Coronavirus: une perte de 2,4 milliards par semaine pour l’économie belge

Edward Roosens, chief economist de la FEB, et Pieter Timmermans, Administrateur. © isopix

L’économie belge peut résister à cela pendant quelques semaines, estime la FEB. Mais si ça dure un trimestre ou plus, on bascule dans un autre scénario…

Si les mesures de confinement devaient être prolongées jusqu’à la fin avril, ce qui paraît très plausible, l’économie belge encaisserait une perte de 14,5 milliards d’euros, a calculé la Fédération des entreprises de Belgique (FEB). Son analyse se base à la fois sur les premiers chiffres du recours au chômage temporaire et sur les informations émanant des fédérations sectorielles.

“Chaque semaine qui passe fait perdre 2,4 milliards, soit 0,55% du PIB, explique Edward Roosens, chief economist de la FEB. C’est lourd mais, a priori, cela reste gérable, surtout avec toutes les mesures déjà prises par le gouvernement.”

En revanche, si la situation devait perdurer jusque l’été, le choc serait beaucoup plus douloureux et sans doute fatal pour de nombreuses entreprises. “De grâce, écoutez les scientifiques et respectez les règles sanitaires, ajoute-t-il. Nous pouvons limiter les dégâts et éviter que cette situation ne dure trop longtemps.”

C’est d’autant plus crucial que les moyens budgétaires publics ne sont pas extensibles à l’infini. Le ralentissement économique conjugué aux mesures d’aides déjà décidées devraient faire plonger le déficit de l’Etat vers les 5 à 6% du PIB, estime la FEB. “Pouvons-nous raisonnablement encore aller au-delà ? interroge Edward Roosens. Je ne suis pas convaincu que l’Etat ou les Régions puissent encore débloquer des moyens supplémentaires pour un grand plan de relance.” Tout dépendra de la durée nécessaire pour combattre le virus : si le confinement ne dépasse pas les six semaines, nous aurons subi une crise “rude mais temporaire” et les activités économiques devraient alors se rétablir plus vite qu’au lendemain de la crise financière. “En revanche, si après douze semaines, le virus ne devait toujours pas être sous contrôle, alors, nous aurions sans doute besoin d’un plan de relance pour rétablir l’activité”, dit-il. En sachant que, bien entendu, plus la crise dure, plus les finances publiques seront fragilisées…

La FEB estime que si le confinement devait être prolongé au-delà de six semaines, les pertes économiques seraient un peu inférieures aux actuels 2,4 milliards par semaine. Pourquoi ? Parce que, espère Edward Roosens, les entreprises seraient plus nombreuses à maintenir, au moins partiellement, de l’activité. Il table pour cela sur la disponibilité accrue de masques et de vêtements spécifiques ainsi que sur une meilleure compréhension des règles de distanciation sociale par les travailleurs, les employeurs et les services chargés de contrôler tout cela. Du côté syndical, on se montre beaucoup plus prudents et l’on brandit une étude italienne selon laquelle l’absence de confinement généralisé aurait largement contribué à la propagation de l’épidémie en Italie.

Plus d’un milliard de pertes dans la construction

La perte est évidemment totale pour le secteur de l’horeca et de l’événementiel, obligés de cesser toute activité. Les hôtels peuvent certes rester ouverts mais leur taux d’occupation serait inférieur à 10%.

L’aviation subit l’annulation de la plupart des vols voyageurs. Elle maintient toutefois une petite activité de cargo, grâce à laquelle elle sauverait un petit 20% de sa valeur ajoutée habituelle.

Le secteur de l’alimentation connaît une évolution contrastée. Certes, les ménages achètent sans doute un peu plus de produits alimentaires car plus personne ne va au restaurant ou au café. Mais ces établissements ne doivent plus être livrés, de même que les restaurants d’entreprise. Au total, la baisse de valeur ajoutée serait de 40%. Elle est plus marquée dans le secteur des boissons (la bière belge ne s’exporte plus !) où le taux de chômage économique atteint les 60%, que dans celui de la nourriture où il n’est “que” de 15%.

Le textile, bois et ameublement connaît un très gros recul, à la fois parce que la demande s’effondre et parce que les entreprises peinent à convaincre leur personnel de venir travailler. “Nous pensons qu’ici, une partie des ventes pourra être récupérée dans la seconde moitié de l’année, dit Edward Roosens. Si vous comptiez acheter de nouveaux meubles, vous le ferez cet automne plutôt qu’au printemps.” Un tiers des pertes pourraient ainsi être compensées, mais cela signifierait quand même un recul net de 60% de la valeur ajoutée habituelle.

Le secteur de la production automobile est à l’arrêt, si ce n’est quelques exceptions pour des pièces détachées et les vélos (repris dans la même classification économique). La perte de valeur ajoutée atteindrait les 75%.

Dans le métal, l’électronique et les non-ferreux, la situation est également contrastée. L’ICT ne s’en sort pas trop mal (pertes limitées à 10-15%) mais d’autres comme les machines s’effondrent, en l’absence de demandes. En moyenne, la perte serait de 45%.

La vente au détail de produits non-alimentaires chute en raison de la fermeture des magasins. La chute est cependant atténuée par le recours à l’e-commerce (15% des ventes ont glissé vers ce canal). Une partie des ventes devrait, en outre, être reportée sur le second semestre. La perte atteindrait quand même les 85% de la valeur ajoutée habituelle.

Les commerces alimentaires sont, eux, les seuls à afficher un impact positif, de l’ordre de 10%. Cela s’explique bien entendu par un report de dépenses qui vont d’ordinaire vers l’Horeca.

Le commerce des voitures est à l’arrêt, sauf pour les réparations les plus importantes ou urgentes. 60% des travailleurs sont en chômage technique et on s’attend à une perte de 75% de la valeur ajoutée.

Le secteur du commerce de gros est un beau cas d’école. Il n’est sans doute pas “essentiel” au sens strict mais il est nécessaire pour permettre à d’autres de s’approvisionner et donc de fonctionner. “Si les entreprises de construction ne peuvent plus se fournir en matériel de plomberie ou de peinture, elles devront très vite cesser leurs activités”, illustre Edward Roosens. Cela implique de trouver des formules qui permettent de concilier l’ouverture des commerces de gros avec le respect des règles de distanciation sociale, ce qui n’est pas toujours chose simple. La FEB estime que ce secteur perd 30% de son activité habituelle.

La construction est le secteur le plus polémique. Les carnets de commandes étaient bien remplis et, officiellement, les chantiers sont autorisés, pour autant que les équipes parviennent à respecter les règles de distanciation. “Les travailleurs, et c’est compréhensible, ont peur de contracter la maladie et ils hésitent à venir sur les chantiers”, constate le chief economist de la FEB. Je pense pourtant que, dans de nombreux cas, il est possible de concilier le travail et la distanciation sociale. Malheureusement, les bourgmestres et les services de police ne sont pas toujours de cet avis et ordonnent un peu trop souvent des fermetures de chantier.” La moitié des entreprises de construction sont à l’arrêt et 52% des travailleurs sont en chômage temporaire.

A ce détail sectoriel, la FEB ajoute les pertes dans les secteurs “essentiels”. Ils ont autorisés et même encouragés à poursuivre leurs activités mais celles-ci subissent néanmoins le contrecoup du ralentissement général (-10% de l’activité). Enfin, il y a toute une panoplie de plus petits secteurs, notamment dans les services ou l’industrie cinématographique, qui subissent un ralentissement global de l’ordre de 30% selon la FEB.

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