Edtech: le numérique au service de l’éducation

Philippe Van Ophem: "Il faut investir dans l'edtech, même si le retour n'est pas le plus grand et le risque parfois plus important. " © PG - J. Leroy

Utiliser les technologies numériques pour améliorer l’apprentissage et doter nos enfants de nouvelles compétences pour l’avenir: voilà ce qui motive Philippe Van Ophem. Devenu investisseur dans les start-up de l’edtech, ce “serial entrepreneur” reconnu a cofondé l’ASBL EducIT qui a révolutionné l’approche de l’introduction des ordinateurs dans les écoles francophones.

Le marché de l’edtech belge (c’est-à-dire le numérique mis au service de l’éducation) n’est encore que balbutiant et les start-up du créneau sont peu nombreuses. Pourtant, en Belgique francophone, un nom commence à émerger, celui de Philippe Van Ophem que l’on retrouve autour d’un nombre croissant de jeunes pousses et d’initiatives en la matière: Wooclap, Flowchase, BeCentral, EducIT, easyllabus, etc. Ce serial entrepreneur s’y implique de différentes manières car il croit fermement dans les bienfaits du numérique, bien utilisé, pour rénover l’éducation et préparer nos enfants au monde de demain.

Des exits réussis

Cela fait quelques années, en effet, que Philippe Van Ophem s’est impliqué dans le microcosme des start-up digitales en tant que business angel – terme qu’il trouve “prétentieux”. Depuis la vente de sa précédente start-up, myShopi, pour être précis. Cette application mobile de liste de courses, il l’avait cofondée avec son complice de toujours, Renaud Gryspeerdt, et était parvenu à l’imposer comme l’un des succès belges des applis mobiles avec pas loin de 4 millions de téléchargements dans le monde au moment de sa vente. MyShopi avait été rachetée (pour un montant non dévoilé) par le groupe BD, spécialiste de la communication promotionnelle dans les toutes-boîtes, désireux de réaliser une transition numérique. Un créneau que Philippe Van Ophem et son associé maîtrisaient bien: la transformation digitale était déjà la mission des précédentes start-up qu’ils avaient cofondées, à savoir Neosys (vendue en 2000 à Keyware) et Euremis (vendue à Belgacom en 2006).

C’est après la cession de MyShopi que Philippe Van Ophem a été introduit dans BeCentral, en pleine gestation. Les porteurs de ce projet novateur étaient en train de fédérer des personnalités belges du digital. Son objectif? Devenir un campus qui allait combiner des programmes de formation au numérique, de l’hébergement de start-up, etc. Un véritable écosystème lié à l’éducation et à la tech. “J’ai rapidement adhéré au projet, se souvient Philippe Van Ophem, car il y avait un vrai manque au niveau de la formation aux nouvelles technologies. J’avais pu constater à quel point trouver certains jeunes talents dans le digital était compliqué. Je suis entré dans BeCentral parmi les premiers investisseurs, sans toutefois être opérationnel. Cela m’a ouvert les yeux sur cette problématique.”

Premiers investissements

Le serial entrepreneur se montre toujours prêt à aider les jeunes qui le consultent pour avoir des conseils en création de start-up. Et il a ainsi commencé à recevoir des sollicitations pour investir dans différents projets de jeunes pousses. Parmi elles, la start-up Wooclap qui promet notamment de dynamiser les cours ex cathedra en offrant aux profs une appli mobile permettant aux élèves/étudiants de participer à des quiz et de poster des commentaires via mobile.

Philippe Van Ophem y entre, en 2017, comme business angel. Et joue la carte du smart money en se mettant aussi au service de Sébastien Lebbe, le boss de Wooclap, et son équipe. “Philippe est le genre d’investisseur qui soutient réellement le projet, se rappelle le CEO de la start-up qui, aujourd’hui, compte 60 personnes. Ayant eu un parcours entrepreneurial, il était à même de nous conseiller sur certaines phases de développement qu’il avait déjà rencontrées. Au début, il a souvent challengé avec bienveillance notre business model ou notre proposition de valeur. Il a aussi ouvert son carnet d’adresses, puis s’est aussi impliqué quand c’était nécessaire. Je me souviens qu’il a participé à des entretiens de sélection de certains profils, par exemple. Ce qui est assez remarquable, c’est aussi l’importance qu’il place dans l’impact sociétal qu’il peut avoir. Il ne pense pas qu’au retour financier.”

Ce “serial entrepreneur” croit fermement dans les bienfaits du numérique, bien utilisé, pour rénover l’éducation et préparer nos enfants au monde de demain.

Et l’impact sociétal, Philippe Van Ophem va aussi le chercher dans un projet ambitieux qu’il a développé avec son associé Daniel Verougstraete. Les deux hommes, parents d’adolescents, souhaitaient voir évoluer le monde scolaire en matière d’adoption technologique. En 2019, ils ont lancé EducIT, une ASBL qui prône l’intégration du digital dans les écoles. Celle-ci vise à la fois à équiper les élèves en outils digitaux, à augmenter le plaisir d’apprendre et à seconder les professeurs dans la mise en place d’un enseignement plus performant, grâce aux outils modernes. Leur idée? Doter les élèves d’ordinateurs individuels et coacher les profs pour leur apprendre les outils et les méthodes pour intégrer la technologie dans le cadre de leurs cours. C’est ce qu’ils appellent la “Rentrée numérique”. Aujourd’hui, après avoir surmonté pas mal d’obstacles et avoir été aidés par la transition imposée par le covid, le projet tourne: 50 établissements scolaires y participent, soit un total de 3.000 enseignants accompagnés et près de 12.000 élèves équipés d’un ordinateur personnel, d’après les chiffres communiqués par la Fondation Roi Baudouin qui soutient le projet. Il faut dire que le principe fondateur d’EducIT a notamment été adopté par la Fédération Wallonie Bruxelles.

Difficile mais gratifiant

S’il avait prévu de consacrer la moitié de son temps à l’ASBL, Philippe Van Ophem constate qu’au final, son implication équivaut presqu’à un temps plein. “Comme partout, le changement est compliqué, admet-il. Y compris dans l’enseignement car il implique beaucoup d’intervenants différents: les professeurs, la direction, les réseaux, le public, etc. Nous avons bien sûr pris des claques, mais cela ne m’a jamais découragé car non seulement nous sommes une bonne équipe, mais, en plus, j’ai perçu la demande et j’ai senti que les lignes bougeaient. Par ailleurs, nous savons que cette initiative a beaucoup de sens. Et que son impact est réel.”

L’impact, l’entrepreneur dans l’âme le recherche aussi par ses investissements. Parfois étiqueté comme le “Monsieur EdTech” dans le microcosme francophone des start-up, il sait que ce créneau a du sens mais qu’il n’est pas systématiquement le plus lucratif. “Il ne s’agit pas du marché le plus juteux, reconnaît-il. D’autres secteurs permettront aux investisseurs des multiples plus importants. Mais le numérique dans l’éducation est, pour moi, fondamental aujourd’hui. Il faut y investir, même si le retour n’est pas le plus grand et le risque parfois plus important.” Philippe Van Ophem est ainsi entré au capital de Flowchase (application mobile qui permet aux profs d’anglais de booster la prononciation de leurs élèves grâce à la reconnaissance vocale) ou encore d’easyllabus (une plateforme de podcasts de notes de cours destinés aux étudiants du supérieur). Des start-up “éducation” auxquelles s’ajoutent quelques autres investissements comme dans Smovin, une app de gestion pour les propriétaires. “En général, je rentre au capital avec un montant de l’ordre de 50.000 euros, glisse Philippe Van Ophem. Et je suis parfois au deuxième tour.” Entrepreneur ayant réussi plusieurs boîtes, il lui importe aussi d’être un promoteur de l’entrepreneuriat auprès des jeunes générations. Et pour reprendre un nouvelle fois un mot qui revient souvent dans son discours, d’avoir de l’impact!

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