissons, les discussions avancent avec la FGTB et les autres organisations, répond Olivier de Wasseige. Nous souhaitons clairement être impliqués dans la co-construction des mesures et de l’opérationnalité du plan de relance.”
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