Charleroi en avance sur son “business plan”

/ © Belga

En situation de faillite virtuelle il y a trois ans à peine, le Sporting de Charleroi a retrouvé des couleurs, tant sur la pelouse qu’au niveau financier. Histoire d’une renaissance signée Mehdi Bayat qui veut faire du club carolo un acteur régulier des play-offs 1 et, surtout, une structure saine et performante.

Au Royal Charleroi Sporting Club, on a fini par retrouver le sourire. Non seulement l’équipe des Zèbres vient de se qualifier pour les play-offs 1, mais le club de football s’est surtout extirpé de son inquiétante tourmente financière. Selon les comptes officiels déposés à la Banque nationale de Belgique en janvier, l’exercice qui couvre la saison 2013-2014 s’illustre en effet par un chiffre d’affaires de presque 11,5 millions d’euros et un joli bénéfice de 3,8 millions. Une performance quasi inespérée quand on remonte quelque peu dans l’historique de la comptabilité du Sporting de Charleroi…

Flash-back. Nous sommes en septembre 2012 et Abbas Bayat, président et propriétaire du club, consent à vendre le Sporting qu’il a dirigé d’une main de fer pendant 12 années. Mal aimé des supporters carolos, l’homme d’affaires américano-iranien cède l’entreprise footballistique pour un montant resté secret (en coulisse, on parle toutefois d’un bon 5 millions d’euros) à un autre businessman, le Belge Fabien Debecq, patron de la société QNT spécialisée dans les compléments alimentaires pour sportifs et déjà sponsor de l’équipe des Zèbres.

A l’époque, le club est au plus mal. Le Sporting de Charleroi a passé la saison 2011-2012 en Division 2 et clôture cet exercice fiscal avec une perte de 4,8 millions d’euros et des fonds propres négatifs évalués à plus de 3 millions. Certes, les Zèbres ont décroché le titre qui leur ouvre à nouveau les portes de la première division, mais cela s’est fait sous les coups de sifflet des supporters à l’encontre d’un président détesté et d’un club en faillite virtuelle. L’annonce du départ d’Abbas Bayat sonne donc comme une libération, même si certains commentateurs prédisent déjà le pire. Car si Fabien Debecq débarque avec son nouveau costume de président, il remet les clés du Sporting à son ami déjà bien connu des Carolos : Mehdi Bayat, neveu de l’ancien patron de Charleroi, et qui cumulait jusque-là toute une série de fonctions au sein du club, dont celles de secrétaire général, directeur sportif et directeur commercial. Bref, l’heure est encore à la méfiance.

Assainir les finances

Nommé administrateur délégué du Sporting de Charleroi, Mehdi Bayat sait que son nom est lourd à porter, mais il ne se laisse pas impressionner pour autant. Le jeune trentenaire met en place un véritable plan de bataille destiné à renforcer l’équipe de gestion, à améliorer l’image du club et, surtout, à assainir les finances d’une entreprise qui compte une cinquantaine d’employés. Le bilan de la première année fiscale placée sous le signe de Mehdi Bayat et correspondant à la saison sportive 2012-2013 montre déjà une amélioration de la situation : de 4,8 millions de pertes au moment de la reprise, le déficit du Sporting n’est plus “que” de 700.000 euros après 12 mois d’efforts. En revanche, les fonds propres se sont encore creusés, affichant désormais 3,75 millions d’euros dans le rouge. Résigné, l’administrateur délégué n’a plus d’autre choix que de vendre des joueurs pour équilibrer le budget. Au début de l’année dernière, trois Zèbres de talent (Kaya, Pollet et Milicevic) sont ainsi sacrifiés sur l’autel du mercato d’hiver, déclenchant à nouveau la colère des supporters. Mais Mehdi Bayat ne se laisse pas démonter : les 3 millions que lui rapporte la vente de ces joueurs sont indispensables pour l’avenir du club et l’administrateur délégué choisit alors d’expliquer ses choix, en personne, aux différents clubs de supporters.

Dans un document de quatre pages intitulé “Notre vision, notre projet”, le nouveau patron de Charleroi expose la situation financière du Sporting et détaille noir sur blanc ses objectifs à court et à moyen terme concernant l’équipe, le stade, le budget et l’encadrement des jeunes avec le même leitmotiv : “susciter la fierté d’un club sain, structuré et performant”. Un peu plus de deux ans après sa prise de pouvoir, Mehdi Bayat a visiblement réussi son premier pari financier : grâce à la vente de joueurs et à une gestion plus stricte du club, les fonds propres sont repassés dans le vert et le club affiche aujourd’hui près de 4 millions d’euros de bénéfice pour l’exercice 2013-2014.

“Ce n’est pas un miracle mais le résultat d’un vrai travail d’équipe, analyse l’administrateur délégué. Aujourd’hui le Sporting de Charleroi est une structure saine, tant d’un point de vue financier que psychologique. Un club de football reste une entreprise, mais une entreprise où il faut trouver le bon équilibre entre l’aspect rationnel de la gestion et l’aspect émotionnel du foot. L’homme d’affaires qui reprend un club et qui omet cette dimension émotionnelle n’a rien compris.” Un tacle à peine voilé contre son oncle Abbas qui avait déclaré jadis être “avant tout un chef d’entreprise à but lucratif” ? “J’ai énormément appris des erreurs de mon oncle, poursuit Mehdi Bayat. Mon objectif n’est pas de faire de l’argent, mais de faire grandir le club en assurant sa pérennité financière et en redonnant de la fierté aux supporters. Pour cela, il faut leur donner du spectacle et des résultats.”

Doper le business

L’objectif de l’administrateur délégué du Sporting est ambitieux : faire de Charleroi “un acteur régulier des play-offs 1”. Autrement dit : viser le top 6 du championnat où s’affrontent les plus grands clubs belges. Et cela semble plutôt bien parti car, sur le plan sportif, les Zèbres ont relevé le défi un an plus tôt que prévu !

Boosté par ces belles performances, le stade retrouve peu à peu sa joie de vivre, tant dans les tribunes des supporters que dans l’espace dédié aux business seats. “Il y a deux ans et demi, juste avant la reprise du club, le match Charleroi-Bruges n’avait généré que 18 couverts dans l’espace business, confie Walter Chardon, le directeur commercial du Sporting. Aujourd’hui, nous servons en moyenne 300 repas par match avec parfois des records pour des grandes affiches comme Anderlecht-Standard où nous avons enregistré 750 couverts en business seats et pour lequel nous avons déployé un chapiteau sur le parking pour accueillir 250 couverts supplémentaires.”

Le Stade du Pays de Charleroi serait-il devenu un nouvel endroit prisé par le monde des affaires ? “C’est notre souhait le plus cher, poursuit Walter Chardon. Nous voulons satisfaire nos 250 partenaires et c’est un travail que l’on mène sur le long terme, aussi bien pour nos gros sponsors (Carrefour, Proximus, Gaume, QNT, etc.) que pour les PME qui nous soutiennent. Notre objectif est de créer une vraie communauté où l’aspect convivial prime et où l’on peut mettre en relation les hommes d’affaires de la région de Charleroi et même d’autres régions. C’est comme ça que le bouche-à-oreille fonctionne et c’est cela qui permet aussi de construire une image positive du club.”

Repenser le stade

Pour mener à bien cet objectif et attirer de plus en plus de monde aux matchs des Zèbres, les dirigeants du Sporting de Charleroi veulent se donner les moyens de leurs ambitions et s’offrir enfin un stade digne de ce nom. Parmi les priorités, la rénovation du Mambourg figure en bonne place au programme carolo avec un projet architectural dont le budget est évalué à 12 millions d’euros et qui sera financé par le club à hauteur de 5 millions et par la Ville de Charleroi pour le solde puisque celle-ci est propriétaire des lieux. “L’idée est non seulement d’améliorer le confort des supporters et de fermer les angles du stade pour en faire un vrai ‘chaudron’, détaille Mehdi Bayat, mais aussi de développer des infrastructures qui permettraient au stade de devenir autonome et de générer des revenus.” Sur les plans de ce “nouveau” Mambourg qui devrait voir le jour à l’horizon 2020 figurent ainsi des espaces horeca ouverts toute l’année et surtout un Sport Village de 2.500 m² où les Carolos pourraient passer du temps en famille entre les salles de fitness et d’autres espaces de loisirs.

En filigrane, l’ambition est également d’augmenter le nombre de spectateurs et d’abonnés annuels aux matchs du Sporting et donc, dans la foulée, de doper le merchandising du club. D’une capacité actuelle de 16.000 places, le Stade du Pays de Charleroi attire en moyenne 7.000 supporters à chaque rencontre dont la moitié possède un abonnement. Avec une infrastructure rénovée et plus accueillante, les dirigeants du club espèrent ainsi accroître ces statistiques, pour autant que les résultats sportifs soient à la hauteur des espérances. Pour ce faire, Mehdi Bayat mise beaucoup sur la formation des jeunes, puisque le Sporting ne dispose pas des moyens financiers des grands clubs pour s’offrir des joueurs renommés. Dans cette logique, l’un des points essentiels de son plan de bataille consiste précisément à développer le projet “Zebra Talents”, du nom de ce centre de formation basé à Marcinelle et où évoluent déjà 250 jeunes encadrés par une vingtaine de personnes. Le but est clairement ciblé : former à Charleroi l’élite du football de demain afin d’améliorer le recrutement en interne pour l’équipe des Zèbres, mais aussi d’augmenter les revenus du club grâce à de probables retours sur investissement lors de la saison des transferts. Un moment clé où s’illustre une fois de plus le nom de Bayat puisque Mogi, le frère de Mehdi, est tout simplement l’un des agents de joueurs les plus influents de Belgique…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content