Dans le corps comme dans l’entreprise, “chaque organe joue un rôle crucial”

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Cabinet de conseil installé au Luxembourg, BSPK, qui a de nombreux clients belges, développe depuis quelques années une vision holistique de l’entreprise qu’il appréhende comme un corps et ses employés comme des organes. Une approche originale destinée à aider les PME à améliorer leurs performances, les remettre d’aplomb ou les préparer à être transmises. Explications.

Il y a quelques années, atteint d’un cancer des cordes vocales, Henri Prévost, CEO du cabinet BSPK (Bespoke Solutions for Performance and Knowledge, soit des solutions sur mesure pour la performance et la connaissance), s’était interrogé sur l’avenir de son entreprise si les choses avaient mal tourné. Sa situation personnelle l’avait amené à étendre son propos et à se pencher sur l’impact de la santé d’un CEO (burn-out, stress induit, stress subi, atteintes plus graves) sur une entreprise, avec une série de conférences à la clé. Cette approche “médicale” se retrouve dans la vision holistique que son cabinet développe depuis quelques années.

BSPK considère l’entreprise comme un patient et les collaborateurs comme ses organes vitaux. En fonction du profil de l’entreprise qui fait appel à ses services (performantes, en croissance ou à transmettre et céder), il réalise une analyse des éventuelles pathologies, un test à l’effort ou un check-up complet de type assurance-vie.

Les organes vitaux nesont pas en concurrence dans le corps humain. C’est pareil dans une entreprise.

Diagnostic gratuit

A l’heure où la pandémie a repris de la vigueur chez nous, l’incertitude règne plus que jamais au sein des entreprises belges. Le redémarrage est lent et l’avenir et la viabilité posent clairement question à des degrés divers. En même temps, l’humain est revenu au centre du jeu et, plus que jamais, les entreprises doivent travailler pour adapter leurs valeurs, redonner du sens, revoir leurs méthodes de travail pour placer leurs collaborateurs dans de bonnes conditions et renforcer l’engagement et le sentiment d’appartenance. Cette situation inédite a conduit Henri Prévost à offrir aux PME qui le souhaitent un diagnostic gratuit de leur situation.

“L’idée est de passer une demi-journée, voire une journée entière, au sein de l’entreprise et lui fournir un état des lieux suivant nos méthodes ainsi que des pistes de réflexion. Sans engagement. Celles qui auront été convaincues reviendront sans doute vers nous par la suite. Aujourd’hui, tout le monde a reçu un électrochoc. Je ressens un changement radical depuis la crise du Covid-19 dans le monde des PME. Les ambitions ne sont plus uniquement chiffrées. Je constate que le maintien de l’équilibre et des ressources humaines est passé à l’avant-plan. Certains de mes clients ont plus peur de perdre leurs collaborateurs proches que de faire faillite. L’humain est clairement au centre.”

Tout le monde a la parole

Est-ce à dire que les licenciements que tout le monde redoute à la rentrée seront plus nombreux que prévu ? “Certains se feront sous le couvert du Covid-19, poursuit Henri Prévost. Ils étaient déjà prévus. Ces boîtes-là n’ont pas trop de problèmes financiers. Mais d’autres, comme les PME, savent que ça va leur coûter une fortune de rebâtir tout un savoir-faire si elles laissent partir des collaborateurs. Tout recoller après coup coûte cher. Et c’est ce qui explique l’attitude de certains patrons qui se démènent pour ne laisser personne au bord de la route. C’est un choix stratégique mais aussi clairement un choix de coeur. Choisir le capital humain est aussi au centre de nos missions.

Henri Prévost, CEO du cabinet BSPK
Henri Prévost, CEO du cabinet BSPK ” Un recrutement, c’est une vraie greffe et il faut mettre tous les atouts de son côté pour s’assurer qu’elle prenne. “© PG

BSPK se définit comme un cabinet généraliste qui rassemble des experts passionnés de la PME. En France, on les appelle les PMIstes (pour petites et moyennes industries). Il regroupe une palette étendue d’experts chevronnés dans les matières légales, commerciales, financières, etc. Sans oublier les ressources humaines. Il dispose même d’un docteur en sociologie et anthropologie de la santé, spécialisé dans le recueil de données qualitatives. Tout le travail de conseil démarre par un diagnostic fouillé.

“Nous organisons une interview de deux heures avec chaque collaborateur, poursuit Henri Prévost. Cela prend du temps mais c’est essentiel. Chacun répond aux mêmes questions et participe aux mêmes tests (motivations, talents et l’ennéagramme, ce système qui classe les individus selon neuf personnalités distinctes et des sous-personnalités). Quels sont les piliers de votre job ? Pourquoi êtes-vous là ? Pourquoi restez- vous ? Pourquoi partiriez-vous ? Nous évaluons la transversalité aussi avec des questions sur le recrutement, la culture, etc. Nous proposons aussi à chacun de se mettre à la place du client et de raconter quelle serait, selon eux, son expérience. Enfin, nous donnons aussi une baguette magique à cinq coups. Que changeraient-ils concrètement ? La communication interne ou la cohérence entre les équipes reviennent souvent évidemment. A partir de toutes ces données, nous faisons une review avec le CEO, établissons une feuille de route et nous mettons au travail concrètement. C’est certain que nous ne faisons pas de workshops genre kayak sur la Lesse…”

Intégrer différentes cultures

Ce travail est actuellement en cours chez MCTechnics à Visé. Une entreprise familiale de 22 collaborateurs spécialisée dans les matériaux composites dont elle est le leader de la distribution dans le Benelux depuis qu’elle a absorbé un concurrent néerlandais. Elle a été rachetée en 2016 par Gazechim, un groupe familial français basé à Béziers organisé autour de quatre pôles : froid, gaz, plastiques et composites. Cette multitude de mouvements ainsi qu’une croissance soutenue depuis 2009 (le chiffre d’affaires a quasiment triplé) a conduit l’entreprise à faire appel à BSPK.

“La multitude des cultures (initiale, néerlandaise, française) a créé de la richesse, c’est sûr, mais aussi de la complexité, confie Joël Jacob, managing director de MCTechnics. Il me paraissait essentiel de mettre tout cela à plat et de repenser certains de nos process. La proposition de BSPK m’a plu en raison non seulement de l’outil qu’ils utilisent mais aussi de l’équipe pluridisciplinaire proposée. La phase de diagnostic a été faite en février juste avant la pandémie. Le Covid-19 a finalement été une opportunité car cela a donné à chacun le temps de réfléchir à son rôle et de se poser les bonnes questions. Ce qui n’est pas évident quand on a la tête dans le guidon. Je pense être un bon patron, proche de ses équipes mais j’aurais été incapable de faire tout ce que BSPK a fait. Nous étions une PME très orientée sur les résultats et avec, finalement, peu de ressources disponibles pour les ressources humaines ou le bien-être au travail. Ce travail avec BSPK était donc fondamental pour nous. Tous les collaborateurs ont été écoutés et sont parties prenantes depuis le début. Chacun a donc pu influer sur la feuille de route avec un même degré d’implication. C’est l’idéal pour susciter l’adhésion. Et franchement, ce n’est pas si simple de faire parler tout le monde.”

Si BSPK peut avoir des allures de couteau suisse avec toute sa palette de services, elle n’en délivre certains qu’après diagnostic.

Aujourd’hui, BSPK et MCTechnics sont au milieu du gué. Les actions et évolutions vont être mises en place. “Je suis satisfait, conclut Joël Jacob, car ce n’est pas le moule habituel des grandes boîtes de consultance mais une solution sur mesure où on change le GPS à chaque carrefour, où on modifie le cap en fonction de nouveaux éléments recueillis. C’est un effort continu de tout le monde qui va se poursuivre jusqu’à la fin de l’année. Tout le fonctionnement de l’entreprise va être revu, y compris au niveau opérationnel. Avec adaptation de l’organigramme, responsabilisation accrue de certains postes et profils et remise en question des procédures.”

Un mode d’emploi fouillé

A partir de ses analyses et des interviews, BSPK réalise un mode d’emploi de l’entreprise. Un document important si elle est en difficulté ou si on veut la céder ou la transmettre. Mais aussi pour rendre pérennes les améliorations de performance. Mais ce n’est pas tout.

“Chaque collaborateur reçoit son propre mode d’emploi, confie Henri Prévost. Avec son profil, ses compétences, ses talents et ses interactions avec les autres. On lui donne les outils pour bien dialoguer avec ses collègues et je pense notamment aux différents profils de l’ennéagramme. On n’en parle pas de la même manière avec un instinctif ou un émotionnel. Ce mode d’emploi est aussi utile quand il faut procéder à un recrutement. On sait exactement ce qu’il faut faire et quel profil il faut trouver. Dans cet ordre d’idées, à la manière dont on peut faire une prise de sang régulièrement pour vérifier tel ou tel paramètre, revoir régulièrement les job descriptions est crucial dans une entreprise. Ces modes d’emploi sont notre façon à nous de partager nos connaissances. Même si clairement, nous n’avons pas réponse à tout. Mais évidemment, le but est d’instaurer un climat propice à l’innovation et à l’amélioration permanente. ”

Joël Jacob,
Joël Jacob, ” managing director ” de MCTechnics ” Ce travail avec BSPK était pour nous fondamental. Tous les collaborateurs ont été écoutés et sont parties prenantes depuis le début. “© PG

Si BSPK peut avoir des allures de couteau suisse avec toute sa palette de services, elle n’en délivre certains qu’à condition qu’un diagnostic ait été établi au préalable. “Nous ne sommes pas un bureau de recrutement ni d’intérim management, assure Henri Prévost. Mais nous pouvons le faire chez nos clients car nous avons les outils en place pour être efficaces. Un recrutement, c’est une vraie greffe et il faut mettre tous les atouts de son côté pour s’assurer qu’elle prenne. Avec le mode d’emploi et notre outil de tests, nous avons tout en main pour que ce soit le cas. On fait aussi appel à nous pour siéger dans des conseils d’administration ou pour en revoir la composition. L’humain a tendance à s’entourer de gens qui lui ressemblent. Et ce n’est pas bon. Il faut varier les profils de personnalité. L’entreprise est une véritable aventure humaine avec les patrons, les actionnaires et les collaborateurs. Les organes vitaux ne sont pas en concurrence dans le corps humain. C’est pareil dans une entreprise. Tout le monde est important à son niveau. Chaque organe joue un rôle crucial pour que l’entreprise vive et soit en bonne santé. Dans certaines boîtes, on a tendance à oublier cela…”

Rencontres stratégiques

Aujourd’hui, BSPK compte l’essentiel de ses clients en Belgique et au Luxembourg. Tous des PME. “Nous sommes aussi actifs en France, conclut Henri Prévost, et avons quelques clients en Allemagne et en Autriche. Le contact initial se fait souvent par recommandation. Beaucoup d’avocats et de fiduciaires nous envoient des clients. Souvent pour valoriser une boîte qui doit être transmise. Ou pour aider des gens qui ont le savoir-faire et la bonne idée mais ni la gouvernance, ni le savoir-être.”

A côté de son diagnostic gratuit, BSPK va poursuivre cet automne, si la situation sanitaire le permet, sa série de conférences appelées “Les rencontres stratégiques ” sur des thèmes qui lui sont chers. Comme l’influence de la digitalisation sur l’humanité du management avec Philippe Delmas, l’ancien vice-président d’Airbus. Ou l’analyse de risques et la prise de décision chez les dirigeants avec comme orateurs Philippe B. Aton, le gendarme du GIGN qui a conduit l’assaut sur les frères Kouachi après la tuerie de Charlie Hebdo, et Frédéric Pierucci, ce haut dirigeant d’Alstom qui raconte, dans un livre coécrit avec un journaliste du Nouvel Observateur, sa prise d’otage par la justice américaine lors de la vente de la division énergie d’Alstom à General Electrics.

Plus d’infos sur www.bspk.biz

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