Bpost: Jean-Pascal Labille coupable de délit d’initié ?

L'ancien patron du holding Arco succédera au socialiste Jean-Pascal Labille à la tête du holding public wallon. © Belga

Les propos de l’ancien ministre des Entreprises publiques Jean-Pascal Labille ont entraîné la suspension du cours de Bourse de bpost. A-t-il dévoilé des informations privilégiées ?

“Je vous annonce un scoop. Dans peu de temps, la poste va perdre son statut public.” Le patron de Solidaris Jean-Pascal Labille a lancé un beau pavé dans la mare vendredi dernier au micro de La Première. Derrière cette déclaration tonitruante se cachaient des tractations entamées par bpost en toute discrétion et depuis plusieurs mois, en vue d’un rachat de son homologue néerlandais postNL. Les négociations ont finalement capoté en fin de week-end dernier. Mais si l’opération s’était conclue via un échange d’actions, l’Etat belge aurait effectivement pu perdre sa position d’actionnaire majoritaire au sein de bpost.

En lâchant ce “scoop” au grand public, l’ancien ministre PS des Entreprises publiques a-t-il franchi la ligne rouge ? C’est la FSMA, le gendarme du secteur financier, qui devra le dire. L’instance de contrôle a débuté une phase d’analyse de la diffusion de ces informations, qui pourrait par la suite déboucher sur une enquête.

Les règles entourant la communications d’informations dites “privilégiées” dans les sociétés cotées, comme bpost, sont très strictes. Une information privilégiée est une information sensible qui, si elle était rendue publique, serait de nature à faire varier le cours de Bourse de l’entreprise. Des négociations pour le rachat d’une entreprise étrangère réalisant un chiffre d’affaires de 3,5 milliards d’euros (2,4 milliards pour bpost) entrent forcément dans cette catégorie. “Dans un tel cas de figure, la société doit notifier cette information privilégiée à la FSMA, tout en lui indiquant qu’elle choisit de ne pas la rendre publique “, explique un avocat spécialisé en droit financier, qui préfère s’exprimer anonymement. La FSMA est donc au courant de ces négociations postales depuis le début, ce qui lui permet de vérifier que le cours de Bourse ne subit pas de variations anormales pendant cette période.

Initiés

Les personnes qui ont accès à cette information au sein de l’entreprise figurent sur une liste d'”initiés”. Généralement, ces derniers signent un accord de confidentialité, via lequel ils s’engagent à ne pas communiquer à ce sujet. Jean-Pascal Labille n’ayant aucune fonction au sein de bpost, il ne figure certainement pas sur cette liste. Ce qui ne l’empêche pas de devoir respecter la réglementation concernant ces fameuses informations privilégiées, si jamais elles parviennent à son oreille d’une façon ou d’une autre.

“L’interdiction de diffusion des informations privilégiées s’applique à tout le monde, pas seulement aux initiés”, souligne Jim Lannoo, porte-parole de la FSMA. Si une enquête devait être diligentée, celle-ci pourrait aboutir à des sanctions administratives pouvant aller jusqu’à 2,5 millions d’euros, poursuit le représentant du gendarme du secteur financier. Les sanctions restent cependant relativement rares et n’ont jamais atteint ce montant. Depuis 2012, la FSMA a prononcé 15 sanctions administratives, avec une amende maximale de 600.000 euros, dans la seule catégorie des délits d’initié. Cette catégorie d’infraction ne concerne que des personnes qui ont un intérêt personnel à voir le cours de l’action augmenter ou baisser, ce qui n’est pas le cas ici.

Reste pour la FSMA à vérifier deux choses. Tout d’abord, Jean-Pascal Labille a-t-il communiqué une information qualifiée de privilégiée ? L’ancien ministre estime qu’il ne faisait qu’attirer l’attention sur un désinvestissement de l’Etat dans les services publics, dont la poste. Ses propos ont cependant mis sur la place publique les négociations entre bpost et postNL et déclenché la suspension du cours de Bourse de bpost par la FSMA. Deuxième étape : s’il s’agit d’une information privilégiée, l’ancien ministre pouvait-il la rendre publique ? Des exceptions à l’interdiction de diffusion existent, notamment si la personne qui dévoile l’information le fait dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. Affaire à suivre.

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