Comment l’Ultimate Fighting est devenu un business à plusieurs milliards en seulement 15 ans

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Marque autrefois peu connue et à l’image négative, le championnat UFC est devenu en quinze ans une entreprise de premier plan dans le monde des arts martiaux mixtes (MMA) grâce à deux frères de Las Vegas, au point de concurrencer désormais des sports plus établis.

Ce 14 avril 2016 restera sans doute comme l’une des dates clés de l’existence de l’Ultimate Fighting Championship (UFC). Ce jour-là, l’Etat de New York est devenu le dernier aux Etats-Unis à légaliser les combats professionnels de MMA.

Quadragénaire râblé à la mise toujours impeccable, Lorenzo Fertitta, directeur général et copropriétaire de la compétition, sait qu’il s’agit peut-être de la dernière pièce majeure de son puzzle.

“Jusqu’ici, la première chose que disaient les gens qui étaient opposés à ce sport, c’était +vous n’êtes même pas autorisés à New York+. Cet argument ne tient plus”, explique-t-il à l’AFP.

Venus de l’univers des casinos, Lorenzo Fertitta et son frère Frank ont racheté en 2001 pour une bouchée de pain (2 millions de dollars) ce qui était alors une entreprise organisant une compétition obscure, surtout connue pour la violence de ses combats.

A la même époque, le MMA a vu émerger des règles unifiées qui ont expurgé les gestes dangereux et posé les bases d’une nouvelle image, plus respectable.

Mais il a fallu encore attendre quatre ans avant que l’émission de télé-réalité “The Ultimate Fighter”, sur la chaîne câblée Spike TV, ne change la donne. En faisant s’affronter des candidats à l’UFC, ce programme a amené des novices à regarder du MMA, souligne Joe Favorito, consultant en marketing sportif.

“Ils ont ensuite migré vers le pay-per-view (paiement à la séance), tout comme dans le cas du WWE”, le championnat de catch, explique-t-il.

Sur le petit écran, un “Fight Pass” accessible dans 200 pays et territoires permet ainsi de regarder les combats en ligne.

Selon le président de l’UFC, Dana White, la réunion “UFC 196” organisée début mars à Las Vegas avec la superstar irlandaise Conor McGregor a battu le record de recettes de l’organisation et attiré 1,5 million de téléspectateurs payants.

Fin décembre, Lorenzo Fertitta a assuré que le groupe atteindrait 600 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2015.

Le site d’information sportive ESPN a fait état, la semaine dernière, de pourparlers engagés entre Zuffa LLC, la société des frères Fertitta, et des acquéreurs potentiels pour l’UFC, valorisée entre 3,5 et 4 milliards de dollars. Ce que Dana White a toutefois démenti, assurant que le championnat n’était pas à vendre.

70.000 personnes pour un combat

L’UFC maîtrise parfaitement son produit. Le nombre de combattants sous contrat avec elle, soit 500 et quelques, a doublé en cinq ans, et il s’agit de prestataires indépendants, un avantage incontestable quand toutes les grandes ligues américaines doivent traiter avec des syndicats de joueurs souvent puissants.

En l’état, l’UFC, principal promoteur des arts martiaux mixtes, ne semble pas craindre grand chose de ses concurrents Bellator MMA, Cage Warriors ou M-1.

La nouvelle image dont bénéficie l’UFC lui a apporté des sponsors nationaux et un accord en 2014 avec l’équipementier Reebok, une ligne textile à la clef.

Et la notoriété de certaines vedettes du championnat, l’Américaine Ronda Rousey en tête, dépasse désormais largement les frontières de l'”Octagon” (octogone), le ring où s’affrontent les combattants. Les belles affiches de l’UFC attirent même le gratin du show-business, dont Leonardo DiCaprio ou Bruno Mars.

Au-delà des combats, les particuliers peuvent fréquenter le réseau de salles d’entraînement UFC Gym. “La marque a fait un bon travail pour montrer que l’idée était de s’entraîner différemment (…) et que vous n’alliez pas vous prendre un poing dans la figure”, dit Rich Van Houten, franchisé et propriétaire d’un UFC Gym à Jersey City.

Télévision, sponsoring, produits dérivés, salles de sport… les Fertitta ne comptent pas s’arrêter là.

Ils ont rendez-vous le 12 novembre au Madison Square Garden pour une première soirée historique qui verra le MMA prendre ses quartiers pour la première fois dans ce qui est considéré comme la plus célèbre salle omnisports du monde. Et Lorenzo Fertitta parle déjà d’une réunion à l’été 2017 au stade de baseball Yankee Stadium à New York “avec 70.000 personnes”, ce qui serait un record.

Chine et Inde dans le viseur

Sur le front télévisé, le contrat de diffusion arrive à échéance en 2018 et l’UFC, contactée par l’AFP, souligne qu’elle est le seul championnat d’importance dont les droits sont accessibles avant 2021, ce qui pourrait aiguiser les appétits. D’autant que le produit est très populaire auprès des 18-34 ans, un public prisé des annonceurs.

L’UFC et le MMA ont peut-être profité à la marge du délitement de la boxe professionnelle mais “ils se sont surtout bâti un public bien à eux”, plus jeune et plus diversifié, commente le consultant Joe Favorito.

Contrairement aux grands championnats américains, l’UFC essaime dans le monde. Une réunion est prévue le 14 mai au Brésil dans un stade de football de plus de 40.000 places. L’UFC travaille aussi “activement” à un premier combat en Chine continentale et cherche des opportunités ailleurs en Asie.

Pour convertir les quelques foyers de résistance, les dirigeants tablent sur la pédagogie.

“La France est vraiment le dernier endroit (en Europe à résister). Nous travaillons avec le ministère des Sports pour éduquer (les Français) à ce qu’est le MMA”, explique Lorenzo Fertitta.

Il veut croire que la légalisation depuis avril des combats à New York va “changer les perceptions” de ceux qui sont encore réticents. “Notre truc, c’est de dire +Jugez-nous seulement une fois que vous aurez eu l’occasion de vivre ce sport+”.

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