Des petits planteurs de café guatémaltèques songent à repartir aux Etats-Unis

“C’est peut-être la pire idée que nous pouvions avoir”, se désole Julio Sandoval : il a trimé 14 ans aux Etats-Unis pour acheter des terres et cultiver du café dans son Guatemala natal. Ruiné par la chute des prix, il songe à repartir.

Lui et sa femme ont épargné sou après sou pendant qu’ils travaillaient au Nebraska (centre des Etats-Unis). Comme d’autres anciens migrants rencontrés par l’AFP dans l’est du Guatemala, ils ont investi leurs économies dans de petites plantations de café, avant de déchanter.

Dans les montagnes du département de Jalapa, près d’Aguijotes, accessibles seulement en véhicule tout-terrain, les terres fertiles et fraîches sont réputées pour la culture du café. La région, où 95% des cultures sont dédiées au café, est frappée de plein fouet par la morosité des cours internationaux, qui ne décollent pas. Dans tout le Guatemala, plus de 125.000 familles vivent directement du secteur du café, qui génère plus de 500.000 emplois directs et indirects.

Julio Sandoval, 48 ans, est rentré au pays il y a trois ans, et depuis, dit-il, il n’a enregistré aucun gain, “seulement des pertes”. Vêtu d’une chemise à carreaux à manches longues, il enlève son chapeau pour évoquer ses années de travail dans un abattoir du Nebraska. “Quatorze ans (aux Etats-Unis), ça n’a pas suffi. Revenir pour travailler pendant trois ans dans le café, c’est l’une des pires idées que nous pouvions avoir pour avoir une vie meilleure”, dit-il avec le calme du désespoir.

“Depuis que je suis rentré des Etats-Unis, ça ne s’est pas amélioré car les prix du café n’ont pas bougé depuis huit ans”, se lamente aussi Sauro Solares, âgé de 40 ans, qui a vécu et travaillé en Californie pendant quatre ans avant de revenir s’établir au Guatemala en 2000.

– “Mourir de faim” –

C’est encore pire pour Dimas Mejia, 54 ans. Ses cultures ont été ravagées par la rouille du café et il a dû contracter un crédit pour essayer de surmonter cette mauvaise passe. Lui, c’est six années qu’il a passées à travailler dans les champs près de Denver, dans le Colorado avant de rentrer au pays en 2006. “La crise a fait chuter les ventes et fait monter le chômage à cause des bas prix du café”, explique Sauro Solares, qui exploite une petite plantation à une soixantaine de kilomètres de celle de Julio Sandoval.

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Le sac de 46 kilos se vend à 15 dollars, mais faire du bénéfice à ce prix-là est impossible car 40% passe dans les seuls coûts de récolte, se plaignent les petits producteurs. Pendant ce temps, le même sac de 46 kilos est coté 115 dollars à la bourse de New York, faisant la fortune des groupes internationaux de négoce.

Julio Sandoval veut encore attendre un an, pour voir si la situation s’améliore… Mais, dit-il, il fait déjà “les comptes pour repartir” aux Etats-Unis. “Nous sommes ruinés, il ne nous reste plus qu’à arrêter d’investir ici et à repartir vers le Nord”, se lamente-t-il. Il sait trop bien les difficultés qui l’attendent, mais, dit-il “c’est plus dur de mourir de faim. Il vaut mieux mourir en se battant pour avoir une vie meilleure, un avenir meilleur”.

“J’ai bien pensé (à retourner aux Etats-Unis). Nous vivons dans l’incertitude car nous ne savons pas ce qui va se passer pour le secteur du café”, explique aussi Sauro Solares.

Beaucoup de petits planteurs, assure-t-il, ont déjà abandonné leurs cultures et pensent à émigrer. Peu importe, selon lui, les mesures contre les migrants imposées par le président américain Donald Trump : tous “ont l’espoir de réussir à passer” la frontière.

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