Commandes annulées, produits manquants… L’e-commerce alimentaire en surchauffe

Chez Carrefour, les délais de livraison en " drive " peuvent courir jusqu'à une semaine, et même jusqu'à deux pour la livraison à domicile. © BELGAIMAGE
Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Alors que les commandes en ligne explosent en cette période de confinement, nos grandes surfaces n’arrivent plus à suivre. C’est que ces dernières n’ont jamais investi massivement dans un service qui leur fait perdre de l’argent.

“J’ai encore expérimenté le crash de Carrefour dans l’e-commerce en tentant une nouvelle commande à domicile qui a été annulée une heure après qu’elle avait été acceptée. Je crois qu’ils sont dans le jus. ” Ce témoignage d’un client illustre à merveille le genre de situation vécue par les très nombreux consommateurs qui tentent désespérément de commander leurs courses en ligne en ces temps de Covid-19.

Chez Carrefour, les délais de livraison en drive peuvent courir jusqu’à une semaine, et même jusqu’à deux pour la livraison à domicile quand celle-ci n’est pas tout bonnement annulée comme pour notre client. Colruyt, quant à lui, a même dû suspendre temporairement son service. ” La demande accrue, couplée à l’affluence dans les points de vente et à une accélération des flux logistiques, ont fait qu’il n’était plus possible de préparer les commandes dans les magasins et que nos fenêtres de retrait affichaient complet “, explique Nathalie Roisin, porte-parole du détaillant de Hal.

A en croire la responsable, tout devrait pourtant progressivement rentrer dans l’ordre. ” Nous relançons le service graduellement en fonction de la capacité des points d’enlèvement, explique-t-elle. Mais nous laissons aux magasins le droit de définir le nombre de réservations qu’ils peuvent accepter en fonction de leurs situations respectives : affluence, état des rayons, méthode de préparation des commandes, etc. ”

“Dark store” ou pas

Car en fonction de l’enseigne, les commandes en ligne ne sont pas préparées de la même façon. Chez Colruyt, par exemple, les colis que les clients viennent retirer en point de vente (l’enseigne ne prévoit pas la livraison à domicile) sont soit préparés en magasin, soit dans l’un des deux entrepôts du groupe dédiés à l’e-commerce, soit encore de manière hybride. Carrefour, de son côté, prépare toutes ses commandes drive en magasin, et toutes les livraisons à domicile depuis son dark store de Vilvorde. Delhaize, enfin, a centralisé toutes les opérations dans son centre de distribution e-commerce de Puurs. Une manière de travailler qui engendre d’importants coûts de transport, mais qui est a priori plus efficace (automatisation, etc.).

Pourtant, l’enseigne au lion n’est pas épargnée par la surchauffe. Elle a même, contrairement à ses concurrents, décidé de fermer ses points Collect. Seule la livraison à domicile est désormais possible, avec des délais dépassant la semaine. ” Nous sommes obligés de procéder de la sorte car nous avons bien besoin de toutes les mains en rayons, explique Roel Dekelver, porte-parole. Dans notre dark store, le personnel qui préparait les commandes destinées aux points de retrait prête aujourd’hui main-forte aux collaborateurs préparant les courses destinées à être livrées à domicile. ”

“Pas rentable”

Une décision stratégique que comprend Claude Boffa. ” Il vaut mieux poser des choix clairs que tout consommateur censé peut comprendre plutôt que de vouloir tout faire et risquer de mal servir des clients qui ne reviendront plus “, estime ce professeur de retail management à la Solvay Brussels School (ULB). Cette crise montre en tout cas que nos distributeurs ne sont absolument pas prêts à gérer une explosion des commandes en ligne. ” L’e-commerce alimentaire n’est pas rentable à l’heure actuelle, explique notre expert. Chaque enseigne s’est lancée dans l’aventure pour ‘en être’, mais aucune n’a investi massivement car toute commande en ligne supplémentaire leur fait perdre de l’argent. ”

Reste que cette période de confinement pourrait modifier les habitudes de consommation. ” Certains clients vont être fidélisés “, assure Claude Boffa. Nos distributeurs devront s’y préparer. Ce n’est pas pour rien si Colruyt, par exemple, a récemment annoncé la construction à Londerzeel d’un gigantesque centre de distribution de 18.000 m2 entièrement dédié à l’e-commerce. Il remplacera son centre logistique de Zaventem.

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