BP, Shell et ExxonMobil : que font-ils de leurs 100 milliards de dollars de bénéfices ?
Les groupes pétroliers et gaziers engrangent des bénéfices records grâce à l’envolée des prix provoquée par la guerre en Ukraine. La question est maintenant de savoir comment ils comptent dépenser ces revenus faramineux. Pas forcément dans les énergies renouvelables, qui ne représentent qu’une petite partie des nouveaux investissements.
Les chiffres donnent le tournis : les bénéfices du géant pétrolier britannique BP ont plus que doublé pour atteindre 27,7 milliards de dollars (25,8 milliards d’euros) en 2022. Et BP est loin d’être le seul titan de l’énergie à pouvoir se féliciter. Shell, l’un des autres grands acteurs du secteur, a également affiché des bénéfices records en 2022. La société, désormais entièrement britannique, a déclaré des bénéfices de 42,3 milliards de dollars (38,4 milliards d’euros). Chez son homologue américain ExxonMobil, ce chiffre atteint même les 56 milliards de dollars (52 milliards d’euros). Que signifient ces bénéfices des acteurs du secteur des combustibles fossiles qui se chiffrent en milliards de dollars pour leur stratégie d’investissement et les plans climatiques mondiaux ?
On continue d’investir dans le pétrole
Premier constat : BP a déjà revu à la baisse ses plans visant à réduire considérablement sa production de pétrole et de gaz d’ici 2030. Après l’annonce de bénéfices records, le PDG Bernard Looney a en effet déclaré que les investissements dans la production de pétrole et de gaz seront augmentés à hauteur de 8 milliards de dollars. De quoi permettre à la compagnie pétrolière de se concentrer sur “des opportunités à court terme, rapidement remboursables, avec de faibles émissions opérationnelles supplémentaires”, écrit le Financial Times.
À leur décharge, une somme similaire soit 8 milliards sera également investie dans la transition énergétique – énergies renouvelables, hydrogène, biocarburants, batteries. Le groupe est depuis longtemps considéré comme l’un des plus ambitieux du secteur en matière de durabilité, et avait été l’un des premiers à annoncer son intention de réduire ses émissions de carbone à zéro d’ici 2050. BP avait également promis de réduire les émissions liées à la production d’au moins 35 % d’ici la fin de la décennie, selon la BBC. Sauf que, depuis, la BP a déclaré qu’elle visait désormais une réduction de 20 à 30 % de ses émissions.
On fore ailleurs et on se concentre sur le sud
Dans l’ensemble un constat s’impose donc : Big Oil continue à mettre la main au portefeuille pour… le pétrole. Le cabinet d’études S&P Global estime que, dans l’ensemble du secteur pétrolier, environ 450 milliards de dollars ont été injectés en amont – soit dans toutes les activités liées à l’exploration et à l’extraction des combustibles fossiles – l’année dernière. Cette année, ce montant pourrait être encore plus élevé, rapporte The Economist.
Au cours de la première crise liée au Covid en 2020, lorsque la demande de pétrole s’est écroulée et que l’économie mondiale était au point mort, ce montant n’était encore que de 350 milliards de dollars, soit le niveau d’investissement le plus faible depuis 15 ans.
En outre, The Economist a épinglé une autre tendance : le forage du pétrole se concentre désormais ailleurs. BP, par exemple, se sépare complètement de ses actifs pétroliers mexicains et serait sur le point d’abandonner des projets en Angola, en Azerbaïdjan, en Irak, à Oman et dans les Émirats arabes unis. Chez BP, Shell et ExxonMobil on a plutôt choisi de quitter la Russie, l’agresseur de l’Ukraine.
Les investissements dans les projets d’énergie renouvelable en Afrique poussent également comme des champignons : BP, par exemple, a signé un protocole d’accord avec le gouvernement mauritanien pour construire un projet d’hydrogène vert dans ce pays d’Afrique occidentale. Eni a pour sa part conclu un accord similaire avec la compagnie pétrolière nationale algérienne Sonatrach, tandis que TotalEnergies soutient la production d’énergie verte en Afrique du Sud.
Laurens Bouckaert
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