Des class actions pour imposer l’égalité salariale ?

Les femmes sont toujours moins bien payées que leurs homologues masculins et accèdent moins à des postes à responsabilité. Marie-Claire Carrère-Gée, ancienne secrétaire générale adjointe de la présidence française et présidente du Conseil d’orientation pour l’emploi, propose de d’autoriser les actions en nom collectif en matière d’égalité salariale et professionnelle.

A poste égal, les femmes touchent un salaire de 10 % à 20 % inférieur à celui de leurs homologues masculins. Elles sont en outre sous-représentées dans les fonctions dirigeantes. Comment expliquer qu’en 2011, les femmes sont encore victimes de discrimination au travail ?

Parce qu’on ne s’est pas donné les moyens en France d’y remédier. La loi de mars 2006 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes obligeait les entreprises à supprimer tout écart de rémunération à l’horizon de la fin de 2010. Non seulement l’objectif n’a pas été atteint, mais surtout la date limite a été repoussée à 2012. En outre, les entreprises sont aujourd’hui seulement tenues de négocier, et les sanctions financières seront laissées à l’arbitrage de l’autorité administrative. En résumé, on est passés d’une obligation de résultat à une obligation de moyens, ce qui sera beaucoup moins efficace.

Que proposez-vous ?

De permettre aux femmes de se prendre en main. Néanmoins, toute la détermination des femmes à défendre leurs droits, elle non plus, ne suffit pas. Lorsqu’il y a tant de chômage, se plaindre n’est pas facile. Porter plainte peut relever de l’héroïsme, voire de l’inconscience. C’est pourquoi je propose d’autoriser les actions en nom collectif en matière d’égalité salariale et professionnelle.

Lorsque des éléments de fait laissent à penser que la politique d’embauche, la politique salariale, de formation professionnelle ou d’avancement d’une entreprise ne respecte pas le principe d’égalité entre les hommes et les femmes, permettons à quelques salariées d’une entreprise de contester globalement ces politiques, et ce, avec la possibilité d’obtenir réparation pour toutes les salariées de cette entreprise, qu’elles aient ou non porté plainte.

N’y a-t-il pas un risque de multiplication des procès ?

Non, je ne le pense pas. En revanche, la perspective d’une class action massive et le risque de devoir payer des millions d’euros de dommages et intérêts – comme le cas de Wal-Mart aux Etats-Unis – créeraient un électrochoc pour les entreprises. Cela les pousserait rapidement à être irréprochables en matière d’égalité salariale hommes-femmes.

Un rapport remis à l’Elysée préconise d’instaurer des quotas de femmes pour les postes de direction dans la fonction publique. Dans le privé, la loi prévoit déjà un objectif de 40 % de femmes dans les conseils d’administration d’ici à 2017. Etes-vous favorable à ces quotas ?

Oui, je suis favorable aux quotas, cela fait partie de la panoplie d’outils qu’il faut utiliser pour lutter contre les inégalités dont sont victimes les femmes au travail. Ce n’est pas dévalorisant, contrairement à ce qu’affirment les détracteurs des quotas. On a bien instauré des quotas de femmes en politique. Et cela a marché : les femmes sont entrées en politique. Si l’on ne prend aucune mesure coercitive, rien n’aura changé dans trente ans.

Propos recueillis par Emilie Lévêque, L’Expansion.com

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