Cinq mythes balayés sur les flexi-jobs

© Getty Images/iStockphoto

Les flexi-jobs remportent un franc succès. Toutefois, les syndicats continuent de s’y opposer, souvent à coups d’arguments qui ne reflètent pas la réalité. Trends-Tendances décrypte pour vous cinq mythes sur les flexi-jobs

MYTHE 1 : LES FLEXI-JOBS SONT DES EMPLOIS PRÉCAIRES

Au début de l’année, le syndicat chrétien CSC menait une action contre l’extension aux commerçants, bouchers et boulangers du système des flexi-jobs introduit dans l’Horeca, en invoquant qu’il ne souhaitait pas que “cette flexibilité soit imposée unilatéralement par l’employeur”.

Le président du PS, Elio Di Rupo, avait quant à lui déclaré dans son discours de nouvel an que le gouvernement Michel ferait mieux d’avoir un peu d’humilité sur le nombre d’emplois créés car “ce sont en grande majorité des flexi-jobs précaires”. Bref, le terme “flexi” produit le même effet sur les syndicats et la gauche qu’un foulard rouge sur un taureau.

Cependant, Elio Di Rupo confond flexi-jobs et minijobs , des emplois faiblement rémunérés en Allemagne. Parmi les 170.000 emplois créés en Belgique depuis 2014, on ne compte aucun flexi-job.

Par ailleurs, ces flexi-jobs ne peuvent être exercés que par les personnes occupées au moins à 4/5e et, depuis le mois de janvier, par les pensionnés. Le système a été introduit fin 2015 dans l’Horeca afin de permettre aux travailleurs d’arrondir leurs fins de mois. L’objectif était de lutter contre le travail au noir, tout en offrant au secteur la possibilité de recruter du personnel supplémentaire aux moments de grande affluence.

L’Horeca comptait 28.400 flexi-jobbers à la fin de l’an dernier et, depuis l’extension du système à d’autres secteurs début 2018, on en dénombre déjà plus de 30.000 au début de cette année. Les critiques des syndicats exaspèrent Philippe De Backer (Open Vld).

“Les syndicats doivent arrêter de propager des absurdités”, affirme le secrétaire d’État. “Les flexi-jobbers gagnent un salaire d’appoint pour se payer du bon temps, rembourser leur maison plus rapidement ou épargner davantage. Je ne comprends donc pas pourquoi les syndicats veulent les priver de cet avantage. Ces travailleurs constituent des droits sociaux, bénéficient d’un pécule de vacances et ne paient pas d’impôts. Jeunes ou vieux, ils ne tarissent pas d’éloges sur les flexi-jobs. Les arguments des syndicats ne sont pas fondés. Ces derniers sont totalement déconnectés du citoyen lambda.”

“5,6 % des travailleurs hautement qualifiés ont un emploi complémentaire, contre 2,9 % de la main-d’oeuvre peu qualifiée”

MYTHE 2 : LES FLEXI-JOBS SUPPLANTENT DES EMPLOIS FIXES

En janvier, le groupe Carrefour annonçait une restructuration et on murmurait que le système des flexi-jobs était déjà d’application notamment sur le site de Genk menacé de fermeture. Or, il s’est avéré que cette histoire colportée par les syndicats n’était pas vraie. Ces derniers mois, les critiques syndicales à l’égard de l’extension de ce système provenaient essentiellement du secteur de la grande distribution.

Parmi les arguments, on retrouve le nombre élevé de travailleurs occupés à mi-temps, désireux de prester davantage d’heures ou de signer un contrat à temps plein.

Les syndicats indiquent que la moitié des travailleurs dans le secteur du commerce ne travaillent qu’à mi-temps et qu’ils souhaiteraient augmenter leur temps de travail au lieu de voir le marché s’ouvrir aux flexi-jobs. On entend aussi dire qu’une partie des emplois fixes seront convertis en flexi-jobs.

Néanmoins, les chiffres de l’Horeca – aucune information n’est disponible pour l’instant pour les autres secteurs – ne vont pas dans ce sens. En effet, le nombre d’emplois fixes a même augmenté ces dernières années. Au troisième trimestre 2017, le secteur Horeca comptait 136.000 emplois fixes, soit près de 2.000 de plus qu’au troisième trimestre 2015 (134.062 unités).

En deux ans, les emplois fixes ont progressé de 5.640 équivalents temps plein, et le nombre de flexi-jobbers de 2.891 unités en équivalent temps plein (voir le graphique Les flexi-jobs ne remplacent pas les emplois fixes).

Graphique

Les flexi-jobs ne remplacent pas les emplois fixes

Évolution du nombre d’équivalents temps plein dans l’Horeca

Philippe de Backer : “Nous ne disposons pas encore de chiffres au niveau des entreprises, mais il ressort des contacts pris avec les secteurs Horeca et du commerce que bon nombre d’établissements sont à la recherche tant de main-d’oeuvre permanente que d’effectifs pour travailler les soirs et les week-ends. L’un n’exclut donc pas l’autre. Les flexi-jobs et les postes fixes sont en augmentation, notamment grâce au tax shift, aux heures supplémentaires moins chères et à la baisse des charges ONSS pour le personnel Horeca.”

Le seul segment où les flexi-jobs influent sur les autres formes de travail est le travail occasionnel dans l’Horeca, où on a observé une légère baisse de douze équivalents temps plein. Le travail occasionnel constitue une forme de travail flexible dans l’Horeca (un contrat de deux jours consécutifs) ouverte à tout le monde, tant aux travailleurs qu’aux demandeurs d’emploi. Les flexi-jobs ne peuvent être exercés que par des travailleurs et des pensionnés. Ainsi, 1.200 pensionnés ont eu recours au système des flexi-jobs depuis janvier.

Eline David, directrice des ventes et du marketing chez Accent, une société de travail intérimaire, estime également que les flexi-jobs ne concurrencent pas les emplois fixes. Grâce à son application Nowjobs, Accent est active sur le marché du travail flexible et place des flexi-jobbers dans l’Horeca et le commerce de détail : “Les entreprises contactent leurs anciens jobistes pour leur donner un coup de main sous le nouveau statut flexi-job. Certaines préfèrent en effet faire appel à des flexi-jobbers qu’à des étudiants, compte tenu principalement de la maturité et de l’expérience des premiers.”

MYTHE 3 : LES FLEXI-JOBS SONT SOUS-PAYÉS

L’année dernière, les syndicats ont introduit une action en justice parce qu’ils considéraient les flexi-jobs discriminatoires. Il ne s’agirait pas d’un contrat, mais plutôt d’un accord-cadre assorti d’une très faible rémunération. Les syndicats n’ont cependant pas eu gain de cause en appel devant la Cour constitutionnelle.

Outre les aspects juridiques, les chiffres sont éloquents et écartent la thèse d’un travail sous-rémunéré. Un flexi-jobber perçoit un salaire horaire minimum net de 9,88 euros, soit un montant supérieur à la rémunération minimum nette dans le secteur. En outre, le salaire horaire moyen s’élève à 11,8 euros ou près de 20 % de plus que ce minimum.

Les flexi-jobbers prestent en moyenne 4,4 heures par semaine et gagnent donc 223 euros net par mois. “Ils gagnent un salaire en sus de leur activité principale. Il ne s’agit donc pas d’un travail sous-rémunéré”, insiste Ph. De Backer.

“Les flexi-jobbers gagnent un salaire d’appoint pour se payer du bon temps, rembourser leur maison plus rapidement ou épargner davantage. Je ne comprends donc pas pourquoi les syndicats veulent les priver de cet avantage” (Philippe De Backer)

MYTHE 4 : LES FLEXI-JOBBERS BON MARCHÉ NUISENT À LA SÉCURITÉ SOCIALE

Si les flexi-jobbers sont exonérés d’impôts et de cotisations sociales, l’employeur est néanmoins redevable d’une cotisation patronale de 25 % sur le salaire. Les syndicats s’indignent des baisses de coûts salariaux au moyen de réductions des cotisations sociales, parce que cela mettrait en péril le financement de la sécurité sociale.

La parafiscalité peu élevée qui accompagne les flexi-jobs est dès lors souvent considérée comme désavantageuse. C’est pourtant l’inverse qui se produit. La création d’emplois (fixes et flexi-jobs) dans l’Horeca génère des cotisations sociales supplémentaires.

Entre 2015 et 2017, la masse salariale de l’Horeca a augmenté de 241 millions d’euros. En deux ans, les revenus de l’ONSS ont progressé de 20 millions d’euros. L’une des principales raisons est la conversion du travail au noir en flexi-jobs déclarés.

PH. DE BACKER : “Bon nombre d’établissements sont à la recherche tant de main-d’oeuvre permanente que d’effectifs pour travailler les soirs et les week-ends”

MYTHE 5 : LES FLEXI-JOBS NE S’ADRESSENT QU’AUX TRAVAILLEURS PEU QUALIFIÉS

Les flexi-jobs sont-ils principalement destinés aux travailleurs peu qualifiés qui disposent d’un emploi faiblement rémunéré les incitant à travailler plus ? Non.

Selon le SPF Économie, ce sont surtout les meilleurs profils qui cumulent les emplois : 5,6 % des travailleurs hautement qualifiés ont un emploi complémentaire, contre 2,9 % des travailleurs peu qualifiés. Cela dit, ces chiffres couvrent toutes les formes d’emploi complémentaire, pas uniquement les flexi-jobs.

Le secrétaire d’État Ph. De Backer souligne qu’il n’existe actuellement pas de données relatives au niveau de formation des flexi-jobbers.

Il est néanmoins clair que les flexi-jobs ont la cote dans tous les groupes d’âge et que 20 % des flexi-jobbers exercent leur activité principale dans l’Horeca, 14 % dans le commerce, 11 % dans l’industrie, 9 % dans le secteur intérimaire, 8 % dans le secteur non marchand et 5 % dans l’enseignement.

Eline David de la société Accent avance néanmoins des chiffres concernant le niveau de formation : 35 % des flexi-jobbers qui travaillent via Nowjobs possèdent au moins un bachelier professionnel, contre 25 % des travailleurs complémentaires réguliers.

Traduction : virginie·dupont·sprl

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content