Coup d’accélérateur pour Univercells

La biotech wallonne a récolté 100 millions d'euros cette année, un record dans le secteur wallon des biotechs. © pg / Anthony Dehez
Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Levées de fonds, création de filiales, possible entrée en Bourse… La société wallonne spécialisée en “bioprocessing” est sur tous les fronts, en cette période de crise. Celle qui espère produire à Jumet des vaccins contre le Covid-19 entend bien se donner les moyens de ses ambitions.

C’est la biotech wallonne qui monte, qui monte. Depuis sa création en 2013 par Hugues Bultot et José Castillo, Univercells s’était toujours montrée assez discrète dans les médias. Les choses ont commencé à changer au début de l’an dernier, alors que l’entreprise présentait sa toute nouvelle plateforme NevoLine, financée notamment par la Fondation Bill & Melinda Gates. NevoLine n’est rien moins qu’une usine mobile miniature dont quatre unités rassemblées peuvent délivrer, par an, jusqu’à 50 millions de doses de vaccin antipolio inactivé trivalent, pour un montant inférieur à 30 cents la dose. Entrer dans le secteur des vaccins génériques jugés non rentables par l’industrie pharmaceutique en inventant des méthodes de production innovantes permettant de réduire les coûts, telle est donc la raison d’être de cette société carolo de bioprocessing.

Univercells vient de signer un partenariat avec les biotechs américaine Dyadic et française Synthelis pour amener en étude sur la souris trois candidats vaccins recombinants anti-Covid.

” Depuis la création de l’entreprise, l’objectif est d’avoir un impact global, grâce à la technologie, sur l’accès à des médicaments très chers, comme des anticorps, et à des vaccins en sous-capacité, expose José Castillo, cofondateur et chief technical officer (CTO) d’Univercells. Initialement, l’idée n’était pas que nous produisions des vaccins, mais que nous développions des technologies permettant de le faire.” Ces deux dernières années toutefois, la biotech a décidé de réorienter quelque peu sa mission. “Ayant été confrontés au marché et aux besoins, nous avons pris la décision de produire aussi des vaccins nous-mêmes”, précise notre interlocuteur. C’est ainsi qu’en début d’année, Univercells a racheté le site logistique de Softimat (société héritière des actifs immobiliers de Systemat) situé à Jumet. Objectif: en faire un lieu de production de ses vaccins à bas prix.

L'objectif est d'avoir un impact global, grâce à la technologie, sur l'accès à des médicaments très chers.
L’objectif est d’avoir un impact global, grâce à la technologie, sur l’accès à des médicaments très chers.© PG / POTULKENS

L’entreprise ne se définit pas comme une biotech standard, soit une société fondée pour générer une certaine molécule, un certain vecteur viral ou encore une certaine cellule (thérapie cellulaire). “Nous ne sommes pas le développeur du vaccin ou de la thérapie quelle qu’elle soit, précise José Castillo. Nous nous concentrons vraiment sur la manière de faire (le bioprocédé) et, à présent aussi, sur la production. Nous pensons qu’il y a une place sur le marché pour une société de vaccins d’un type différent. Le monde n’attend évidemment pas Univercells – il existe beaucoup d’autres producteurs de vaccins. Mais notre positionnement est différent. Nous nous basons sur des méthodes de production innovantes, que nous entendons utiliser pour produire nous-mêmes un nombre très limité de vaccins. Et notre ambition est de transférer ces technologies afin que d’autres puissent produire localement.”

Des partenariats, encore des partenariats

Dès le début de la pandémie, Univercells a très logiquement décidé de se lancer dans la course à la production d’un vaccin contre le Covid-19. “Nous voulions faire quelque chose, être partie d’une solution, explique son cofondateur. Nous avons immédiatement mené un travail très intense en vue de développer des partenariats. Nous avons été mis en contact en un temps très court avec des dizaines de sociétés qui font du développement de vaccins grâce à des technologies nouvelles. Discuter avec elles fut pour nous extrêmement enrichissant.”

Premier partenariat annoncé au printemps: un triumvirat avec la biotech italienne ReiThera et la PME allemande Leukocare, spécialisée dans les technologies de formulation de vaccins et de traitements. “Le vaccin de ReiThera, basé sur un vecteur adénovirus, va être produit avec une technologie basique de culture cellulaire qui n’utilise pas la NevoLine, dévoile José Castillo. Nous avons dû trouver un juste milieu entre vitesse et efficacité. L’accord que nous avons est de produire le plus vite possible, sans changements par rapport à la méthode de manufacture développée par l’entreprise. En parallèle toutefois, nous allons adapter cette méthode de production à la NevoLine, de manière à pouvoir passer à notre technologie quand il faudra produire de plus grandes quantités. ” Ce premier partenariat est déjà sur les rails. Le matériel biologique de ReiThera (cellules et virus) a été transféré dans les laboratoires d’Univercells à Nivelles. Des équipes sont en train de développer la méthode de production à grande échelle, pour pouvoir la transférer ensuite dans la nouvelle usine de production de Jumet. ” Le vaccin de ReiThera est depuis le mois d’août en étude clinique de phase I en Italie, poursuit notre interlocuteur. Si les résultats sont prometteurs, l’objectif est de démarrer dès janvier les phases II et III, qui se dérouleront en parallèle.”

Univercells négocie par ailleurs avec cinq autres partenaires potentiels, pour concrétiser deux accords encore. Le nom de Ziphius Therapeutics avait fuité dans la presse mais si José Castillo confirme être en pourparlers avec la biotech flamande, il ajoute que rien n’est fait à ce stade. En revanche, Univercells a obtenu il y a un mois une aide supplémentaire de 1,2 million d’euros de la part de la Région wallonne, un subside qui doit lui permettre d’amener en étude in vivo sur la souris trois candidats vaccins recombinants contre le Covid-19, développés par les biotechs américaine Dyadic et française Synthelis. “Nous avons signé des contrats avec ces deux partenaires, explique le scientifique. Contrairement à ce que prévoit le partenariat signé avec ReiThera et Leukocare, nous allons nous occuper nous-mêmes des études in vivo chez la souris. Nous sommes en train de produire de toutes petites quantités des protéines en question pour mener les premiers tests. Si nous constatons que ce vaccin déclenche une réponse immunitaire chez la souris, notre objectif est d’entrer dans un accord de partenariat plus large afin de développer et de monter en échelle une méthode de production basée sur leur technologie.”

Des équipes développent la méthode de production à grande échelle, pour pouvoir ensuite la transférer dans la nouvelle usine de Jumet.”

José Castillo, cofondateur

Trois filiales

Le groupe a par ailleurs créé cette année plusieurs filiales. La première, Univercells Technologies, se consacre à la commercialisation de la technologie NevoLine. L’entreprise wallonne a écoulé 55 systèmes en 18 mois. “La crise a fortement accéléré le processus de commercialisation, assure notre interlocuteur. D’autres groupes à travers le monde ont voulu développer une solution, ce qui a eu un impact fondamental pour nous en tant que fournisseur d’équipements pour la fabrication de vaccins. Pas mal de deals en cours de discussion se sont tout à coup concrétisés.”

La biotech carolo a créé une autre filiale encore: Exothera, service provider (CDMO) dans le domaine du développement de procédés, centré sur la fabrication de vecteurs viraux pour les thérapies géniques. “Beaucoup d’utilisateurs de la technologie NevoLine voulaient savoir si nous pouvions leur offrir des services tels que la production de lots destinés aux études cliniques, détaille le chief technical officer. C’est ce que nous faisons avec Exothera.”

Enfin, la filiale Univercells Vaccines se positionne comme fournisseur de grandes quantités de vaccins contre la polio, la rougeole, la rubéole, la rage, etc., centré sur les Etats faisant partie de l’Alliance du vaccin (Gavi), laquelle a pour but d’accélérer l’accès des pays pauvres à ces traitements à des prix abordables.

Une prochaine entrée en Bourse?

Pour monter ces différentes filiales, Univercells a d’ores et déjà levé, dans le cadre d’une série C, 100 millions d’euros cette année, un record dans le secteur wallon des biotechs. Cinquante millions ont été apportés en février par le fonds d‘investissement américain KKR pour la création d’Univercells Technology, 50 ont été injectés tout récemment par plusieurs investisseurs belges et étrangers qui viennent de faire leur entrée dans le capital de la biotech, comme le fonds d’impact américain Adjuvant Global Health Technology Fund (15 millions). Début octobre, nos confrères de L’Echo nous apprenaient qu’Univercells entendait compléter ces deux levées par une troisième (23 millions) apportée par deux fonds américains pré-IPO. La biotech viserait en effet une cotation sur le Nasdaq et peut-être, en parallèle, sur Euronext. “Une entrée en Bourse n’est pas un objectif en soi, affirme José Castillo. Elle doit être soutenue par un objectif stratégique de croissance. Mais il s’agit effectivement d’un des moyens que nous envisageons pour financer notre croissance future.”

José Castillo
José Castillo© PG

Avec l’argent récolté jusqu’à présent, auquel s’ajoute un prêt de la Banque européenne d’investissement, Univercells a de quoi voir venir pour mettre sur pied son site de production de Jumet et assurer la croissance d’Exothera et d’Univercells Vaccines. D’autres étapes devraient par ailleurs être franchies dans les mois qui viennent. La création d’une nouvelle filiale, peut-être? José Castillo n’en dira rien, même s’il sous-entend que c’est sans doute dans cette direction que l’entreprise s’oriente. “Exothera compte près de 50 collaborateurs. Univercells Technologies, 80. Et nous sommes une petite trentaine dans la branche Vaccins, dont j’ai pris la direction, détaille-t-il. Si nous ajoutons à cela les fonctions de support au niveau du holding, nous sommes près de 200 au total. D’ici à la fin de l’année, nous allons finaliser notre vision stratégique et décider dans quelles technologies du futur nous comptons investir. Les technologies ARN, de vecteurs viraux ou encore de biologie synthétique sont en plein boom. Au cours des six derniers mois, nous avons été mis en contact avec ces technologies tout à fait différentes, pour lesquelles nous ambitionnons de développer de nouvelles plateformes de manufacture.”

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