Pourquoi cinq oligarques russes proches du Kremlin échappent aux sanctions de l’UE ?

Alexeï Miller et Vladimir Poutine.

Tous les milliardaires russes liés à la guerre en Ukraine ne figurent pas sur la liste des sanctions européennes. Selon le site Follow the Money, plusieurs y échappent alors qu’ils devraient y être. La raison est toute simple. Ils n’y sont pas parce que l’Europe en a trop besoin. La preuve par cinq.

La manière dont l’UE détermine qui est puni pour ses liens étroits avec le régime russe est entourée du sceau du secret, dit le site d’investigation Follow The Money. Selon une porte-parole de la Commission interviewée par le site, un oligarque n’est placé sur la liste des sanctions que lorsque les 27 États membres de l’UE ont pris une décision à l’unanimité. Autant dire pas tout de suite. Mais qui sait, peut-être, le neuvième paquet de sanctions qui devrait être annoncé d’ici peu apportera de nouveaux noms ? En voici déjà cinq qui échappent, encore pour l’instant, aux sanctions.

Andrey Akimov, le CEO de Gazprombank

Akimov
Akimov© Getty

C’est un proche du président russe Vladimir Poutine, mais il serait aussi l’un des principaux bailleurs de fonds du gouvernement russe. Il est PDG de Gazprombank, qui est la troisième plus grande banque de Russie. Si les États-Unis et le Royaume-Uni ont placé la banque sur la liste des sanctions, car elle est étroitement liée au secteur énergétique russe, l’Europe n’a elle imposé de sanctions ni à la banque ni à Akimov. Cette clémence doit probablement beaucoup au fait que l’établissement financier joue un rôle déterminant dans le paiement du gaz entre la Russie et l’Union européenne. La banque sert en effet d’intermédiaire entre les clients de l’UE et Gazprom, le géant gazier russe.

Alexeï Miller, le CEO de Gazprom

Alexeï Miller et Vladimir Poutine.
Alexeï Miller et Vladimir Poutine.© Reuters

Il est le directeur général de Gazprom, l’un des fleurons de la Russie. C’est aussi la plus grande entreprise du pays et le plus grand fournisseur d’énergie gouvernemental du monde. L’homme ferait également partie du premier cercle de Poutine. Grâce sa position et double casquette, il est l’un des éléments centraux et même virulent dans la guerre énergétique entre la Russie et l’Europe. Malgré le fait qu’il ait menacé de laisser l’Europe dans le froid, il ne fait toujours l’objet d’aucune sanction. Pour Miller, comme pour Akimov, cette clémence est plus que probablement due à la dépendance énergétique de l’Europe.

Vladimir Potanine, PDG de Nornickel, propriétaire de Rosbank et Interros

Vladimir Potanine
Vladimir Potanine© Getty

Les États-Unis viennent d’imposer des sanctions à Vladimir Potanine, l’un des oligarques les plus riches de Russie. Proche de Vladimir Poutine, il était en 2021 la deuxième personnalité la plus riche de Russie avec une fortune estimée à 27 milliards de dollars, selon le magazine Forbes. C’est surtout la banque Rosbank, achetée par Vladimir Potanine cette année qui est ciblée. Elle est “un établissement de crédit d’importance systémique” pour le gouvernement russe, a souligné le département américain au Trésor dans un communiqué de presse.

Potanine est aussi le principal actionnaire et le directeur général de Norilsk Nickel, ce qui en fait l’une des personnalités les plus influentes sur les marchés mondiaux des matières premières. Le nickel est, en effet, utilisé dans les batteries et profite de l’essor des voitures électriques. Selon une étude de Reuters, les exportations de nickel de la Russie vers l’UE n’ont pas pâti de la guerre et ont fait que croître cette année.

On notera que l’homme a aussi été l’architecte du système de “prêts contre actions” en 1995, grâce auquel un petit groupe de magnats a soutenu la campagne de réélection du président Boris Eltsine l’année suivante. En échange de leur soutien, le Kremlin leur a vendu les joyaux de l’ancienne industrie soviétique à des prix cassés lors de ventes aux enchères truquées. S’il ne fait plus partie du cercle restreint de Poutine, Potanine reste considéré comme un acteur politique important.

Lors des premières séries de sanctions, Washington avait hésité à cibler le secteur des matières premières de peur de déstabiliser les marchés mondiaux et d’exacerber les problèmes d’approvisionnement et l’inflation. C’est peut-être aussi ce qui retient l’Europe.

Alexey Likhachev, CEO de Rosatom

Likhachev
Likhachev© Getty

Le mastodonte de l’atome Rosatom est un réel instrument d’influence pour le pouvoir de Vladimir Poutine. Il est aussi en charge des armes nucléaires du pays et impliqué dans l’occupation de la centrale de Zaporijia en Ukraine. Pourtant de façon surprenante ce secteur a jusqu’ici été épargné par les sanctions, malgré les demandes de Zelensky. La raison est simple et pourtant encore très peu évoquée. Dans l’est de l’Union européenne, certains États comme la Hongrie ou la République tchèque comptent sur l’industrie nucléaire russe pour faire tourner leurs centrales et produire jusqu’à la moitié de l’électricité dont ils ont besoin, dit Le Monde. L’UE compte dix-huit réacteurs de conception russe sur une centaine en activité. Selon le World Nuclear Industry Status Report, sur les cinquante-trois réacteurs en cours de construction à la mi-2022, vingt l’étaient par le groupe Rosatom, et dix-sept étaient hors de Russie. Autant dire que l’influence de Rosatom, impliqué dans la quasi-totalité des pays nucléarisés, n’est pas sur le point de faiblir.

Leonid Mikhelson, président du conseil d’administration de Novatek

Leonid Mikhelson
Leonid Mikhelson© Getty

Novatek, la plus grande société de gaz naturel de Russie, n’est pas une entreprise contrôlée par l’état russe, mais un groupe privé présidé par Leonid Mikhelson. Ce milliardaire, il serait même l’homme le plus riche de Russie et réputé proche du Kremlin, a aussi des parts dans la société pétrochimique Sibur.

Mais son impunité en Europe, et ailleurs, doit surtout beaucoup au gaz naturel liquéfié qu’il vend. Si Bruxelles décide des sanctions, le groupe arrêtera de vendre ce gaz pour “cas de force majeure”. Et il se trouve que la dépendance de l’Europe envers le GNL est telle qu’il y a peu de chance qu’il y ait un boycott. La preuve est que “Malgré les objectifs officiels visant à réduire la demande de gaz de l’UE, les pays européens prévoient de plus que doubler les capacités de terminaux d’importation en GNL en réponse aux perturbations de l’approvisionnement en gaz russe”, souligne l’ONG Global Energy Monitor .

Selon son décompte, 26 nouveaux projets de terminaux portuaires d’importation de GNL ont été annoncés ou relancés sur le continent (y compris Royaume-Uni) depuis la guerre en Ukraine en février, dont 9 rien qu’en Allemagne, qui dépendait à 55% de la Russie avant le conflit. Ces terminaux équipés d’unités de regazéification permettent d’importer du gaz naturel transporté par voie maritime sous forme liquide. Ces nouveaux projets, annoncés ou relancés, auront la capacité d’injecter 195 milliards de mètres cubes de gaz pour un coût minimum de 7 milliards d’euros, toujours selon les données collectées par l’ONG.

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