Dominique Michel (Comeos): “Si l’e-commerce file à l’étranger, nous aurons un bain de sang social”

Dominique Michel, CEO de Comeos © Belga Image
Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Alors que la crise renforce l’e-commerce et que l’ “Amazon néerlandais” Bol.com vient de traduire son application en français pour conquérir les Belges francophones, le patron de la fédération du commerce met en garde contre la déperdition d’emplois. Entretien.

Trends-Tendances. Le lancement de Bol.com en français illustre-t-il la pénétration toujours plus forte de notre marché par des acteurs étrangers livrant depuis des entrepôts situés au-delà de nos frontières et ne créant aucune valeur ajoutée chez nous, notamment en termes d’emplois ?

Dominique Michel. Tout dépend de l’entreprise. En réalité, la nationalité pure de l’acteur ne dit rien quant à l’endroit où est créée la valeur ajoutée. Il y a des joueurs qui viennent de l’étranger mais créent de la valeur ajoutée en Belgique en ayant chez nous des entrepôts, ainsi que toutes leurs activités de vente ; et d’autres qui sont belges mais gèrent leur logistique de l’autre côté de la frontière. Ce que nous savons toutefois, c’est que toutes nationalités confondues, il y a une très forte pression à gérer ses activités digitales hors de Belgique.

Notre pays pourrait-il donc passer à côté du succès de l’e-commerce ?

Evidemment, mais cela fait des années que nous passons à côté. Selon nos analyses, un achat non alimentaire en ligne sur deux se fait à partir de l’étranger. La part relative de l’e-commerce dans le chiffre d’affaires de nombreuses entreprises étant aujourd’hui en augmentation, si tout cela passe à l’étranger, nous aurons un bain de sang social en Belgique. Pour inverser la tendance, il faudrait une réforme en profondeur de notre marché du travail qui permette aux entreprises de répondre rapidement aux besoins extérieurs. Il faut, par exemple, pouvoir rapidement demander à une partie des collaborateurs de changer de travail pour préparer des commandes. Or, pour le moment, cela demande des années et des années de négociation.

Le travail de nuit a toutefois déjà été assoupli et plusieurs acteurs opèrent leur logistique en Belgique, parvenant à livrer le lendemain et à être concurrentiels par rapport aux acteurs étrangers…

Le travail de nuit a été flexibilisé à doses homéopathiques. D’ailleurs, cette décision est provisoire. Elle devra être remise sur le tapis par le prochain gouvernement. En outre, son impact a été très réduit car l’accord de tous les syndicats reste nécessaire. Mises à part quelques entreprises moyennes, une seule entreprise importante a d’ailleurs pu atteindre un accord sur le travail de nuit. Mais je le répète, l’enjeu ne concerne pas uniquement le travail de nuit. Il s’agit bien plus largement de l’organisation du travail dans son ensemble qui doit être rendue plus flexible, en accord évidemment avec les travailleurs.

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