Duo for a Job : voie royale vers l’intégration par l’emploi

L’association forme des tandems entre des jeunes demandeurs d’emploi issus de l’immigration et des seniors expérimentés à la (pré)retraite, qui les accompagnent et les soutiennent dans leur recherche d’un job.

Azal et Serge, Talal et Jacques, Alain et Jean-Baptiste, Fanny et Aminatou,… Toutes ces personnes ne se seraient sans doute jamais rencontrées sans l’existence de Duo for a Job. Cette association a été lancée en novembre 2012 par quatre trentenaires bruxellois interpellés par les questions de l’emploi des jeunes, de l’immigration et du vieillissement de la population.

A l’heure où la Belgique commémore 50 ans d’immigration marocaine et turque, les chiffres sont édifiants : parmi les jeunes issus de l’immigration en Région bruxelloise, le taux d’emploi est de 40,1 %, d’après Actiris. “La Belgique est le pays industrialisé dans lequel l’écart de pourcentage entre les jeunes ‘belgo-belges’ et les jeunes issus de l’immigration en recherche d’emploi est le plus élevé, plantent Frédéric Simonart et Matthieu le Grelle, les cofondateurs du projet. Et Bruxelles présente évidemment un défi encore plus grand. Aux statistiques s’ajoutent les problématiques de discrimination à l’embauche, d’inégalités face à l’enseignement et de manque d’un réseau social stimulant.” En vue d’apporter leur réponse à ces problématiques, les initiateurs du projet ont eu l’idée de les relier à un autre défi de la société : le vieillissement de la population. Ici aussi les chiffres parlent : en Belgique, le taux d’activité chez les 55-64 ans est le plus faible d’Europe (41 %). Une réalité qui ne correspond souvent pas à la volonté de ces jeunes (pré)retraités, qui souhaitent pour la plupart rester actifs en s’engageant dans un projet porteur de sens.

Un programme complet Partant de ces constats et s’inspirant d’initiatives françaises de parrainage pour l’emploi, les fondateurs de Duo for a Job ont affiné leur projet. La démarche est simple : supervisés par l’association, le mentor et le mentee travaillent ensemble pour que ce dernier trouve un job ou une formation. Les premiers duos ont été formés en septembre 2013.

Concrètement, la démarche de Duo for a Job comporte plusieurs étapes. Après avoir rencontré le candidat mentor et évalué son profil en fonction de son expérience et de ses affinités, les coordinateurs du projet organisent une formation de trois jours visant à le préparer à l’accompagnement du chercheur d’emploi. Cette formation est organisée en plusieurs modules, allant de la connaissance du public des immigrés à la recherche d’emploi en passant par les compétences de mentoring et les relations interculturelles. Le mentor reçoit ainsi les outils qui lui permettront d’accompagner au mieux son mentee.

Par la suite, les duos mentor-mentee sont formés en fonction des affinités professionnelles. Après avoir élaboré un “plan d’attaque”, le duo entre donc dans la période de mentoring en tant que telle : pendant six mois, le mentor rencontre son mentee chaque semaine et l’épaule dans sa recherche d’emploi. Dans le dédale que peut représenter l’administration et les structures d’accompagnement à l’emploi, la présence du mentor est précieuse. “Mais le travail du mentor dépasse le coup de pouce purement administratif, précise Matthieu le Grelle. Une carrière, c’est aussi un réseau qui s’est formé et des atouts que le mentor met à la disposition de son mentee.”

Bien que les mentors travaillent de manière bénévole, Duo for a Job avait besoin de fonds pour financer sa structure. Les aides furent d’abord privées : Cofely Fabricom (GDF Suez) a apporté un soutien financier de départ, tandis que Moneytrans et les mutualités Symbio mettent des locaux à disposition de l’ASBL, notamment pour accueillir les duos. Par ailleurs, Duo for a Job a pu compter sur l’apport de plusieurs donateurs privés. “Petit à petit, nous avons affiné notre mission. Dès la formation de nos premiers duos, nous avons pu nous tourner vers le secteur public, qui a besoin de résultats concrets avant de choisir d’investir, comme le cabinet de la ministre bruxelloise de l’Economie Céline Fremault.” Par ailleurs, le projet est sur le point de devenir partenaire d’Actiris.

Pour entrer en contact avec son public cible, l’association s’est entourée de plusieurs organismes ayant de l’expérience dans l’accueil des primo-arrivants. “Nous collaborons avec Caritas, Bon (le bureau d’accueil bruxellois d’intégration civique), Convivial et la Croix-Rouge. Ils nous aident à mobiliser les jeunes. Nous ne prétendons pas faire le travail de ces associations à leur place, mais nous voulons faire le lien entre les acteurs publics d’aide à l’insertion professionnelle, les demandeurs d’emploi et le secteur privé duquel le mentor est souvent issu et où il fait jouer son réseau, détaille Matthieu le Grelle. Il existe peu d’acteurs qui ciblent les primo-arrivants. Je pense que ce qui a plu à nos partenaires c’est l’accompagnement personnalisé et destiné à un public peu ou pas couvert.”

“Avancer ensemble dans le labyrinthe” A ce jour, environ 50 duos ont été formés. Des deux côtés, l’expérience se déroule avec succès. D’après Frédéric Simonart, “il n’y a pas que l’aspect ‘mise à l’emploi’ qui compte. Ce qui importe aussi c’est l’expérience interculturelle et intergénérationnelle”.

“Je découvre un univers inconnu, le monde des réfugiés, confie Philippe, ingénieur industriel qui a fait carrière dans la construction et mentor depuis six mois. Notre génération a eu de la chance au niveau de la recherche d’emploi. A mon tour, j’essaie de faire bénéficier de mon expérience à des gens qui sont un peu perdus. Brice et moi, avançons ensemble dans le labyrinthe que représentent l’administration et les formations. Je suis pleinement satisfait de ce que m’apporte l’expérience au niveau humain et j’espère que je lui suis utile.”

“Je ne suis encore qu’au stade de la formation mais ces trois jours ont été exceptionnels, témoigne Jean, ancien directeur de Tractebel Engineering. Ce qui m’a séduit, c’est la démarche pragmatique de l’association, qui sélectionne le perfect match entre mentor et mentee.”

Un enthousiasme partagé côté mentee : “Le rôle de Serge est de m’aider à trouver de l’information pour continuer mes études de comptabilité. Des fois je me sens perdu, désespéré, et c’est très important pour moi d’avoir son aide pour dessiner mon chemin à long terme”, témoigne Azal. “Lorsqu’on pense qu’une vie professionnelle se termine, au contraire on découvre qu’on peut transmettre modestement notre expérience, complète Serge, son mentor, chasseur de têtes retraité. C’est encourageant, en fin de carrière, de savoir que quelqu’un va entamer quelque chose de nouveau dans son parcours.”

Cette continuité dans les carrières est par ailleurs profitable aux entreprises : “Duo for a Job est le genre de projet qui peut intéresser les sociétés dans le cadre de l’obligation légale de l’aménagement des fins de carrière mais aussi pour leur engagement envers leur responsabilité sociétale”, précise Frédéric Simonart.

Et côté résultats ? Des jeunes qui n’avaient pas eu un seul entretien d’embauche en deux ans ont eu plusieurs opportunités depuis qu’ils collaborent avec Duo for a Job. Des événements encourageants pour l’ASBL, pour qui l’objectif reste de recruter des mentors. “Trouver davantage de mentors est le défi principal de l’association. Quand nous aurons atteint une masse suffisante de mentors, nous souhaitons ouvrir notre projet aux jeunes issus de l’immigration mais ayant la nationalité belge. Nous espérons atteindre l’objectif de 70 duos dès la fin de l’année et 110 en 2015”, concluent les cofondateurs enthousiastes.

MARIE D’OTREPPE

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