Corruption: le russe MTS paie à son tour le prix fort aux États-Unis

© REUTERS

Le groupe russe MTS est devenu jeudi le dernier géant des télécoms en date à payer des centaines de millions de dollars aux Etats-Unis pour avoir versé des pots-de-vin massifs en Ouzbékistan, à l’époque de l’autoritaire président Islam Karimov.

Le numéro un russe de la téléphonie mobile, coté à New York, a annoncé avoir conclu un accord à l’amiable avec les autorités américaines pour éviter un procès.

Il leur règlera au total 850 millions de dollars (752 millions d’euros au taux actuel), une somme considérable qui s’ajoute à celles du même ordre payées par d’autres sociétés avant lui pour des faits similaires.

Elle donne une idée de l’ampleur de la corruption régnant selon la justice américaine et des organisations de défense des droits de l’Homme dans cette ex-république soviétique très pauvre mais où des membres de la famille du défunt président Karimov, notamment sa fille aînée Goulnara, ont parfois défrayé la chronique avec leur train de vie luxueux.

L’accord signé avec le département américain de la Justice (DoJ) et le gendarme boursier américain (SEC) “marque la fin de l’enquête sur l’acquisition et les opérations de l’ancienne filiale du groupe en Ouzbékistan entre 2004 et mi-2012”, a indiqué dans un communiqué MTS.

Le groupe russe précise y “affirmer son engagement à s’assurer que ses principes, modes opératoires et procédures respectent scrupuleusement la législation anticorruption”.

Avant MTS, le suédois Telia avait été condamné en 2017 à payer une amende de 965 millions de dollars aux Etats-Unis, l’une des plus élevées jamais imposées. L’année précédente, c’est l’opérateur russe Vimpelcom (rebaptisé depuis Veon) qui avait écopé d’une amende de 835 millions de dollars.

A chaque fois, ces sociétés étaient poursuivies pour corruption à l’époque du président Karimov, dont la mort en 2016 a été suivie par une ouverture du régime.

Selon la SEC, “MTS a payé des pots-de-vin à un responsable ouzbek lié à l’ex-président de l’Ouzbékistan et exerçait une influence sur l’autorité ouzbek de régulation des télécoms”.

La fille de Karimov dans le viseur

Dans son communiqué, le gendarme de Wall Street estime que MTS a payé “au moins 420 millions de dollars de paiements illicites pour obtenir et maintenir ses activités”, ce qui lui a permis d’opérer pendant huit ans dans ce pays d’Asie centrale avant d’être “exproprié” par le gouvernement.

En 2012, la justice ouzbek avait accusé la filiale locale du groupe de fraude fiscale et lui avait imposé une amende de plusieurs centaines de millions de dollars la poussant à la faillite.

Si la SEC ne nomme pas le “responsable” ayant reçu les pots-de-vin, la presse américaine avait cité lors des affaires précédentes le nom de Goulnara Karimova, fille aînée du défunt président un temps pressentie pour prendre la succession de son père avant de tomber en disgrâce après l’avoir comparé à Staline.

Selon le consortium de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), Goulnara Karimova aurait personnellement reçu plus d’un milliard de dollars de la part de sociétés télécoms, dont 350 millions de dollars de MTS en échange de licences.

Mme Karimova, 46 ans, a été condamnée en 2016 dans son pays pour fraude à une peine de cinq ans de résidence surveillée mais elle a été emprisonnée cette semaine pour avoir enfreint son régime de liberté surveillée.

La justice ouzbek l’accuse de faire partie d’un groupe criminel contrôlant des actifs représentant plus d’un milliard d’euros dans 12 pays, dont des propriétés à Londres, Dubaï, un château près de Paris ou encore une villa à Saint-Tropez.

Ancienne ambassadrice de son pays à l’ONU, elle est aussi connue pour avoir organisé des défilés de mode, lancé une ligne de bijouterie ou interprété des chansons pop.

Malgré l’ampleur de la somme payée aux Etats-Unis, MTS a assuré que l’accord avec les autorités américaines était “dans ses meilleurs intérêts”. “La résolution et le règlement (de l’affaire) permettent à MTS de mettre en oeuvre complètement sa stratégie d’être une compagnie télécom numérique de premier ordre”, a assuré son directeur général Alexeï Kornia dans un communiqué, assurant que la situation financière du groupe restait “solide” et lui permettait d’investir.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content