Certificats médicaux: “L’abus traduit un sentiment d’impuissance”

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La suppression du certificat médical pour une journée d’absence n’entraîne pas d’abus à grande échelle, d’après Securex. Lorsque cela se produit, c’est qu’il existe un problème sous-jacent auquel les entreprises doivent s’attaquer, comme une absence de dialogue et de confiance.

Début juin, les ministres Frank Vandenbroucke (Vooruit) et Pierre-Yves Dermagne (PS) annonçaient que les salariés des entreprises employant plus de 50 personnes n’auraient plus à produire de certificat médical en cas d’absence d’une seule journée, avec un maximum de trois fois un jour par an. Une enquête menée par Securex auprès de plus de 1.100 employeurs en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles révèle que plus de la moitié des organisations concernées (55,8%) sont farouchement opposées à l’idée. Aujourd’hui, plus de 83% des grandes sociétés exigent toujours un certificat pour les absences d’un jour. Et ce sont surtout celles dont l’effectif est composé à plus de 25% d’ouvriers, qui sont plus à cheval sur la question (90,7%).

Seuls 12% des salariés avouent s’être déjà déclarés malades alors qu’ils ne l’étaient pas.” – Elisabeth Steendam, Manager “Wellbeing” chez Securex

Les employeurs prévoient des abus

Seule une grande entreprise sur cinq (19,7%) se dit prête à accepter la mesure. Une sur quatre (24,5%) estime qu’elle pourrait l’envisager. Plus de trois employeurs sur quatre (76%) craignent qu’elle n’entraîne une multiplication des absences d’un jour.

Pourquoi les salariés feraient-ils semblant d’être malades? Dans de nombreux cas, le travail s’accumulera jusqu’à leur retour. “C’est certainement vrai, les postes où le travail s’empile sans que personne ne s’aperçoive de rien sont plutôt rares”, observe Elisabeth Steendam, managerwellbeing chez Securex.

“Nous avons précédemment démontré que les abus étaient rares. Seuls 12% des salariés avouent s’être déjà déclarés malades alors qu’ils ne l’étaient pas: 8% l’ont fait une fois et 4% plusieurs fois.” Un membre de la famille malade, le besoin de récupérer et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée sont les principales raisons invoquées par les répondants concernés.

83%

Part des grandes sociétés qui exigent toujours un certificat pour les absences d’un jour.

Ce sont les organisations dont la culture est fondée sur le contrôle, les sanctions et les récompenses qui craignent le plus les abus. A juste titre, peut-être. “Les salariés qui ont l’impression d’être dans le collimateur de leur employeur peuvent voir là un moyen de lui échapper trois jours de plus par an, indique Elisabeth Steendam. Mais si c’est le cas, c’est sans doute un peu par impuissance, pour contourner un problème plus insidieux: le manque de dialogue, par exemple, ou l’absence de confiance.”

Des questions qui, précisément, justifieraient des changements radicaux dans certaines sociétés. Selon Elisabeth Van Steendam, la suppression du certificat pour un jour pourrait inciter les entreprises à motiver davantage encore leur personnel: “La mesure va à l’encontre d’une politique de contrôle, laquelle accroît justement le risque d’abus. Elle est l’occasion de donner aux salariés un signal constructif de confiance, de solidarité et de responsabilité, qui débouchera sur une situation gagnant- gagnant”. En d’autres termes, le risque d’abus est bien plus faible dans les environnements où l’accent est davantage mis sur la confiance que sur le contrôle, là où l’engagement envers l’employeur et le job est fort.

Liberté et communication

Quelles seront donc les retombées de la décision ministérielle sur les organisations qui concèdent une très grande liberté à leur personnel? Certaines sociétés par exemple accordent un accès illimité aux congés payés. Le droit au congé menstruel se répand ; au Japon, il existe depuis des années ; en Espagne, un projet de loi prévoit d’accorder trois jours par mois aux femmes ayant des règles douloureuses.

“Il existe en réalité un impératif, primordial pour toutes les entreprises: la communication, résume Elisabeth Steendam. L’employeur doit convenir de modus vivendi et entretenir un dialogue clair avec ses salariés. Il peut par exemple exiger que l’absence pour maladie soit signalée par téléphone au supérieur hiérarchique, et non par SMS ou par courriel.”

Il est bon d’avoir un contact personnel dès le moment où l’absence est signalée, ce qui donne à l’employeur l’occasion de s’enquérir d’emblée de sa gravité et de sa durée présumée ; or ces questions sont rarement posées, constate Securex. Rester en contact permet aux absents de se sentir écoutés et soutenus, mais c’est aussi la clé d’un retour plus rapide au travail. A cela s’ajoute un avantage pratique: les ressources humaines savent plus rapidement s’il faut chercher un remplaçant à qui confier les tâches importantes, pour préserver la productivité.

Evaluation et formations

Enfin, le gouvernement fédéral a annoncé que la mesure ferait l’objet d’une évaluation un an après son entrée en vigueur. Peut-être même alors sera-t-elle étendue aux entreprises comptant 20 salariés ou plus. Tout comme leurs grandes soeurs, les huit dixièmes (82,8%) des sociétés employant entre 20 et 50 personnes réclament toujours un certificat en cas d’absence d’une seule journée.

“Employeurs et salariés doivent avant tout comprendre que la mesure n’est pas un blanc-seing, conclut Elisabeth Steendam. Il est tout aussi crucial de former les chefs d’équipe et la hiérarchie à communiquer avec le personnel, ainsi que de leur apprendre à le sensibiliser. Mais un chef de service qui fait pression sur un absent pour qu’il revienne achever un projet important fera lui aussi plus de mal que de bien: c’est là que s’installe le malaise et que surviennent les abus.”

Davantage d’abus les lundis?

Beaucoup de répondants de l’enquête effectuée par Securex s’attendent à une multiplication des absences, principalement les lundis et à l’occasion des ponts. Les recherches montrent pourtant que l’absentéisme n’est pas concentré sur ces jours-là: “22% des absences d’un jour ont lieu un lundi, indique Heidi Verlinden, spécialiste recherches en RH chez Securex. Seuls les vendredis obtiennent un score légèrement plus élevé, mais les écarts sont ténus. Alors qu’en principe, il est beaucoup plus probable de s’absenter le lundi ou le vendredi puisque les maladies qui commencent ou se terminent pendant le week-end s’étendent à ces jours-là également”.

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