Comment Snikpic veut disrupter le marché de l’influence

Anouar El-Mourabit (CTO), Assem Chammah (CEO) et Maxime Bétas (CFO). © PG
Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Courcircuitant les agences de presse digitales et autre agents d’influenceurs, la jeune pousse bruxelloise lance une appli qui propose aux petites structures d’entrer directement en contact avec des influenceurs locaux pour assurer leur promotion. Un service qui séduit également de grandes marques.

C’est dans un ancien garage aménagé d’Etterbeek, en Région bruxelloise, que la fine (et petite) équipe de Snikpic a établi son QG. Derrière leurs Mac, Assem Chammah, Maxime Bétas et Anouar El-Mourabit s’apprêtent ni plus ni moins à disrupter le marché du marketing d’influence. Leur application – sorte de Tinder des influenceurs, du nom de cette célèbre appli de dating – sera disponible sur l’AppStore dès la fin du mois. Le principe ? Mettre directement en relation des micro-influenceurs et des petites marques en court-circuitant les agences de presse digitales et autres agents d’influenceurs qui, on l’imagine, fulminent. ” Je reçois de plus en plus d’appels de la part de responsables d’agences qui me disent que ce que nous faisons est illégal, explique le CEO de la jeune pousse, Assem Chammah. C’est au contraire tout à fait légal. Nous ne faisons que supprimer des intermédiaires qui facturent 1.000 euros minimum aux marques ou s’accaparent 30 à 40% du revenu des influenceurs. ”

L’aventure Snikpic commence l’année dernière. Nos trois comparses travaillent depuis quelques années chez McKinsey en tant que consultants en stratégie pour de très grosses boîtes quand monte l’envie de lancer leur propre business. ” Nous voulions aider les plus petites entreprises, explique Assem Chammah, 29 ans, le plus âgé du groupe. Nous avons commencé à faire du porte-à-porte dans les petits restaurants et les petits commerces de quartier, et nous leur avons demandé quel était leur plus gros problème. Ce qui leur demandait le plus d’énergie et d’argent. Tous nous ont répondu la publicité. Ils voudraient faire de la publicité sur Facebook, mais cela prend du temps et les tarifs des agences de presse digitales sont élevés. En outre, ils ne savent pas toujours quelles agences contacter, ni comment les contacter. ”

Pairi Daiza, Brussels Airlines, Aldi, etc.

L’équipe a alors pour idée de mettre en contact ces petites entreprises avec ceux que l’on appelle, dans le jargon, des micro-influenceurs. Comprenez des instagrameurs locaux qui possèdent déjà ne fût-ce qu’un millier de followers. Elle poste sur Instagram la vidéo d’un petit commerçant expliquant son business et lançant un appel. ” Nous avons reçu énormément de réponses d’influenceurs intéressés “, explique Assem Chammah. Les trois acolytes créent dans la foulée une première version de leur application, et invitent une cinquantaine d’influenceurs et de marques à venir la tester. En vrais cobayes, ces derniers seront filmés en train d’utiliser et commenter l’appli. ” Nous nous placions derrière eux avec un carnet de notes pour pointer leurs hésitations, leur manière de naviguer dans l’application, etc. ” Ce premier test permettra à nos trois jeunes entrepreneurs d’améliorer leur produit pour qu’il corresponde au mieux aux besoins des deux parties. ” Tout naturellement, les marques nous ont, par exemple, dit qu’elles aimeraient bien pouvoir filtrer les influenceurs en fonction de la localisation de leur audience, précise le CEO. Nous avons donc ajouté cette fonctionnalité. ”

A ce jour, la plateforme regroupe près de 1.000 micro-influenceurs et une centaine de marques. Essentiellement des petites entreprises, donc, bien qu’une dizaine de grands groupes se soient déjà laissé tenter. On peut notamment citer Pairi Daiza, BetFirst, Pizza Hut, Paul, Too Good To Go, Aldi, Brussels Airlines, Deliveroo, etc. ” On remarque que beaucoup de grandes marques sont en train de basculer du macro- au micro-influenceur, ajoute Assem Chammah. Il y a plusieurs raisons à cela : non seulement c’est moins cher, mais l’audience des micro-influenceurs est souvent bien plus engagée. Enfin, entre 20 et 50% de leur audience se trouve dans leur périmètre. Les micro-influenceurs sont donc très efficaces, mais leur identification est compliquée. ”

Comment Snikpic veut disrupter le marché de l'influence
© photos : PG

Score d’authenticité

A l’aide d’un capital de départ d’environ 200.000 euros constitué de leurs économies respectives, Assem, Maxime et Anouar ont donc créé un outil permettant aux marques d’identifier des influenceurs clés en fonction de leurs centres d’intérêt, de prendre contact avec eux et ensuite d’évaluer l’impact de la collaboration. Concrètement, les marques peuvent voir le nombre de followers des différents influenceurs inscrits, leur taux d’engagement (la part de l’audience likant et commentant leur contenu) et le type de photos qu’ils postent sur leur compte Instagram. Un score d’authenticité est également attribué à chaque influenceur. ” Nous avons créé un algorithme intelligent qui analyse les followers de l’influenceur, les commentaires que ceux-ci postent, etc., afin d’établir un score sur 100 “, explique le jeune patron. Les influenceurs, eux, ont accès au descriptif des marques, à ce qu’elles demandent (par exemple quatre posts sur un mois) et à ce qu’elles sont prêtes à offrir (un repas gratuit, de l’argent, etc.). ” On remarque que la plupart des micro-influenceurs ne demandent pas d’argent, assure Assem Chammah. Maintenant, ils peuvent tout à fait indiquer leurs tarifs sur leur profil. ”

L’application leur permet de montrer de l’intérêt à des marques, tout comme ces dernières peuvent montrer de l’intérêt aux influenceurs qui les intéressent. Si l’intérêt est réciproque, les deux parties peuvent commencer à converser dans un chat privé. Les marques peuvent ensuite suivre la performance des publications des influenceurs avec lesquels elle ont décidé de collaborer (likes, commentaires, impressions, personnes touchées, etc.). ” Notre outil ne fonctionne pas sur le mode de la campagne publicitaire, précise le CEO. Quand un influenceur veut promouvoir une marque, il veut promouvoir la marque et pas une campagne bien précise. Les marques, quant à elles, sont intéressées par une relation à long terme et authentique avec les influenceurs. ” Pour les plus grosses marques, Snikpic propose tout de même un outil de gestion de campagnes, mais celui-ci n’est pas spécialement mis en avant.

Une rémunération à l’abonnement

Comment la start-up compte-t-elle se rémunérer ? Le business model de la jeune pousse se fonde sur l’abonnement. Les influenceurs ne paient rien, ce sont les marques qui peuvent s’abonner. Les petites entreprises paient un forfait de 127 euros/mois avec engagement d’un an, et de 197 euros/mois sans engagement ; tandis que les grands groupes doivent débourser 500 euros par mois avec engagement, et 600 euros sans engagement. Pour ces tarifs, les petites marques peuvent accepter 10 nouvelles propositions par mois et montrer de l’intérêt à un nombre illimité d’influenceurs. Idem pour les grandes marques, qui peuvent en outre accepter autant de propositions qu’elles veulent. Elles ont par ailleurs accès à davantage de détails sur les influenceurs (caractéristiques de leur audience, etc.) et peuvent utiliser l’outil de gestion de campagnes. ” Nous avons opté pour ce business model car il nous assure des revenus mensuels récurrents, conclut Assem Chammah. Il nous permet de démocratiser l’accès des petites marques à la publicité, et celui des influenceurs au contenu. “

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