Dragone au pays du Wuxi
Le Wuxi Show Theater est la nouvelle sensation art-chitecturale chinoise et l’écrin de “Splendor”, nouveau show permanent de Franco Dragone. Le metteur en scène belge a supervisé le design et la technologie de sa salle de spectacle. Une étape de plus de l’idylle entre l’entrepreneur et l’Empire du Milieu.
Dragone cultive sa zenitude en Chine. Associés à la politique de multiplication de lieux culturels dans des villes chinoises “secondaires”, le Louviérois et son équipe ont pris un nouvel élan. Notamment à travers trois lieux prestigieux : le Han Theater de Wuhan (2014, le Dai Theater de Xishuangbanna (2016), et depuis décembre, le Wuxi Theater, majestueux bâtiment circulaire ceint d’une forêt de 365 colonnes blanches en acier creux, stylisées façon bambou (voir article dans le nouveau Trends). Dans sa salle principale se joue “Splendor”, nouvel opus signé Dragone.
Franco Dragone, en quoi consiste votre nouveau spectacle ?
En Chine, notre signature est de nous inspirer de la culture locale et de la connecter à des thèmes contemporains pour imaginer un spectacle innovant. “Splendor” est une vision de la femme au 21eme siècle, via le personnage de Xi Shi, figure légendaire du 5ème siècle avant J-C. Sorte de féministe avant l’heure, sa saga est liée au lac Taihu à un jet de bambou de Wuxi. Pour la première fois, musique et chansons servent de principal moteur à la narration, soutenu par les arts martiaux et des performances circassiennes classiques.
Que dire du lieu ?
Un écrin fabuleux ! Il allie la tradition et l’ultra-technologie fort prisée par le public chinois. Le Wuxi Theater a été conçu par un architecte chinois (en partenariat avec le bureau londonien SCA). Son inspiration est liée à notre spectacle autour de Xi Shi, du lac Taihu tout proche et du parc appelé “La mer de bambous”. C’est une utopie végétale équipée des outils technologiques les plus avancés en matière scénique : automation aérienne, plateforme basculante, … Notre équipe a franchi un nouveau cap spectaculaire grâce à l’usage de la vidéo. Les effets sont saisissants et le mérite en revient à “Drop the Spoon”, jeune société belge fondée par des ex-Dragone. Notre apport artistique s’accompagne aussi d’échanges approfondis en matière de production, de logistique et de transmission de savoirs.
Est-il plus difficile ou plus facile de travailler en Chine qu’en Europe ?
C’est difficile de travailler en Chine. Ce l’était surtout à notre arrivée il y a huit ans, car la Chine continentale commençait à peine à se lancer dans l’entertainment. Je me suis alors plongé dans la culture chinoise et son histoire, à travers les épopées des dynasties Han et Ming, les traditions du peuple Dai. Je me suis immergé dans la lecture des maîtres à penser qui tentent de faire converger cultures occidentales et orientales. J’y ai approché le concept de transformation silencieuse. Artistiquement c’est aussi différent, mais pas plus qu’ailleurs, car nous sommes habitués à faire cohabiter en plateau des dizaines de nationalités.
Vous a-t-on demandé de faire du “Dragone” ?
Quand mes partenaires m’ont invité à travailler en Chine, je leur ai dit : “j’ai hâte de travailler avec vous mais… ne me demandez pas de créer un spectacle chinois pour les Chinois”. Ce défi, je l’ai saisi comme une opportunité créative. Ma première priorité a été d’appréhender la complexité d’une autre culture des affaires. Un apprentissage lent, source de difficultés, mais une étape formatrice que nous dépassons enfin avec ce troisième show. Mon manque de maîtrise de la langue chinoise reste mon seul regret. D’où ma résolution à la pratiquer davantage.
Votre implication chinoise signifie-t-elle que vous vous ferez plus rare en Europe?
Certainement pas. “Le plateau, c’est le monde et le monde est un plateau”, disait Shakespeare. Les moyens de communication permettent aujourd’hui de démultiplier sa présence partout sur le globe, et de mener de front plusieurs projets. D’ici à Dubaï, Antalya, et partout en Europe. En nomades, tels les saltimbanques que nous sommes.
Par Fernand Letist
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