Matthieu Courtecuisse
Chacun doit se saisir du Metaverse
Le Metaverse, un monde complet de réalité virtuelle (VR), est la nouvelle frontière de l’Internet. Popularisée par Mark Zuckerberg, il est désormais officiellement au centre de la stratégie de son groupe. Ce qui jusqu’à présent s’apparait un exutoire pour gamers, plus ou moins jeunes, va prendre une place centrale dans notre vie.
Le Metaverse, c’est bien plus que le gaming ; il intègre l’art et la culture, l’éducation, la consommation, la finance, ou encore le télétravail de demain, le tout en proposant à chacun de développer son ou ses avatars, qu’il s’agisse d’individus ou de marques.
Les plus âgés d’entre nous se souviennent de l’échec de MySpace. Si la possibilité d’un échec du Metaverse est encore réelle, la maturité de l’écosystème n’est plus comparable, tant du point de vue de son coût, des technologies et de l’éducation aux usages. Notamment, la multiplication à venir des objets connectés VR, à commencer par les casques et les lunettes mais pas que, et une politique de bas prix sont des facteurs puissants d’adoption grâce une qualité de l’expérience équivalente – et bientôt supérieure -. Les passerelles entre le réel et le virtuel sont déjà là, avec les crypto-monnaies, qui vont permettre de consommer, ou les outils de vidéoconférences en VR, qui vont permettre de retrouver de l’efficacité en matière de créativité à distance.
La vitesse de son déploiement est encore difficile à prédire car il y a une lutte centrale de positionnement avec les outils de la réalité augmentée ou de l’holographie. Malgré tout, la prime au premier entrant est très forte. Et ce n’est pas l’apanage des entreprises de tech. Toutes les entreprises peuvent être à la fois investir, promouvoir, vendre, ou travailler. Certains métiers seront aussi affectés par la montée en puissance du monde virtuel, il faut réinventer son portefeuille d’offres et adapter ses façons de travailler.
Le Metaverse renverse sur les curseurs entre l’abondance et la pénurie. Le rapport au divertissement, aux déplacements, aux biens de consommation, à la beauté avec la place des avatars, aux rencontres amoureuses sont fondamentalement bouleversés. La réalité virtuelle peut apporter une contribution importante à la réduction des émissions de CO2. Par exemple, la mondialisation immédiate du marché des talents est une étape supplémentaire vers la généralisation et la systématisation du télétravail, en couvrant l’angle mort des solutions actuelles autour de la créativité ou en augmentant la qualité des salons professionnels virtuels. Pour se saisir de ces mutations en gestation, les entreprises, comme elles l’ont fait avec le numérique ou l’intelligence artificielle, doivent intégrer et pourquoi pas nommer un Chief Metaverse Officer. Toute entreprise qui n’élaborerait pas de plan, prendrait alors un risque considérable. 2022 sera l’année du Metaverse, avec un flux d’investissement massif, des plans de recrutement de profils adaptés ou encore des opérations de rachat d’entreprises.
Evidemment, il y a un lot des risques nouveaux qui émergent. A technologie constante, le Motion sickness reste un frein à sa généralisation car cela limite en population générale l’utilisation prolongée Le risque de développement d’addictions est réel, comme on le voit dans le monde du gaming. Les risques cyber, d’arnaque ou de vol de données sont aussi très significatifs. La place de l’anonymat doit être challengée. Enfin, serons-nous tous égaux socialement dans ce monde ? Ou plutôt de nouveaux critères de richesse vont-ils apparaître ? Que deviendront les influenceurs des réseaux sociaux en 2D ?
De façon assez logique, après une première phase de tests et de montée en puissance, la question de la régulation va inévitablement se poser. D’autant que, et ce n’est pas un hasard, le monde VR va être le prolongement naturel des réseaux sociaux et prendre une place majeure dans le débat public et les interactions humaines. C’est d’abord là que la bataille entre la réalité augmentée et virtuelle va se jouer, entre les mastodontes tels que Snap, Instagram ou encore Tik Tok.
On le sent bien, une nouvelle séquence de positionnement géopolitique va s’ouvrir, avec des approches différenciées entre les trois grands blocs économiques. Avec la Chine d’un côté, qui semble pour l’instant très restrictive, avec l’encadrement du gaming et l’interdiction des crypto-monnaies. Avec de l’autre côté, le monde occidental, laissant d’abord le champ libre aux entreprises et une nouvelle séquence de rapprochement sociétal entre l’Europe et les Etats-Unis mais des fractures philosophiques à venir en matière de régulation.
La montée en puissance du Metaverse n’est plus une simple interrogation philosophique entre utopie et dystopie, supporters ou détracteurs, mais un sujet très concret et qui s’impose à tous.
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